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[Littérature] David Mitchell, c’est rock’n’roll ! 


Photo : patrice normand

David Mitchell

Utopia Avenue

Éditions de L’Olivier

Aucun doute, le voici le livre de cet été. Là, pas besoin de raconter sa relation compliquée avec sa mère en imitant (mal) Annie Ernaux ou en installant des personnages tout près d’un volcan. Là, avec l’auteur britannique David Mitchell qui a passé des périodes de sa vie en Italie et au Japon, on se retrouve à Londres, en 1967. Du banal, en quelque sorte, avec Utopia Avenue, un livre bien dense (plus de 750 pages) qui déménage, à l’image des effervescentes «Swinging Sixties», ces années 1960 qui swinguaient sacrément outre-Manche.

David Mitchell, 53 ans, n’est pas un inconnu – deux fois, il a été finaliste du très convoité Man Booker Price. En version française, dans un passé proche, on a pu le lire (et l’apprécier) avec Écrits fantômes (2004), Cartographie des nuages (2007), Le Fond des forêts (2009), Les Mille Automates de Jacob de Zoet (2012), L’Âme des horloges (2017) ou Slade House (2019). Avec Utopia Avenue, l’auteur fait un pas de côté par rapport à son univers – cette fois, il part en plongée dans le monde de la musique avec Utopia Avenue, un groupe de rock psychédélique.

Récemment, il confiait : «J’ai conçu cet ouvrage davantage comme une récréation temporaire d’une époque révolue dans une bulle artistique. Mais ce qui se passe dans la bulle en question a bien des échos avec notre époque.» Résumé, Utopia Avenue est l’histoire d’un groupe formé en 1967 à Londres. Jamais loin, il y a le manager, Levon Frankland, Canadien, excentrique et gay. Avec ce personnage, le groupe (fictif, on le précise) monte vite au sommet de la réputation.

L’affaire va s’écouler sur deux années durant lesquelles passent et repassent des célébrités (bien réelles, elles!) comme le peintre Francis Bacon, Syd Barrett (cofondateur et leader du groupe Pink Floyd dont il a été viré en 1968), Brian Jones (le Rolling Stones), John Lennon, David Bowie, Franck Zappa (ses Mothers of Invention sont aussi dans les parages), Leonard Cohen ou encore Janis Joplin, surnommée «Mama Cosmique» et aussi «la reine de la soul psyché».

Époque bénite où l’Angleterre vibre avec les Beatles et les Stones, et aussi les Animals menés par l’éternel Eric Burdon. Et puis donc, il y a Utopia Avenue groupe, aussi disparate que foutraque. On y trouve Jasper de Zoet, guitariste aussi génial que frappadingue, et bâtard d’une riche famille hollandaise; Elf Holloway, la chanteuse, organiste et compositrice, belle et libre allure et à la sexualité fluctuante; Dean Moss, batteur fils d’un alcoolique, fragilisé par son histoire familiale, et enfin Griff, le batteur avare en mots, venu du Yorkshire toujours classé région sinistre.

Pour Utopia Avenue, le succès est vite au rendez-vous. Dès le premier album, Paradise is the Road to Paradise et son lot de tubes, le ton est donné. Ça percute, on sait à qui on a affaire… La «bande des quatre» est sur le chemin de la gloire – route toutefois pavée de pièges et tentations. C’est «sex and drugs and rock’n’roll», mode de vie devenu dix ans plus tard chanson définitive de Ian Dury and the Blockheads.

La force et le talent de l’auteur, David Mitchell, ne sont pas seulement au service de sa grande connaissance de la musique au temps des «Swinging Sixties». Avec Utopia Avenue, tel un pointilliste du style avec une écriture aussi alerte que dense, il dessine et restitue un univers, une époque avec le sexe libre, le LSD en veux-tu en voilà (ah! cette satanée Lucy in the Sky with Diamonds), mille et mille génies, et tout autant de dingues et de paumés. All that rock !