La première fois, comme tant d’autres, on a entendu Born to Die et Video Games – deux chansons imparables, c’était en 2011. On nous disait que la chanteuse avait alors 26 ans, était américaine et s’appelait Lana Del Rey. Rapidement, on a appris que c’est évidemment un pseudonyme, que la jeune femme est née Elizabeth Woolridge Grant à New York et que son nom d’artiste fait référence à l’actrice américaine Lana Turner et à Marina Del Rey, un village de pêcheurs à Los Angeles.
Avec ce surnom et son look furieusement glamour années 40, certains se sont empressés de la surnommer «coin coin» tandis que d’autres raillaient son look de pin-up, cheveux longs ondulants et lèvres exagérément pulpeuses… N’empêche! Aujourd’hui, onze ans plus tard, Lana Del Rey est une star mondiale. Neuf albums (dont, pour la seule année 2021, Chemtrails over the Country Club et Blue Banisters) vendus à vingt millions d’exemplaires sur la planète, auxquels on ajoute treize millions de singles et nombre de tournées où l’élégance est le mot d’ordre.
En ce cœur d’hiver, on la retrouve non pas dans les bacs des disquaires mais dans les rayons des librairies. Avec la VF d’un ouvrage paru outre-Atlantique en 2020 : Violette sur l’herbe à la renverse. Là encore, pour son premier livre, Lana Del Rey nous vient tout en élégance raffinée. D’abord, on est embarqué par la couverture. Envoûtante. On pourrait y entendre Hope Sandoval, la chanteuse du groupe Mazzy Star, ou encore l’éblouissante Julee Cruise, la chanteuse des BO des films de David Lynch…
On va y lire Lana Del Rey! Laquelle s’adresse, en ouverture, à la lectrice, au lecteur : «À vous dont les mains chaudes et abîmées sont tombées par un bel après-midi sur ces pages – où que vous les ayez trouvées – n’oubliez jamais que le monde à tout fait pour qu’elles soient à vous». Délicieuse invitation à la lecture, comme d’autres envoient de belles invites au voyage.
J’en suis fière, car c’est mon cœur qui a guidé ma plume
Présentant son recueil d’une trentaine de poèmes accompagnés de nombreuses photos qu’elle signe également, Lana Del Rey précisait : «Certains de ces poèmes sont venus à moi dans leur intégralité, d’abord enregistrés puis tapés à la machine. Pour les autres, j’ai œuvré à décortiquer les mots afin de rédiger les plus beaux poèmes. Ma poésie est éclectique et honnête, elle n’essaie pas d’être autre chose. Et j’en suis fière, car c’est mon cœur qui a guidé ma plume.»
Dès le premier poème qui donne son titre au recueil, Violette sur l’herbe à la renverse, on sait qu’il y aura du beau. Et aussi de la mélancolie, marque de fabrique de l’Américaine. Extrait : «Et puis j’ai traversé la porte / traversé le séjour / et vu Violette / sur l’herbe à la renverse / 7 ans et des pissenlits écrasés / à poings fermés / le corps arqué comme un pont après un poirier raté / le visage fendu du sourire large et sauvage qu’ont les fous…». Et dire que quelques autoproclamé(es) auteur(es) francophones se présentent comme pratiquants de la poésie en vers libres – on ne leur dira qu’une chose : s’ils ou elles ont un minimum d’humilité (ce dont on peut légitimement douter), qu’ils ou elles lisent Violette sur l’herbe à la renverse!
Dès lors, Violette sur l’herbe à la renverse devient de somptueux atours d’un journal intime. Ainsi, dans des poèmes comme La terre aux mille brasiers, Jamais jusqu’aux cieux, Serveur discret – triste à jamais ou encore l’exquis Salamandre («Hors de mes veines, salamandre / Malgré tous mes efforts je ne parviens pas / à t’extirper de mes pensées»), Lana Del Rey se dévoile comme rarement. Comme jamais. Toujours avec douceur. Et longtemps résonnent les mots «del reyiens» : «L’univers existe dès lors qu’on l’envisage…».
Lana Del Rey – « Violette sur l’herbe à la renverse »
Seuil