D’abord, une confidence : «J’ai l’impression d’être né nostalgique.» Et une autre : «Ce roman, je m’y suis préparé toute ma vie»… À 60 ans, membre de l’académie Goncourt (depuis 2016), auteur à best-sellers et multirécompensé, aussi librettiste pour l’opéra ou acteur, auteur et directeur au théâtre et réalisateur au cinéma, Éric-Emmanuel Schmitt est de retour. Et de quelle manière ! Avec Paradis perdus, un pavé de 570 pages, et surtout le premier des huit tomes (!) d’une saga intitulée La Traversée des temps.
Autre aveu : «C’est une intuition que j’ai eue à l’âge de 25 ans, je sortais de Normale sup (…) je retrouvais ma liberté de lecteur. J’ai eu l’idée d’un personnage immortel qui serait médecin afin de chercher le secret de la vie pour les autres et le secret de la mort pour lui. À l’époque, je me suis dit que c’était de la folie; je me sentais incapable d’écrire ça. Mais ce projet a structuré ma vie. J’ai eu beau avoir la chance de connaître le succès, j’avais l’impression d’être un raté parce que je ne faisais pas ça. Je me suis donc plongé dedans il y a deux ans, c’est venu tout seul !»
Résultat, donc, ce premier tome de la saga. Pour une ambition démesurée, sous la forme d’un roman : raconter l’histoire de l’humanité sous forme d’un voyage littéraire, romanesque et érudit avec un départ au néolithique, et des étapes, entre autres, en Grèce antique, chez Jeanne d’Arc ou avec les conquistadors découvrant l’Amérique. Un récit au long cours. Une somme.
Avec, à l’esprit, Denis Diderot (1713-1784), «un auteur frontière entre réflexion philosophique et littérature» et cette idée «d’un homme ayant ce destin que la plupart des humains trouvent enviable : il ne mourrait jamais. Mon héros traverserait les temps et montrerait comment l’humanité telle qu’elle est aujourd’hui s’est constituée. Une fourmilière, une termitière, une ruche… ça n’a pas bougé depuis des milliers d’années».
Noam-Noé dans l’Histoire de l’humanité
Et voilà les lecteurs de Paradis perdus embarqués pour un plongeon dans les profondeurs du temps, il y a 8 000 ans. Pour guide du voyage dans le passé, Noam, né dans un village lacustre dans une nature qu’on dirait «paradisiaque». Il affronte les drames de son clan quand il rencontre Noura, une femme qui va le révéler à lui-même.
Un évènement bouleverse sa vie, il se mesure à une calamité naturelle : le Déluge; il devient immortel. Et Noam-Noé entre dans l’Histoire de l’humanité. Il nous conte la traversée des temps. Sera-t-il le seul à parcourir les époques ?
De ce nouveau roman, l’éditeur parle d’un «projet titanesque» accumulant les connaissances scientifiques, médicales, religieuses, philosophiques. Et d’ajouter : «Faire défiler les siècles, en embrasser les âges, en sentir les bouleversements…». Auteur foisonnant, Éric-Emmanuel Schmitt souhaite simplement montrer que d’évolution en révolution, le passé éclaire le présent, et inversement.
Adoptant le principe du roman bouillonnant, l’auteur peut ainsi évoquer le racisme, le conservatisme, l’écologie, la parité, l’égalité entre hommes et femmes… En suivant un adage, essentiel : «Comprendre l’humanité, c’est aussi l’aimer !»
De notre correspondant à Paris, Serge Bressan
Paradis perdus (T.1), chez Albin Michel.