C’est l’une des belles nouvelles du déconfinement : les librairies ont rouvert. Et les éditeurs ont placé leurs champions pour le grand match des best-sellers. Dans les rayons, Guillaume Musso, champion en titre, face à ses quatre challengers…
LE CHAMPION, GUILLAUME MUSSO
Présentant La vie est un roman, son dix-septième roman, Guillaume Musso se laissa aller à la confidence : «Le roman réussi, c’est d’avoir la bonne histoire à un moment de votre vie où vous allez savoir la raconter de la façon la plus juste qui soit. Et ça, on ne le maîtrise pas.»
À 45 ans, marié et père de deux enfants, il est le champion toutes catégories de l’édition francophone. Mieux : ces neuf dernières années, il a été l’auteur français ayant vendu le plus d’exemplaires, reléguant l’ancien champion Marc Lévy au rang de challenger et maintenant à distance de nouveaux challengers comme Michel Bussi ou encore Joël Dicker.
Certains ne manquent pas de rappeler, avec une dose de fiel alimenté à la sauce jalousie, qu’il a quitté son éditeur historique (XO Éditions) pour rejoindre l’honorable maison Calmann-Lévy (éditeur au XIXe siècle de Gustave Flaubert) en 2017 contre un chèque à, dit-on, six chiffres…
Né à Antibes le 6 juin 1974, il a publié son premier roman (Skidamarink) en 2001 après avoir enseigné l’économie dans un lycée en Lorraine. À ce jour, Guillaume Musso a vendu dans le monde 36 millions d’exemplaires, dont 1,4 million (grand format et poche) l’an passé pour La Vie secrète des écrivains – série en cours, comme disent les sportifs! Et l’éditeur juge son champion en grande forme puisqu’il a effectué un premier tirage de La vie est un roman à 400 000 exemplaires…
Un bon accueil critique pour La vie est un roman
Ce succès, assure Guillaume Musso, n’a pas changé fondamentalement sa vie : même s’il a acquis un appartement dans le Paris chic de la rive gauche de la Seine et changé sa Clio Renault pour une Mini Cooper, il continue d’aller chercher ses deux enfants à l’école. Un changement, tout de même : longtemps dédaigné, voire méprisé, par la critique parisiano-parisienne, il commence à être invité dans une émission littéraire à la télé. Les temps changeraient-ils?
On peut le croire avec le bon accueil qu’a reçu La vie est un roman. Certains ont même cru pouvoir affirmer que «Musso s’y livre comme jamais», qu’«il a écrit son livre le plus personnel», alors que d’autres s’étonnent de sa culture littéraire (qui comprend les grands romans russes ou encore Flaubert).
Alors, on résume : une introduction, trois grands mouvements et un épilogue. On ouvre avec Flora Conway, une romancière de grand renom et discrète : «Un jour d’avril, ma fille de trois ans, Carrie, a disparu alors que nous jouions toutes les deux à cache-cache dans mon appartement de Brooklyn.»
Porte et fenêtres de l’appartement étaient fermées, les caméras de surveillance de l’immeuble n’ont aucune image suspecte, la police n’a rien trouvé. En ce même printemps, du côté européen de l’Atlantique, Romain Ozorski. Il est écrivain, a 45 ans, le cœur détruit et s’est réfugié dans une maison en ruine. Il est le seul à savoir ce qui s’est passé dans l’appartement de Brooklyn. Flora va le retrouver…
Trois mouvements, deux coups de théâtre pour un texte ensorcelant, rempli de clins d’œil et références au monde et au pouvoir des livres. Il y a, dans La vie est un roman, des accents et une rage de vivre que l’on trouve aussi chez Stephen King ou encore Romain Gary. Il y a pire comme cousinage!
La Vie est un roman, de Guillaume Musso. Calmann-Lévy.
Serge Bressan
LES CHALLENGERS
Françoise Bourdin
Qu’importe! Régulièrement, Françoise Bourdin répond présente pour un rendez-vous avec les lecteurs. Cette fois, on rencontre une médecin généraliste et sa sœur, secrétaire médicale. Le travail prend le pas sur sa vie privée, elle envisage de s’associer avec un autre médecin; mais qui acceptera de venir dans ce village aussi magnifique qu’éloigné de tout? Les deux sœurs fréquentent deux frères, l’un viticulteur, l’autre de retour au village après avoir été informaticien à Paris.
Un roman agile, généreux et bienveillant entre interrogations pour des choix personnels, élans du cœur et non-dits familiaux, un roman où l’on veut simplement être quelqu’un de bien…
Quelqu’un de bien, de Françoise Bourdin. Belfond.
Joël Dicker
Pour son cinquième roman, Joël Dicker, le nouveau prodige des lettres francophones, change de décor. On oublie l’Amérique du Nord, on se pose au bord du lac Léman, à Genève, et on fréquente les palaces pour L’Énigme de la chambre 622 (avec un premier tirage de 400 000 exemplaires). Une nuit de décembre au Palace de Verbier avec vue sur le lac, un meurtre. La police ne résoudra jamais l’énigme.
