Après Comme un léger frémissement (2022), Gilles Pialoux, sommité médicale française, revient avec Un don presque parfait, fiction qui mêle GPA, désir d’enfant, voyages et aventures.
Deux hommes, David et Alessandro. L’un est neurologue, l’autre cadre dans une société d’audit à Paris. Ils vont se rencontrer par le plus grand des hasards, vivre ensemble. Alessandro est habité par un désir d’enfant : ils se lancent alors dans ce parcours du combattant qu’est la quête d’un enfant par GPA (gestation pour autrui). C’est le début d’Un don presque parfait, le second roman de Gilles Pialoux, pointure dans le monde médical français (chef d’un service des maladies infectieuses et tropicales, professeur à Sorbonne Université et vice-président de la Société française de lutte contre le sida). Une mère porteuse au Canada, deux enfants : Léa et Diego. À 10 ans, la petite fille développe une maladie orpheline et incurable – seule une greffe de la moelle peut la sauver. Alors, débute pour les pères une quête folle : retrouver la donneuse d’ovocytes, anonyme, qui seule par un don de moelle peut sauver Léa. David arrivera jusqu’à l’île Maurice… Retrouvera-t-il la donneuse ? Si oui, acceptera-t-elle d’effectuer ce don, seul et ultime espoir de sauver l’enfant ? Une rencontre exclusive.
Deux ans après Comme un léger tremblement, vous êtes déjà de retour en librairie. Est-ce à dire que le virus romanesque vous a contaminé ?
Gilles Pialoux : L’écriture ne m’a pas attrapé seulement ces deux dernières années! En octobre 1984, j’ai écrit mon premier papier dans Libération, auquel j’ai collaboré jusqu’en 1989. Mais j’étais dans le format court de l’article de presse. C’est en rédigeant un hommage, à l’occasion du dixième anniversaire de la mort de la chanteuse Barbara, que j’ai découvert le format long. J’avais aussi écrit des livres de témoignages. À un ami, j’avais dit : « J’ai écrit sur le sida, mais je n’arrive pas à passer à la fiction ». Il m’a simplement répondu : « Il suffit que tu essaies ».
Comment avez-vous vécu l’écriture de ce second roman ?
Le premier était assez personnel, c’était une hétéro-fiction avec un personnage dont j’ai été proche, victime de la maladie de Charcot. Cette fois, la fiction m’a complètement libéré, m’a fait sortir de la littérature « feel bad ». Je voulais aller vers quelque chose de plus gai comme la naissance. S’est posée alors la question : comment l’aborder sans que ce soit gnangnan, sans que ce soit un combat? Tout en souhaitant développer ce qui m’intéresse, à savoir des parcours atypiques. Ce qui m’a amené à la GPA. Dans ce sujet, tout y est : la violence des anti-GPA, l’intolérance, l’homophobie, le droit des femmes, le droit de l’enfant… J’ai pensé que le roman, la fiction, pouvait être justement un élément de pacification pour ce sujet tellement clivant.
Partant sur un tel sujet, il vous a fallu éviter aussi l’écueil du texte très spécialiste, très médical…
J’ai été vigilant. Ainsi, j’ai envisagé ce livre comme une invitation au voyage. Oui, c’est un roman sur la GPA, mais aussi sur le désir d’enfant, sur sa survie, sur la quête, sur la gémellité… Il y a des thèmes universels : le problème des parents, l’apprentissage du rôle de père ou le fait de grandir sans mère. J’aime bien dire que j’ai écrit un roman qu’on pourrait appeler « un petit tramway nommé désir d’enfant »!
Vous avez construit votre roman en deux parties distinctes…
Dans la première, il y a le couple de deux garçons, David et Alessandro. Ils se rencontrent, vivent ensemble, l’un est habité par le désir d’enfant, l’autre moins. Ils ont recours à une mère porteuse qui vit à Vancouver, au Canada. Il y a deux enfants, jumeaux prématurés… Au fil des pages, j’essaie de montrer la complexité de la GPA, ses éléments techniques, la complexité que pose cette technique à l’étranger, en n’oubliant à aucun moment que l’important, c’est la fiction.
Il y a une accélération du récit dans la seconde partie. Léa souffre d’une maladie rare que seule une greffe de moelle peut guérir…
C’est là que l’un des pères va se lancer dans une quête folle : retrouver la donneuse d’ovocytes.
