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« Listen », de Jacques Molitor : histoires d’un sida ordinaire


Madjiguène a été répudiée par la famille de son mari, alors que c'est ce dernier, atteint du VIH, qui a contaminé son épouse. (photo DR)

Le nouveau film du réalisateur grand-ducal Jacques Molitor, « Listen », un documentaire sur le sida en Afrique de l’Ouest, ou plutôt sur sa stigmatisation, sort sur VOD.lu. Un film poignant.

Réalisé dans le cadre de la soirée pour les 25 ans de Stop Aids Now le 1er décembre dernier, Listen, documentaire de 38 minutes signé Jacques Molitor, est depuis disponible, avec un dossier pédagogique très bien fait, pour des projections scolaires. Le film est désormais proposé au public lambda sur la plate-forme grand-ducale de vidéo à la demande VOD.lu.

Clairement tourné dans un but pédagogique et de sensibilisation, le film n’est pas un simple reportage où, à la suite d’un voyage en Afrique de l’Ouest, le réalisateur aurait glané les images à sa portée au hasard des rencontres. Non, le spectateur est là face à un véritable documentaire, un film de création, avec des choix assumés au niveau tant de la narration que de la mise en scène.

Tout est né à la suite du tournage d’un épisode de la série routwäissgro autour du sujet du VIH. C’est dans ce cadre que Jacques Molitor fait la connaissance d’Henri Goedertz, le président de Stop Aids Now, et qu’émerge la possibilité de faire un film sur le sida, ou plutôt sur la stigmatisation et la discrimination qui demeurent, partout dans le monde et plus particulièrement en Afrique de l’Ouest, des obstacles puissants à l’éradication de l’épidémie.

«Tous les autres films que j’ai faits étaient tournés au Luxembourg. Celui-ci devait se passer en Afrique, rien que ça, ça m’intéressait», explique le réalisateur qui, avant de se tourner vers le 7e art, voulait faire des études de médecine. Il a donc effectué, l’année dernière, deux voyages de deux semaines chacun au Sénégal et en Guinée-Bissau. Le premier pour rencontrer, grâce à Enda Santé, partenaire africain de Stop Aids Now, des «personnages» potentiels pour le film – une trentaine en tout –, le second pour tourner avec eux. Entre les deux, le réalisateur a «écrit» son film, imaginé certaines scènes avec ses personnages.

Son choix s’est finalement arrêté sur M.*, Augusta et A. La première vit à Ziguinchor, au Sénégal, de sa petite échoppe, Augusta, travailleuse du sexe à Bissa, en Guinée-Bissau, est également activiste dans les associations de prévention du sida, tandis qu’A., un des rares hommes ouvertement gays de Mbour, au Sénégal, est modéliste et créateur de mode tout en étant président d’une association d’aide pour les hommes entretenant des rapports sexuels avec d’autres hommes. Tous trois sont séropositifs. Tous trois ont dû faire face à une forte discrimination : répudiation, violence, plaintes… Les trois racontent, à tour de rôle, leur expérience, les moments difficiles, mais aussi leur prise en charge par les associations, leur «renaissance» grâce aux traitements et, enfin, leur engagement pour les autres malades.

C’est un film aussi frontal et choc qu’artistique et positif. À aucun moment, les personnes filmées ou le réalisateur ne penchent vers un misérabilisme qui aurait été désagréable ou vers un néocolonialisme qui aurait été malvenu. Jacques Molitor a su trouver la bonne distance pour raconter cette histoire – ces histoires. Du coup, le spectateur termine le visionnage marqué, touché, mais pas coulé. Au contraire, grandi, avec l’envie d’être actif, comme M., Augusta et A., là-bas, en Afrique de l’Ouest, ou comme Henri Goedertz ou tant d’autres ici, au Luxembourg.

Pablo Chimienti

*Anonymat préservé

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