Accueil | Culture | [Littérature] Marseille fend le cœur de Marcel Pagnol

[Littérature] Marseille fend le cœur de Marcel Pagnol


En Provence, les célébrations se multiplient pour les 50 ans de la mort de Marcel Pagnol. Avec une grande absente : Marseille, ville où est enterré l’écrivain.

Le 18 avril 1974, l’académicien, dramaturge, écrivain et cinéaste Marcel Pagnol s’éteignait à Paris, loin de sa Provence natale, qui a marqué son œuvre. Au point d’en être souvent réduit à l’étiquette «régionaliste». Hier, un hommage lui a été rendu au cimetière de la Treille, dans l’est de Marseille, où il est enterré, et un nouveau buste de l’auteur inauguré à Aubagne, sa ville natale, limitrophe de la cité phocéenne. L’adaptation en bande dessinée d’une pièce de théâtre inédite, Gaby ou la belle et l’argent, a également été publiée pour l’occasion; Pagnol l’avait écrite en 1954 puis avait renoncé à la monter.

L’œuvre de Marcel Pagnol, c’est un territoire

Expositions et hommages sont prévus en Provence, et le festival de cinéma de La Rochelle puis la Cinémathèque française proposeront en juillet une rétrospective de dix films restaurés. Une adaptation en comédie musicale de Manon des sources, ainsi qu’un biopic d’animation par Sylvain Chomet (Les Triplettes de Belleville), sont également prévus. En 2026, un musée Pagnol doit ouvrir à Allauch, petite commune au pied du Garlaban, un des massifs dominant Marseille. Le jeune Marcel y passait ses vacances, racontées dans La Gloire de mon père et Le Château de ma mère.

Amour déçu

Mais un site manque à l’appel de ces célébrations : Marseille, décor de la trilogie Marius, Fanny et César, qui avait assis le succès du jeune auteur au tournant des années 1930. Une vive polémique oppose depuis l’été dernier Nicolas Pagnol, petit-fils de l’écrivain et président des sociétés gestionnaires des droits des œuvres de l’auteur, à la municipalité de gauche de Marseille. Celle-ci a en effet refusé de renouveler le contrat de gestion du château de la Buzine, Le Château de ma mère, situé dans l’est de la ville, entre Aubagne et Allauch. Une «expropriation culturelle» doublée d’«injures» au fur et à mesure que la polémique s’est envenimée, selon Nicolas Pagnol, qui menace la municipalité d’actions en justice. La ville a finalement repris le château en régie directe, pour en faire une «cité du cinéma».

Entre Marcel Pagnol et Marseille, c’est une vieille histoire d’amour déçu, poursuit son descendant. «J’ai fait mon deuil de Marseille il y a très longtemps, ça ne remonte pas à Benoît Payan», l’actuel maire divers gauche. «En 50 ans, qu’a fait Marseille? Il n’y a pas un musée, pas une maison, pas une place, pas un buste, pas un festival qui porte son nom. Rien. Ah, si! Un bout de quai au bout du Vieux-Port, mais en fait c’est un parking. Merci bien!»

La droite locale, majoritaire à la métropole, au département et à la région, a pris fait et cause pour le petit-fils. Le président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Renaud Muselier, dénonce régulièrement «un scandale culturel, littéraire et politique». Et la région a lancé un programme de célébrations triennal, que Nicolas Pagnol a accepté de parrainer.

«Éviter les querelles»

Lionel de Cala, le maire d’Allauch, membre de la majorité départementale de droite, espère 80 000 à 100 000 visiteurs par an pour son projet de musée à quatre millions d’euros, «un outil de rayonnement pour toute la Provence». Les «regrettables» remous autour de la Buzine ont «renforcé» son projet, reconnaît-il. Mais Nicolas Pagnol récuse toute récupération politique : «L’œuvre de Marcel, c’est un territoire. Ce n’est pas Aubagne, ou Marseille, ou Allauch. C’est tout ça à la fois.»

Pour autant, «toute une programmation complètement gratuite» de commémorations est aussi prévue à Marseille, assure Jean-Marc Coppola, adjoint à la culture de la cité phocéenne, sans plus de détails pour l’heure. «Pagnol est lié à Marseille de par son œuvre», poursuit l’élu. Mais les œuvres de Pagnol n’étant pas encore dans le domaine public, la mairie doit faire attention. «On va éviter les polémiques et les querelles.»