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[Littérature] Liaisons dangereuses à l’ère de Facebook


À 45 ans, Joann Sfar a déjà derrière lui une grande carrière, auréolée de nombreux prix dans la BD et le cinéma. (photo AFP)

Le dessinateur, réalisateur et écrivain Joann Sfar publie Vous connaissez peut-être, le «roman» d’un «mec paumé, victime» d’une idylle sur Facebook.

« Ça a commencé avec une photo sur Facebook et ça s’est terminé au commissariat de police. Tout est vrai, sinon ce n’est pas drôle », avertit Joann Sfar dès les premières lignes de ce récit autobiographique qu’il préfère qualifier de «roman». «Les évènements sont vrais, mais je les tourne dans tous les sens, j’ai tout repensé», explique l’auteur de la BD Le Chat du rabbin qu’il a adaptée au cinéma (César du meilleur film d’animation 2012).

Ce quatrième roman – écrit à la première personne du singulier, à paraître aux éditions Albin Michel le 24 août – doit son titre à la fonction que propose Facebook à ses utilisateurs pour développer leur réseau d’ «amis».

Fragilisé par une récente rupture amoureuse, le narrateur cherche à appliquer du «baume sur le réel», à combler «le manque» laissé par son ex-maîtresse qu’il surnomme «le bibelot». Ce Niçois, d’origine juive algérienne par son père avocat, et ukrainienne par sa «maman» chanteuse, décide d’adopter un chien sur les conseils de sa fille. Ce sera Marvin, un bull-terrier de la SPA. Et puis, il clique sur le profil d’une Israélienne que Facebook lui suggérait : «Vous connaissez peut-être Lili M. A.»

«C’est l’histoire d’un mec paumé entre un chien méchant et une idylle sur Facebook», résume l’auteur. Dès le début, on sait que ça ne peut que mal se terminer avec ces deux protagonistes.

Il s’agit d’un moment «d’égarement contemporain pendant lequel on peut se faire avoir de multiples façons». Lui a été victime d’une illusion de rencontre dans cet immense «bistrot» que représente le réseau social et ses deux milliards de profils. D’autres se font piéger par «la radicalisation», fait-il valoir.

Sur la toile, surfez couverts !

C’est un livre «romantique», ajoute l’auteur. Selon le dessinateur, âgé de 45 ans et déjà couvert de récompenses, ce livre rejoint en outre «la grande tradition» du roman épistolaire, et se veut en quelque sorte «Les Liaisons dangereuses à l’ère de Facebook».

Malgré l’aspect traumatisant de sa mésaventure, il dit l’avoir racontée «dans la bonne humeur». «Le moment de l’écriture est un moment jouissif», dit-il, «et l’idée de faire marrer avec des sujets graves me tient à cœur». De fait, on surfe tantôt sur son vague à l’âme, tantôt sur ses traits d’humour caustique. «Je crois être un des mecs au monde les plus faciles à arnaquer», admet-il, «ça m’a amusé de dépeindre ce niveau de naïveté et de candeur».

S’il admet faire «le clown», il assure aussi lutter de «toutes ses forces contre le nihilisme et le pessimisme qui s’imposent partout» et met en garde contre «l’illusion de libre-arbitre». De la même manière qu’on se protège lorsque l’on a des relations sexuelles, «il faut se protéger des relations virtuelles».

Une série pour Canal+

L’artiste pluridisciplinaire se lance à présent dans la création de Monster’s Shrink (Le Psy du monstre), une série «fantastique très graphique» pour Canal+. En huit épisodes, elle est à un stade d’écriture «très avancée» qu’il scénarise avec l’Anglais Andrew Clifford. Il la réalisera de bout en bout en 2018, entouré de «(s)a garde rapprochée», à la manœuvre sur son film Gainsbourg, vie héroïque (César du meilleur premier film 2011).

«Il est question du réveil des monstres en Europe auxquels sera confrontée une psychanalyste américaine», indique-t-il «évidemment, la résonance est politique». Le programme sera principalement interprété par des comédiens américains. «Le casting est en cours», précise-t-il. Censé se dérouler au Cap d’Antibes, le lieu du tournage n’est pas encore déterminé.

«C’est très adulte, il va y avoir de l’horreur et l’on verra s’instaurer une intimité avec des créatures monstrueuses», promet Joann Sfar.