Alors que le monde a connu en juillet son mois le plus chaud jamais observé, l’Islande a dévoilé dimanche une plaque à la mémoire de l’Okjökull, premier glacier de l’île volcanique disparu sous l’effet du réchauffement, un symbole pour alerter l’opinion.
En route dans l’ouest de l’Islande sur la kaldidalur (la « vallée froide » en français), le panorama alterne entre le brun et le gris des montagnes environnantes, les vastes plaines désertiques au relief tourmenté et le blanc des neiges éternelles du Langjökull, deuxième plus grand glacier du pays – encore bien vivant.
Sur le bord de la route, un petit panneau avec des lettres et nombres jaunes sur fond bleu indique : « Ok 1.141 m » et pointe en direction du glacier disparu et de son sommet. Puis, un immense cairn, lieu de rendez-vous pour un rapide discours de la Première ministre islandaise, Katrín Jakobsdóttir, et l’ancienne commissaire des Nations unies aux droits de l’Homme Mary Robinson.
« J’espère que cette cérémonie sera une source d’inspiration non seulement pour nous ici en Islande, mais également pour le reste du monde car ce que nous voyons ici n’est qu’un visage de la crise climatique », a déclaré Katrín Jakobsdóttir.
L’ascension débute entre les rochers. C’est sur l’un d’entre eux que des chercheurs islandais et de l’université Rice aux États-Unis ont choisi de fixer la plaque commémorative inaugurée devant une assemblée de quelque centaines de scientifiques et de nombreux passionnés.
Le texte inscrit sur la plaque de bronze en islandais et en anglais a pour titre : « Une lettre pour l’avenir », pour sensibiliser la population au déclin des glaciers et aux effets du changement climatique.
« Tous nos glaciers devraient connaître le même sort au cours des 200 prochaines années. Ce monument atteste que nous savons ce qui se passe et ce qui doit être fait. Vous seuls savez si nous l’avons fait », dit la plaque à l’adresse des générations futures.
« Quand on vous demande d’écrire quelque chose comme ça, vous pensez dans une échelle de temps complètement différente. C’est presque comme envoyer du texte sur la Lune ou une autre planète », témoigne Andri Snær Magnason, l’écrivain islandais de 46 ans qui est l’auteur de ces lignes.
La plaque porte également la mention « 415 ppm CO2 », en référence au niveau record de concentration de dioxyde de carbone enregistré dans l’atmosphère en mai dernier.
«C’est quelque chose qu’on ressent, qu’on comprend»
« Voir un glacier qui disparaît c’est quelque chose qu’on ressent, qu’on comprend et c’est assez visuel », reconnaît Julien Weiss. Professeur d’aérodynamique à l’université de Berlin, il a fait le voyage express avec sa femme et leur fils de 7 ans. « Le changement climatique on ne le ressent pas au quotidien, c’est quelque chose qui arrive très lentement à l’échelle humaine mais très rapidement à l’échelle géologique. »
À cette hauteur on observe facilement le cratère, ses quelques poches d’eau de fonte bleu azur et ses restes de neige. Ici s’étendait autrefois l’épais manteau blanc gelé de l’Okjökull.
La très faible présence de traces de glace fait comprendre même aux moins initiés pourquoi l’Okjökull a été amputé du suffixe « jökull » signifiant « glacier » en islandais.
Pendant plus d’un siècle ce glacier en forme de dôme s’étendait sur 16 km2 recouverts d’une couche de glace de plus de 50 mètres de profondeur. Elle est aujourd’hui inférieure à 1 km2.
En 2014 le « glacier Ok », l’un des plus petits d’Islande, est devenu le premier de l’île a être déclassé par les glaciologues.
Les glaciers, qui recouvrent environ 11 % de la superficie du pays, sont des caractéristiques distinctives des paysages de cette île colonisée il y a 1 200 ans.
« Une grande partie de notre énergie renouvelable est produite dans les rivières glaciaires produisant de l’électricité à partir de ces rivières glaciaires », rappelle la Première ministre islandaise. « C’est la raison pour laquelle la disparition des glaciers affectera notre système énergétique. »
Les scientifiques craignent que les quelque 400 autres massifs glaciaires de l’île ne suivent le même destin.
Le Snæfellsjökull, à l’extrême ouest du pays et visible depuis la capitale Reykjavík, qui a inspiré l’imagination d’écrivains comme Jules Verne pour son roman Voyage au centre de la Terre, serait l’un des prochains glaciers d’envergure à disparaître dès le milieu du siècle.
Depuis 1995, 250 km3 de glace ont définitivement fondu des glaciers islandais, soit environ 7% de leur volume total selon une publication du bureau météorologique islandais d’avril 2018.
AFP