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[Littérature] Haruki Murakami, une vie en t-shirts


L'auteur a un réel faible pour ce vêtement basique qu'est le t-shirt. (photo K. Kurigami)

On l’avait quitté, en début d’année, après qu’il eut conté le dialogue d’un singe avec le jazzman Charlie Parker et une variation ludique sur le «je». On le retrouve, en cette fin d’année; cette fois, il nous parle de lui. Haruki Murakami, 73 ans, nous glisse son autobiographie. Le titre tient en une lettre : T. Comme t-shirt !

En ouverture, l’écrivain nippon dont le nom est, chaque année, cité pour le prix Nobel de littérature, indique : «Je ne suis pas un collectionneur passionné, et pourtant il semble bien que dans ma vie se dessine comme une tendance, une espèce de leitmotiv : j’entasse toutes sortes de choses. Malgré mon indifférence, les objets, comme s’ils étaient mus par une volonté propre, s’accumulent autour de moi. Des piles et des piles de 33 tours…» Et aussi des livres (déjà lus, qui ne seront sans doute pas relus), des coupures de magazines et revues, de crayons usés et si petits qu’ils ne rentrent plus dans un taille-crayon…

Et puis, «parmi tous ces objets qui semblent s’entasser d’eux-mêmes : les t-shirts. Ce sont des articles bon marché et, dès que j’en repère un qui me paraît original, je l’achète. On m’en offre aussi régulièrement, sans compter ceux que je reçois à chaque marathon. Il y a également ceux que j’achète lors de mes voyages plutôt que de m’encombrer de vêtements de rechange…»

Après tant et tant d’années, je me retrouve avec assez de t-shirts pour leur consacrer un ouvrage entier

Ainsi va la vie de Haruki Murakami. «Et voilà comment, après tant et tant d’années, je me retrouve avec assez de t-shirts pour leur consacrer un ouvrage entier. J’en suis presque effrayé. On dit souvent que la persévérance est la clé de tout. C’est parfaitement exact, à mon avis. J’ai même parfois l’impression que c’est là-dessus que repose toute ma vie.»

L’auteur de, entre autres, Kafka sur le rivage (2002) et La Ballade de l’impossible (1987), a un tel faible pour ce vêtement basique qu’il a collaboré avec la marque japonaise Uniqlo et ainsi supervisé une collection de huit t-shirts, décorés par des illustrations de Masaru Fujimoto! Il précise : «Je ne possède pas de t-shirts particulièrement rares ni précieux d’un point de vue artistique. Je me suis donc contenté d’en choisir un certain nombre, ceux auxquels je tenais le plus. Je les ai photographiés et j’ai rédigé sur chacun d’eux un court article.» Et, humble et modeste, d’ajouter : «Je ne suis pas sûr que ce livre sera d’une quelconque utilité à qui que ce soit (et encore moins qu’il contribuera à résoudre les innombrables problèmes du monde actuel).»

Tout cela pour un dollar !

Évidemment, une question se pose : lequel de ces t-shirts a le plus de prix pour notre «Mister T» ? Réponse : «Je crois que c’est le jaune, celui qui porte l’inscription « Tony Takitani ». Je l’ai déniché sur l’île Maui, dans une boutique de vêtements d’occasion et je l’ai payé un dollar. Après quoi j’ai laissé vagabonder mon imagination : quel genre d’homme pouvait bien être ce Tony Takitani ? J’ai écrit une nouvelle dont il était le protagoniste, nouvelle qui ensuite a même été adaptée en film. Tout cela pour un dollar ! De tous les placements que j’ai réalisés dans ma vie, celui-ci a sans doute été le plus avantageux.»

Un t-shirt pour une tranche de vie, pour un pan d’autobiographie… et tous ces autres t-shirts n’échappe pas au jeu du «je», version Haruki Murakami. Fervent amateur de surf, il arbore un t-shirt rouge avec, en motif sur la poitrine, une paire de tongs; c’était l’été où Paul McCartney et Michael Jackson chantaient Say Say Say. Il y a aussi celui-ci, rouge écarlate, lors d’un voyage aux États-Unis, avec ce placard : «I put ketchup on my ketchup». Souvenir : «Je passe la douane, je quitte l’aéroport et, à l’instant même où j’entre en ville, une pensée s’impose à moi : il faut absolument que je mange un hamburger ! Est-ce que c’est pareil pour vous ?»

Dans sa collection racontant sa vie, Haruki Murakami possède des t-shirts de marques de whisky, de magasins de disques, un autre de la Volkswagen New Beetle, avec des lézards ou des tortues… Et puis, celui-ci, de couleur verte, cadeau d’un éditeur espagnol, sur lequel on lit : «Keep calm and read Murakami». Un des rares que l’écrivain ne porte jamais, se refusant d’être l’homme-sandwich de lui-même !