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[Littérature] «Le Nid du coucou», de Camilla Läckberg


Retrouvez la critique littéraire de la semaine.

Dans la tribu en vogue des auteurs scandinaves, elle est «la reine du polar». À bientôt 50 ans, la Suédoise Camilla Läckberg est tenue pour l’une des meilleures signatures du genre, tout en écrivant également des livres de cuisine et pour enfants, et elle a même ouvert, avec deux amies, une clinique privée dans un quartier chic de Stockholm.

Après une maîtrise en administration des affaires, elle arrive dans le monde des livres en 2003. Succès immédiat avec La Princesse des glaces et son héroïne, l’écrivaine enquêtrice Erica Falck, qui vit et travaille avec celui qui deviendra son mari, Patrik Hedström, au commissariat de Fjällbacka – petite ville côtière qui est, accessoirement, le lieu de naissance de Camilla Läckberg… Après quelques romans et textes chocs sur la vengeance féminine, cette dernière reprend sa plus ancienne série dans un onzième volet, Le Nid du coucou. Une fois encore, un polar millimétré, jouant la bipolarité fictionnelle à la perfection.

Là encore, le décor ne change pas. Toujours la petite ville de Fjällbacka, dans les années 1980. Sur une petite île au large de la ville, le couple Bauer célèbre ses noces d’or avec ses amis et le gratin de la «kultur» suédoise. Henning Bauer est un des plus prestigieux écrivains du pays : on assure que le Nobel lui est assuré, même si certains murmurent que cette récompense ne serait pas aussi méritée qu’on veut le faire croire…

Une histoire de vengeance qui montre une Camilla Läckberg en grande forme

Mais la vie, même à Fjällbacka, n’est pas nécessairement un long fleuve tranquille. On apprend qu’un ami photographe de Bauer, qui prépare une rétrospective dont l’œuvre forte est intitulée Culpabilité, est assassiné : «Il savait aussi que lors de l’inauguration deux jours plus tard, il se sentirait libéré de ce poids qu’il portait depuis de nombreuses années». Et le lendemain, ce sont le fils d’Henning Bauer et ses deux garçons qui sont assassinés durant leur sommeil…

Erica Falck, plus que jamais écrivaine, se lance dans une nouvelle enquête. Elle veut percer le mystère de la disparition de la femme transgenre ayant servi de modèle aux œuvres qui auraient dû être au cœur de l’expo de la victime. Ainsi, la voilà embringuée dans un «cold case»; en avançant dans ses investigations, elle comprend que «le passé étend ses tentacules jusque dans le présent, et que de vieux péchés laissent de longues ombres derrière eux». Dans le même temps, Patrik Hedström est chargé de l’enquête du meurtre du fils d’Henning et de ses deux enfants. «Le plus atroce des meurtres sur lesquels il a eu à enquêter», confie l’autrice… L’intrigue est certes complexe, emplie de rebondissements; on dévoilera seulement qu’il s’agit d’une histoire de vengeance.

En grande forme pour ce retour, Camilla Läckberg sait, comme peu, mêler intrigues, enquêtes et vie familiale des personnages. En quelque sorte, sa marque de fabrique… Avec, comme souvent dans les polars de l’écrivaine suédoise, des éclairages sur des questions sociétales – ainsi, la discrimination des femmes et des transgenres, l’homosexualité qui, dans la décennie 1980, était encore tenue par la plupart comme une «maladie honteuse», le sentiment des homosexuels d’être des «animaux de foire», ou encore le peu d’intérêt manifesté par la justice pour leur cause, même à la suite d’une disparition ou d’un meurtre… Évidemment, Le Nid du coucou étant un polar, Camilla Läckberg ne lésine pas sur la sauvagerie des meurtres. Mais, fine technicienne de la chose écrite, elle y instille de bonnes doses de sensibilité et de délicatesse. Pour mieux nous faire croire qu’il est doux de se glisser dans un nid de coucou?