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[Littérature] Le Goncourt des lycéens au premier roman du Franco-Rwandais Faye


L'écrivain franco-rwandais Gaël Faye, le 13 septembre 2016 à Paris. (Photo : AFP)

Révélation littéraire de la rentrée, le Franco-Rwandais Gaël Faye a été couronné du 29e Goncourt des lycéens pour «Petit Pays» (Grasset), roman inspiré de son enfance relatant le quotidien insouciant d’un garçon de 10 ans au Burundi bouleversé par la montée du conflit entre Hutu et Tutsi.

«Je suis très fier et ému», a réagi Gaël Faye, à qui la nouvelle a été annoncée par téléphone par la présidente du jury des lycéens, Margaux Comte, depuis l’opéra de Rennes.

Le jury a salué «la fluidité, la sensibilité des paroles» mais aussi «les thèmes abordés, avec notamment la guerre au Rwanda, la découverte identitaire et l’évolution dans la vie adulte». «Petit Pays» a été élu au 1er tour du scrutin avec neuf voix devant le roman «Continuer» de Laurent Mauvignier (Minuit). Déjà lauréat du prix du roman Fnac, Gaël Faye reçoit à 34 ans son premier prix prestigieux, qui lui sera remis jeudi soir à Paris par la ministre de l’Education nationale Najat Vallaud-Belkacem.

Le premier décor du roman nous plonge dans une époque heureuse au Burundi. On suit Gabriel faire les quatre cents coups avec sa joyeuse bande de copains. Ça chipe des mangues chez la voisine, ça crapote dans une vieille guimbarde abandonnée. On passe des chahuts de l’école française aux parties de pêche sur les berges du Cercle nautique où les hippopotames pataugent dans les eaux de l’immense lac Tanganyika.

Des fissures au paradis

Il y a cependant des fissures au paradis. Dans la ville, sous le calme apparent, une «lave venimeuse, le flot épais du sang» versé dans les massacres d’après l’indépendance entre Hutu et Tutsi est «de nouveau prêt à remonter à la surface».

A l’euphorie de la présidentielle de 1993, premier scrutin démocratique de l’histoire burundaise, succèdent d’inquiétants bruits de bottes, puis le fatidique coup d’État qui précipitera le pays dans le gouffre. Six mois plus tard au Rwanda voisin, le génocide emporte la minorité tutsie. Gabriel se découvre Tutsi, métis, Français… »+Petit pays+, c’est l’histoire de la fin de l’innocence, le paradis perdu», expliquait récemment Gaël Faye, également auteur-compositeur.

S’il écrit depuis l’âge de 13 ans, le Franco-Rwandais a mis du temps avant de s’imaginer écrivain. Malgré «un paquet de débuts de romans dans les tiroirs», c’est vers la musique qu’il s’est d’abord tourné à la vingtaine, après un passage dans un fonds d’investissement à Londres où il menait «une vie de poisson rouge». «Il faut prendre ses responsabilités», à l’image de la maman de Gabriel, qui partira au Rwanda, quitte à en perdre la raison, à la recherche de ses proches massacrés à la machette.

Un rythme de rappeur

«C’est un livre fabuleux, par les mots, chaque phrase est une citation. Le rythme du livre est exceptionnel, on voit que c’est un rappeur. On dirait une chanson continuelle», raconte Margaux Comte, 17 ans, qui préside le jury composé de treize élèves représentant 56 lycées. Margaux, du lycée français de Chicago, explique avoir fait «un voyage intérieur. J’ai réfléchi à comment j’aurais réagi en temps de guerre». «C’est aussi un voyage extérieur», poursuit-elle, «on a l’impression de marcher sur la terre, on sent les fleurs alors que le contexte est très dur. Ce n’est pas déprimant, l’auteur n’essaye pas de nous faire pleurer».

Gaël Faye a quitté Bujumbura en 1995 pour la région parisienne, laissant derrière lui une partie de sa famille et ses amis. Il vit aujourd’hui à Kigali. En 2015, le Goncourt des lycéens avait été attribué à Delphine de Vigan pour «D’après une histoire vraie» (JC Lattès), également couronnée la même année par le Renaudot. Ces cinq dernières années, le Goncourt des lycéens est le prix littéraire dont la moyenne des ventes est la plus élevée avec près de 395 000 exemplaires, avant le prix Goncourt qui atteint une moyenne de 345 000 exemplaires.

Ainsi, «Petit Pays», qui a d’ores et déjà été vendu à plus 160 000 exemplaires, poursuit sa belle destinée.

Le Quotidien/afp