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Les voitures volantes ont un avenir, mais lequel ?


L'Aéromobil d'une entreprise slovaque exposée au salon de l'aéronautique du Bourget, le 21 juin 2017. (Photo : AFP)

Rêve de gosse, jouet pour nabab ou révolution à venir dans les transports ? La voiture volante pose encore plus de questions qu’elle n’en résout et les grands constructeurs aéronautiques l’approchent avec prudence.

Au salon international du Bourget, il faut bien chercher pour trouver un aéronef se rapprochant d’une automobile: l’Aeromobil a trouvé sa place sous les fuselages des Concorde exposés au Musée de l’air et de l’espace.

Ce véhicule bulbeux à l’avant et doté d’ailes rétractables, dû à une équipe slovaque, est prévu en série à l’horizon 2020. «Après avoir atterri sur un aéroport, vous transformez l’avion en voiture et prenez la route vers où vous voulez», explique Simon Bendrey, responsable adjoint de l’ingénierie de ce projet qui, malgré un prix unitaire de 1,2 à 1,5 millions d’euros, a déjà recueilli plusieurs réservations.

Capitalisant sur un rêve souvent illustré au cinéma, de Mary Poppins à James Bond, l’idée d’un véhicule à la fois capable de rouler dans le trafic et de s’en extraire par la voie des airs suscite un bouillonnement de créativité mondial au sein de dizaines d’entreprises, surtout des start-ups.

Parmi les plus aboutis, les Néerlandais de PAL-V promettent un gyrocoptère deux places dès l’année prochaine, à partir de 300 000 euros; en République tchèque, Nirvana Systems dit avoir recueilli des dizaines de commandes pour un mini-hélicoptère capable de se mouvoir à faible vitesse sur route; dans la Silicon Valley, la société Kitty Hawk assure que son Flyer sera commercialisé d’ici à la fin de l’année; et la semaine dernière, le français Pégase, croisement entre ULM et mini-voiture, a traversé la Manche.

Jusqu’à récemment, les voitures volantes «étaient une synthèse entre une mauvaise voiture et un mauvais avion», a remarqué Bruno Sainjon, président du Centre français de la recherche aéronautique, spatiale et de défense (Onera), lors du colloque «Paris Air Forum» la semaine dernière.

Mais les progrès sont fulgurants, grâce à la montée en puissance de la propulsion électrique liée aux drones. Ils «sont capables aujourd’hui de soulever jusqu’à 80 ou 100 kg, et on n’est pas loin d’avoir la capacité d’emporter un ou deux hommes pendant une vingtaine de minutes. D’ici cinq à dix ans, ce sera devenu courant», affirme à l’AFP Xavier Dutertre, directeur du projet «Technoplane», véhicule volant léger développé par des start-ups en Normandie.

La sécurité en question

Pour de nombreux observateurs, la problématique d’un hybride «roulant-volant» sera toutefois bientôt dépassée, ou cantonnée à de riches amateurs en quête de différenciation sociale. L’avenir appartiendra plutôt à «un système de mobilité aérienne à la demande, qui serait clairement l’avènement d’une nouvelle ère pour l’aviation», en somme des taxis volants autonomes électriques, affirme le PDG de l’Onera.

«Les voitures aériennes ne pourront pas être pilotées individuellement par des conducteurs, parce que c’est trop risqué», renchérit Pascal Pincemin, associé chez Deloitte, évoquant «des plateformes digitales qui organiseront le trafic». Le géant des voitures avec chauffeur Uber a justement lancé un projet, baptisé «Elevate», censé utiliser un réseau d’appareils électriques à décollage vertical, et vise de premières démonstrations en 2020.

L’émirat de Dubaï pourrait coiffer tout le monde au poteau, de petits hélicoptères électriques et autonomes devant commencer à y opérer dès cette année. Il existe «un réel appétit, un réel intérêt» pour ce type de transport dans des villes de plus en plus congestionnées, pour Jean-Brice Dumont, responsable de l’ingénierie d’Airbus Helicopters.

L’entreprise a présenté au dernier salon automobile de Genève un prototype de voiture volante modulaire, «Pop Up», en coopération avec une filiale de Volkswagen. Mais l’avionneur reste pour l’instant «dans une logique de maturation de technologie», dit M. Dumont. Boeing, de son côté, n’a pas encore abattu ses éventuelles cartes. M. Pincemin, qui ne voit pas les taxis volants autonomes se banaliser avant 2050, prévient qu’il faudra auparavant «démontrer la fiabilité des véhicules et de leur système de pilotage».

Aujourd’hui, le transport aérien de passagers connaît un taux de «0,2 accident mortel pour 1 million de vols», souligne Patrick Cipriani, Directeur de la sécurité à la Direction générale de l’aviation civile. Pour ces taxis volants, «est-ce qu’on sera prêts à accepter des niveaux comme celui de l’aviation légère, 100 fois moins sûre?»

Le Quotidien/AFP