Malgré la pandémie, les Rencontres d’Arles, un des plus importants festivals de photographie au monde, tiendra son édition 2021. En son sein, comme depuis 2017, deux artistes du Luxembourg seront mis à l’honneur début juillet. Découverte.
Ont-ils brûlé un cierge du côté de la chapelle de la Charité ? Ou invoqué des figures saintes, comme celle d’Edward Steichen ? L’histoire ne le dit pas. Ce que l’on sait par contre, c’est que les Rencontres d’Arles se tiendront au début de cet été. C’est Christoph Wiesner, son nouveau directeur, qui l’a annoncé il y a une petite semaine. De quoi ravir Lët’z Arles, association de soutien et de promotion de la photographie «made in Luxembourg» qui, coupée dans son élan après l’annulation de l’édition 2020, attend fébrilement de présenter ses nouveaux poulains.
Hier, au CNA, dans une ambiance détendue, ceux-ci sont justement sortis de l’ombre, accompagnés par leurs commissaires bienveillants qui ne les lâchent plus d’une semelle. Michèle Walerich, qui représente Daniel Reuter, témoigne : «On a passé une bonne partie de notre vie ensemble ces derniers mois» (elle rit). Même ambiance, même humeur pour Danielle Igniti, «coach» artistique de la jeune Lisa Kohl. «On s’apprécie beaucoup. Cette rencontre m’a enthousiasmé et touchée».
Que ceux qui les connaissent moins bien se rassurent : ils pourront s’en faire une idée prochainement, vu que les deux photographes font l’actualité au pays. Le premier dès aujourd’hui chez Nosbaum Reding, avant d’enchaîner jusqu’à l’automne au MNHA puis au Mudam. La seconde, elle, aura les faveurs de Neimënster la semaine prochaine (dans le cadre du Mois européen de la photographie). Des sollicitations qui, toutefois, ne les distraient pas de l’importance du rendez-vous estival, comme le rappelle Sam Tanson, pragmatique : «C’est un point essentiel de notre politique d’exportation.» Comprendre «offrir des conditions d’exposition supplémentaires à nos artistes», «talentueux» mais coincés au cœur d’un «territoire exigu».
L’équation est connue depuis belle lurette, mais elle s’est complexifiée avec la pandémie qui a fermé les frontières et tout ce qui touche de près (et de loin) à la culture. Au milieu du déluge, aujourd’hui, le Luxembourg sort la tête de l’eau, îlot à part, hardi et volontaire. Ce qui permet à la ministre de la Culture de placer son imparable remarque : «Ah bon ? Vous êtes sûre que ça va avoir lieu ?», décrit ainsi Florence Reckinger-Taddeï, présidente de Lët’z Arles qui depuis un an, semble s’être faite à la «boutade». Passant par là, Christoph Wiesner confirme, sérieux : oui, festival il y aura (voir ci-contre), même si «on n’a pas encore toutes les clés».
Celles, sacrées, de la chapelle de la Charité, où le Luxembourg s’affirme, sans complexe, sur la scène internationale depuis 2017, sont entre de bonnes mains. D’ailleurs, l’équipe de Lët’z Arles (artistes et commissaires compris), s’est offerte il y a peu une descente vers le sud de la France, histoire de prendre la mesure d’un lieu qui n’a rien d’un centre d’art, d’une galerie ou d’un musée. Le dompter demande de la réflexion, des fonds (environ 150 000 euros sont investis pour cette édition) et un sens de la débrouille, surtout quand les envies sont généreuses.
«Le Luxembourg apporte beaucoup à Arles, et j’espère qu’Arles apporte beaucoup au Luxembourg»
Ainsi, Daniel Reuter, 45 ans, jusqu’alors passé au travers des radars nationaux (il faut dire que l’Islande, où il passe pas mal de temps, est propice à cultiver le mystère), affichera son travail («Providencia»), sous une forme hexagonale et sur plexiglas. De quoi souligner, d’une touche poétique – et assez radicale –, ses recherches menées depuis 2015 au Chili, entre réel et imaginaire. Pour sa part, Lisa Kohl fait tourner les têtes et projette, en partie, le sien au plafond («ERRE»). Une manière, également, de fondre sur des sujets délicats (exil, exclusion, persécution…) dans une «esthétique» qui a du charme.
Des projets audacieux, qui ont pris le temps pour s’approfondir et trouver leur forme. Ce qui fait dire à Christoph Wiesner : «Le Luxembourg apporte beaucoup à Arles, et j’espère qu’Arles apporte beaucoup au Luxembourg», lâche-t-il, reconnaissant que le seul vernissage auquel il a assisté était… au Mudam! Oui, le directeur des Rencontres aimerait que tout soit aussi calibré, sûr et fertile qu’avec Lët’z Arles. À preuve, ses livres-éditions déjà reliés et disponibles à la vente (CNA, Casino, Mudam) et ses expositions qui en montrent beaucoup, surtout en creux, à travers d’«ambitieuses œuvres» comme l’avouait son prédécesseur, Sam Stourdzé (parti à la Villa Médicis). Espérons que l’exaltation dure jusqu’à l’été, et bien plus loin encore. C’est que, comme le micro d’hier, qui crachait un larsen d’enfer, on n’est jamais a l’abri d’une mauvaise surprise.
En bref
52e édition
Du 4 juillet au 26 septembre
35 expositions
Près de 20 lieux
www.rencontres-arles.com
Daniel Reuter – « Providencia »
Lisa Kohl – « ERRE »
Chapelle de la Charité (Arles)
www.letzarles.lu
www.danielreuter.net
www.lisa-kohl.com