Quelques années plus tard, à l’été 2018, un écrivain prénommé Joël et auteur de best-sellers vendus dans le monde entier vient séjourner dans ce palace pour des vacances après la mort de son éditeur. On lui a réservé la chambre 621 bis, entre la 621 et la 623 (la 622 n’existe plus depuis le meurtre).
Vite, sans qu’il ne s’y attende, Joël est plongé dans l’affaire… Joël Dicker rend un double hommage : à l’éditeur Bernard de Fallois parti à jamais en 2018 et qui l’a découvert, et à sa ville natale de Genève. «Je voulais me demander quel était mon sentiment autour de cette ville…»
L’Énigme de la chambre 622, de Joël Dicker. Éditions de Fallois.
Agnès Martin-Lugand
De trois mots, Agnès Martin-Lugand évoque Nos résiliences, son huitième roman : épreuve, culpabilité et pardon. Elle en ajoute un quatrième : amour. Elle dit aussi : «J’aime parler de ceux qu’on entend peu…» Tout commence par un accident de moto. Un terrible accident pour Xavier, s’ensuivra une grave dépression. Xavier et sa femme Ava coulaient jusqu’alors une vie douce. Les choses de la vie en ont décidé autrement.
Dans les semaines, dans les mois qui suivent l’accident, le couple, la famille est au bord de l’explosion. Il y a des blessures, la souffrance, la douleur, les faiblesses, les failles… Il y a aussi l’amour. Cet amour qui nourrit l’essentiel des romans d’Agnès Martin-Lugand et qui constitue le meilleur ciment pour éloigner la fatalité, gommer la culpabilité, favoriser la reconstruction. Nos résiliences, d’une écriture simple et limpide, c’est le roman de l’espoir, celui de «l’espérance folle qui carambole». C’est aussi l’hymne à l’amour et à la vie.
Nos résiliences, d’Agnès Martin-Lugand. Michel Lafon.
Bernard Minier
Dans une première vie, il fit carrière dans les douanes. Sur le tard, il est venu à l’écriture, concevant ses livres comme des plats qu’il a envie de manger. Bernard Minier, 59 ans, offre son huitième roman, simplement titré La Vallée. Un menu de choix pour un thriller bien saignant avec des meurtres d’une rare cruauté. Et l’occasion de retrouver, dans ce livre, un commandant de police nommé Martin Servaz, en quelque sorte le Maigret de Minier…
Il se pointe dans un village des Pyrénées, ses habitants sont coupés du monde après l’éboulement d’un pan de la montagne. Suspendu par sa hiérarchie mais aidant sa collègue et amie Irène Ziegler, Servaz n’en enquête pas moins sur ces victimes assassinées avec une cruauté dépassant l’entendement par un tueur en série.
Tout en menant l’enquête, le policier continue de rechercher son ex-compagne Marianne et leur fils Gustav. Ça rebondit sans cesse, au fil des pages, entre meurtres affreux et recherches infructueuses, en y ajoutant la colère qui monte chez les habitants du village et le mysticisme des moines de l’abbaye voisine…
La Vallée, de Bernard Minier. XO Éditions.
Le forfait : Marc Lévy
En cours de ce match des best-sellers entreront d’autres challengers. Ainsi, sont annoncés Jean-Christophe Grangé (Le Jour des cendres, Albin Michel), Jean-Christophe Rufin (Le Flambeur de la Caspienne, Flammarion), Virginie Grimaldi (Et que ne durent que les moments doux, Fayard) mais aussi les internationaux John le Carré (Retour de service, Seuil), Camilla Läckberg (Femmes sans merci, Actes Sud) et Elena Ferrante (La Vie mensongère des adultes, Gallimard).
Toutefois, on notera un grand absent dans ce match de l’été : le Français Marc Lévy, habituel challenger de Guillaume Musso ces dix dernières années après avoir été, durant la première décennie du siècle, l’auteur francophone le plus vendu dans le monde et à ce jour traduit dans 49 langues…
À vrai dire, ne souffrant pas de rupture des ligaments et encore moins des ischio-jambiers, Marc Lévy n’est pas véritablement forfait. Il a simplement décidé de changer de catégorie de poids. Et de glisser dans la catégorie jeunesse.
Ainsi, le 11 juin prochain, chez Robert Laffont / Versilio, dans la collection «R Jeunesse» et inspirés de son best-seller Le Voleur d’ombres (2010), paraîtront les tomes 3 (Le Terrible incident) et 4 (Les Secrets du grenier) du Petit Voleur d’ombres, que Lévy signe avec l’illustrateur Fred Bernard. Une série qui met son jeune narrateur aux prises avec toutes les premières fois de l’enfance : positives ou désagréables, ce sont elles qui nous forgent.
S. B.