Dans ce roman, vous ne passez sous silence aucun problème lié à la GPA…
Mais il ne faut pas le cacher. La GPA, c’est un parcours du combattant ! Et financièrement, ça a un coût certain. Il convient aussi de parler de la mère porteuse et ne jamais oublier que, toutes les deux minutes dans le monde, une femme meurt de complications de grossesse. De parler aussi du droit d’enfant, et du droit de l’enfant. Ou encore des féministes qui, entre elles, s’opposent sur le sujet.
En bouclant Un don presque parfait, votre opinion sur le sujet de la GPA a-t-elle varié?
Mon éditrice me l’a fait remarquer : très fort sera celui ou celle qui devinera mon opinion sur le sujet. Simplement, je ne suis pas dans le prosélytisme, pas dans le combat aveugle contre les anti-GPA. J’ai voulu un roman assez jubilatoire. J’espère y être parvenu.
Quand littérature et médecine font bon ménage
Gilles Pialoux n’est pas un cas isolé : il n’est pas le seul médecin à avoir embrassé la carrière de romancier. L’histoire littéraire, ne serait-ce que francophone, évoque François Rabelais comme premier manieur de la chose médicale et des mots. Au XXe siècle, on peut citer Georges Duhamel (médecin de la Grande Guerre), Victor Ségalen (médecin naval, poète et critique d’art itinérant), Louis-Ferdinand Céline ou André Soubiran, méprisé par la critique mais dont la série Les Hommes en blanc a rencontré un grand succès populaire. Ces temps-ci, cinq autres médecins et psychiatres se sont fait une belle place dans le monde des livres à caractère romanesque.
Patrick Bauwen
Médecin urgentiste, il aime dire qu’il est «écrivain à ses heures perdues». Il est venu en littérature en 2006 avec L’Œil de Caine, suivi de, entre autres, Monster (2009), Le Jour du chien (2017), L’Heure du diable (2020). Un des maîtres du polar «à la française», il a créé deux personnages récurrents, tous deux médecins : Paul Becker et Christian Kovak. Il est par ailleurs membre de La Ligue de l’imaginaire, collectif où l’on retrouve parmi d’autres Maxime Chattam, Henri Lœvenbruck et Bernard Werber.
Jean-Christophe Rufin
Il a pratiqué la médecine à Paris et au Brésil. Il a participé à la création de Médecins sans frontières. On l’a vu un temps ambassadeur de France au Sénégal. Après l’écriture de quelques essais, il publie en 1997 L’Abyssin, prix Goncourt du premier roman. En 2001 avec Rouge Brésil, c’est la consécration avec le prix Goncourt. Le 7 février prochain, il publiera D’or et de jungle (Calmann-Lévy), «grand roman d’aventures contemporain mettant en scène à la fois le basculement d’un pays et le parcours d’une femme, habitée par un irrépressible goût de l’action, de l’interdit et du danger», précise l’éditeur.
Lydie Salvayre
Après avoir exercé comme psychiatre à Marseille, puis pédopsychiatre à Paris, elle est entrée en littérature en 1990 avec La Déclaration. Elle a obtenu le prix Goncourt en 2014 pour Pas pleurer. Le 1er mars, elle publie Depuis toujours nous aimons les dimanches, texte «tendre, drôle, éruptif, joyeux, [qui] propose une défense et une illustration du droit à la paresse, chérie des enfants, des poètes et des flâneurs de tout temps », selon l’éditeur Seuil.
Laurent Seksik
Interne des hôpitaux de Paris, il est ensuite médecin radiologue et chef de clinique. À 37 ans en 1999, il publie son premier roman, Les Mauvaises Pensées – on y croise Einstein et Freud. En 2005, c’est La Consultation, l’«histoire d’un fils malade et mal aimé». Il consacre d’autres romans et pièces de théâtre à Stefan Zweig, Romain Gary ou Franz Kafka. Et même le scénario d’un docu-fiction pour la télévision sur Charlie Chaplin.
Martin Winckler
Longtemps vacataire à l’hôpital du Mans, il vit à présent au Québec où il est enseignant-chercheur en éthique à l’université de Montréal. En 1998, il a obtenu le prix du Livre Inter pour son roman La Maladie de Sachs.