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Lettre d’amour contre le nationalisme


Claude Frisoni sort Lettre d’amour au peuple qui ne connaissait pas le verbe aimer. Un conte philosophique où il analyse l’actualité grand-ducale.

Il a beau être retraité et installé en France, dont une bonne partie de l’année dans le lointain Périgord, Claude Frisoni garde toujours son regard à la fois critique et plein d’amour et d’humour vis-à-vis du Luxembourg et des Luxembourgeois. « Je n’ai plus d’adresse au Luxembourg, mais cela reste plus mon pays que la France ; c’est ici que j’ai vécu le plus longtemps, que j’ai le plus d’amis… Je me sens donc toujours complètement concerné par l’avenir du pays », explique l’auteur. « Je me prétends d’ailleurs luxembourgeois, même si je n’en ai pas la nationalité et ne parle pas la langue nationale – je rappelle cependant qu’il n’y a pas qu’une langue officielle, et puis, que la langue n’a jamais fondé la citoyenneté », ajoute-t-il.

Le sujet premier du livre ? Le droit de vote des étrangers et le référendum prévu sur la question. Mais au lieu de se lancer dans le pamphlet politique ou dans le brûlot ultrapolémique, l’ancien directeur de l’abbaye de Neumünster préfère l’humour caustique, le décalage – « Je ne sais pas dire les choses au premier degré », note-t-il.

Le Vatounu, île du Pacifique

« Le référendum m’inquiète. J’ai du mal à croire que les gens du CSV aient un problème idéologique avec le droit de vote des étrangers, mais ils ont un problème politique à cause de la campagne populiste qu’il va y avoir contre cela et le risque de perdre ensuite des voix », lance-t-il avec sa verve habituelle. « Pourtant, le vote des étrangers au Luxembourg, ce serait conforme à la réalité du terrain. Aujourd’hui, la moitié du corps électoral est non-actif et la moitié du pays est non-nationale. On ne peut pas continuer ainsi. Mais ce qui me fait le plus peur, ce sont les horreurs que je vois dans les forums sur internet, aussi bien du côté luxembourgeois que du côté des frontaliers. Je me suis donc amusé à pousser cette opposition jusqu’à l’absurde. »

Et pour cela, il entraîne le lecteur au Vatounu, une petite île imaginaire du Pacifique qui est (tiens !) trilingue et peuplée de 500 000 habitants, dont une moitié d’étrangers – surtout des Philippins qui, plus habitués aux langues romanes, préfèrent apprendre le français, une des trois langues officielles, plutôt que l’anglais ou la langue nationale « pourtant défendue avec zèle ». Une langue où, d’ailleurs, le verbe aimer n’existe pas. Un pays richissime surtout, où chacun aime avoir une berline plus grande et chère que celle du voisin, où les nationaux sont en très grande partie fonctionnaires et où quelque 140 000 actifs, les « transiliens », viennent tous les jours en pirogue des pays limitrophes pour travailler.

Toute ressemblance avec notre Grand-Duché n’étant pas tout à fait fortuite. D’ailleurs cette île de Vatounu, dont on peut découvrir les contours dans la page 11 du livre, ressemble, elle aussi, étrangement à une bottine, mais qui pointe cette fois-ci vers le bas. Et puis, tout un tas de personnages locaux ressemblent étrangement à des personnalités luxembourgeoises. Bref.

Reste que le destin que l’auteur réserve au Vatounu dans son récit n’est pas tout rose. Locaux et transiliens vont finir par s’opposer avec violence. « C’est un cauchemar où tout est poussé à l’extrême », précise Claude Frisoni qui craint, pour de vrai, la montée du nationalisme. « Historiquement, ce sont toujours les nationalistes qui finissent par détruire la nation », souligne-t-il.

Et le lien avec le verbe aimer ? « La solution à tout cela, c’est la fraternité. Et la fraternité commence par un « je t’aime » », conclue-t-il. Et comme on n’est jamais mieux servi que par soi-même, il lance le mouvement avec cette Lettre d’amour au peuple qui ne connaissait pas le verbe aimer.

Pablo Chimienti


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