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[Littérature] Le consentement s’invite  au rayon jeunesse


la notion de consentement et des violences sexuelles a fait son nid petit à petit dans les rayons jeunesse après en avoir été longtemps absente. 

Après en avoir été longtemps absente, la notion de consentement et des violences sexuelles a fait son nid dans les rayons jeunesse des librairies. Le signe d’une époque.

Que ce soit C’est mon corps! ou encore La Princesse sans bouche : la notion de consentement a pris ses quartiers dans les rayons de la littérature jeunesse qui n’hésite plus à évoquer la question des violences sexuelles, palliant des cours d’éducation à la vie affective quasi inexistants. «Il y a vraiment un besoin, une attente sur ces sujets-là», estime Mai Lan Chapiron, dont l’album C’est mon corps! (La Martinière jeunesse), réédité en mai, s’est retrouvé rapidement en rupture de stock au moment de sa sortie en mars.

«Il y a une urgence absolue à prévenir et à éduquer. On est face à ce problème de santé publique. Les enfants continuent d’être agressés, on est toujours dans l’impunité des agresseurs, dans le silence et le tabou», ajoute-t-elle. D’une quinzaine de pages, son petit livre cartonné et coloré revient avec humour sur la notion de consentement en invitant ses jeunes lecteurs à identifier leurs parties intimes et à les protéger. «C’est toi le chef de ton corps», écrit Mai Lan Chapiron en conclusion.

Tendance de fond

L’artiste, elle-même victime d’inceste dans son enfance, n’en est pas à son coup d’essai. En 2021, elle avait déjà publié Le Loup, une histoire d’inceste saluée par les associations de lutte contre les violences sexuelles dont certaines l’utilisent désormais lors d’actions menées auprès des enfants. Ses deux ouvrages s’inscrivent dans une tendance de fond observée ces dernières années dans le monde de l’édition où la notion de consentement et des violences sexuelles a fait son nid petit à petit dans les rayons jeunesse après en avoir été longtemps absente.

En 2020, l’actrice et metteuse en scène Andréa Bescond, pleinement engagée dans la lutte contre les violences sexuelles, avait ainsi publié trois petits guides intitulés Et si on se parlait : un pour les 3-6 ans, un pour les 7-10 ans et le dernier à partir de 11 ans (HarperCollins).  Même «étalonnage» au sein du groupe Bayard qui décline la problématique suivant l’âge du lectorat de ses magazines (Astrapi, Okapi, Phosphore…). Précurseur dans le domaine – son Petit livre pour apprendre à dire non remonte aux années 1990 – le groupe met désormais à disposition sur son site internet des ressources à destination des parents pour les aider à parler des violences sexuelles avec leurs enfants.

On est toujours dans l’impunité, le silence et le tabou

Des vidéos et des guides mais également des suggestions de livres, allant de La Princesse sans bouche au Secret de Soro (deux récits sur l’inceste) en passant par J’aime mon corps et Le petit livre pour dire stop aux violences sexuelles faites aux enfants. «Il faut que les enfants se sentent autorisés à dire leur gêne quand un adulte les regarde de travers, leur fait une proposition bizarre… Il faut leur faire comprendre que certaines choses ne sont pas acceptables», insiste Delphine Saulière, directrice des rédactions de Bayard Jeunesse.

«On parle de plus en plus des violences sexuelles, donc de nombreux parents se disent que leurs enfants sont au courant et savent déjà tout, ce qui est faux. On sait que de nombreuses victimes d’agression disent qu’on ne leur en avait jamais parlé avant, qu’ils n’avaient pas été sensibilisés à ces questions», ajoute-t-elle. Des campagnes de sensibilisation qui sont souvent l’objet de désinformation, tout comme les cours d’éducation à la vie affective et sexuelle, inscrits dans la loi depuis 2001 mais peu dispensés dans les faits.

Or, «apprendre le consentement aux enfants, c’est une mesure d’utilité publique indispensable», insiste Julie Zerlauth, responsable du plaidoyer et de la sensibilisation à l’Unicef France. «Pour que l’enfant puisse dire « non », il est d’abord important de lui apprendre à dire « non »». Et à l’heure actuelle, «on fait trop peu», renchérit Mai Lan Chapiron dont le «but ultime» est «que la prévention soit mise en place dans les écoles de façon effective. Une fois que cela sera le cas, je pourrai m’arrêter».