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[Littérature] Chasse aux monstres


Bernard Minier. (photo Eric Garault)

Cette semaine, Le Quotidien a choisi de lire Les Effacés de Bernard Minier, paru aux éditions XO.

Au fil des pages, on lit : «La vie est une loterie (…) Un jour vous êtes au sommet, le lendemain au fond du trou. La roue tournait pour tout le monde. En fait, non : c’était toujours le plus motivé qui s’en tirait, qui l’emportait». Ou encore : «Le vrai vertueux défend la vérité quand elle est impopulaire. Pas quand c’est facile. Et il ne hurle pas avec les loups»…

Et on file en Galice, cette province autonome au nord-ouest de l’Espagne. C’est le décor du douzième roman de Bernard Minier, Les Effacées. Un polar, une fois encore, signé par un auteur parmi les plus importants vendeurs de livres en France, traduit en vingt-sept langues à travers le monde. Un polar qui, pour la seconde fois, emmène lectrices et lecteurs dans le sillage de l’inspectrice Lucia Guerrero, déjà rencontrée en 2022 dans Lucia.

Cette fois, avec l’enquêtrice de la Guardia Civil, on navigue entre Galice et Madrid. Dans la province, un tueur enlève des femmes dont le point commun est de se lever, chaque jour, tôt pour se rendre à leur travail – on les appelle les «invisibles» ou les «effacées», ces essentielles à toute société qui refuse de les regarder…

Dans la capitale d’Espagne, un autre tueur cible les milliardaires et, après avoir commis ses méfaits, signe «TUONS LES RICHES» sur les murs de leurs résidences. «Deux tueurs. Deux mondes. Et le spectre d’un embrasement général, d’une confrontation de classes inédite et explosive», explique l’éditeur. Ces tueurs, seraient-ils insoumis ? Robin des Bois du XXIe siècle ? Révolutionnaires ou «bandidos» ?

Mon héroïne me permet d’exprimer tout ce que je n’oserais pas dans la vraie vie. Elle est mon exutoire !

Après avoir un long temps conté les aventures du commandant Martin Servaz (une série de huit livres à ce jour), Bernard Minier est présenté comme «le nouveau roi du thriller» (El Pais) ou« le plus grand auteur de polars européen» (Il Fatto Quotidiano). Il quitte ici les montagnes pyrénéennes du côté français. Il a passé la frontière pour l’Espagne, terre natale de sa mère, où il retrouve sa nouvelle héroïne, Lucia Guerrero.

Portrait par l’auteur : «C’est une femme qui ne transige pas avec l’exigence de la vérité. Elle a un côté très cash. J’aime dire qu’elle n’est pas là pour arrondir les angles. Elle dit ce qu’elle pense sans demi-mesure… Je suis quelqu’un qui n’aime pas l’affrontement. Elle me permet d’exprimer tout ce que je n’oserais pas dans la vraie vie. Elle est mon exutoire !».

On mentionnera également qu’elle est une jeune femme de son temps, «elle baigne dans le monde de l’internet et des réseaux sociaux», ajoute Bernard Minier. Et elle mène toujours la danse policière dans Les Effacées.

Elle enquête sur les meurtres en Galice quand elle est dépêchée à Madrid après la découverte du corps mutilé de la riche Marta Milian. Deux enquêtes donc… Et deux tueurs : l’un déteste les femmes, l’autre honnit les riches. Au bout, une même conclusion : la mort.

Et Lucia reste Lucia – c’est ce qui fait son charme : elle est toujours limite, sombre, solitaire, n’hésite pas à prendre des risques tout en devant faire face à des soucis personnels. Et voilà qu’à Madrid, on lui adjoint Mateo Soler, l’opposé de Lucia. Rayonnant, certes, mais il cache quelque chose. D’autant que Lucia reçoit des messages anonymes : ne serait-elle pas devenue, elle aussi, le jouet d’un tueur, voire des deux ?

Avec Les Effacées, Bernard Minier ne se contente pas de dérouler une histoire de meurtres avec une policière qui n’est pas sans rappeler, par de nombreux points, la merveilleuse Lisbeth Salander, l’héroïne de Millenium, la série du Suédois Stieg Larsson.

Venu à l’écriture sur le tard (la cinquantaine passée) après avoir été fonctionnaire dans l’administration des douanes, le romancier français propose également une plongée dans le monde de l’art contemporain et aussi dans celui des «incels», ces masculinistes violents qui, simultanément, méprisent et désirent les femmes…

Et aussi une immersion dans cette Espagne du siècle nouveau dont il n’ignore rien de ses villes et de son système policier et judiciaire.