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Les touristes sur les traces de «Despacito» dans les quartiers pauvres de Porto Rico


Un homme fait un selfie avec ses amis dans le quartier populaire de La Perla à San Juan où aété tourné le clip de Luis Fonsi et Daddy Yankee "Despacito", le 22 juillet 2017 sur l'île de Porto Rico. (Photo : AFP)

«Les gringos arrivent!» Depuis le succès du morceau «Despacito», les touristes ne cessent de défiler dans le quartier populaire de La Perla à San Juan, sur l’île de Porto Rico, où le clip de Luis Fonsi et Daddy Yankee, vu près de 3 milliards de fois, a été tourné.

Mais avant la sortie de ce tube de reggaeton au succès planétaire, les étrangers ne se pressaient pas pour s’aventurer dans ce quartier bariolé à la mauvaise réputation, où des petites maisons bleues ou jaunes font face à la mer. Maintenant, à peine arrivés, ils demandent «Despacito ?». Les locaux leur montrent alors la direction vers ces rochers devenus si célèbres depuis que Luis Fonsi y a chanté son refrain, ou vers le mur devant lequel a dansé l’ancienne Miss Univers, Zuleyka Rivera.

Les touristes sont également ravis de découvrir que les joueurs de domino, réunis autour de tables dans la rue, sont bel et bien réels. «C’est vraiment à cause du clip que je suis venue», explique Jennifer Adams, une institutrice américaine de 28 ans. «J’ai regardé ce clip plein de fois. Je savais où je devais aller, j’ai pris des photos et j’ai essayé de danser», a-t-elle raconté.

Son but est maintenant d’apprendre les paroles du morceau, en espagnol, pour pouvoir les chanter dans un karaoké. A côté d’elle, une Suédoise se prend en photo devant les rochers, alors qu’un Marocain se promène le long de ce que les brochures touristiques ont surnommé la «Despacito coast». Ce déferlement soudain de fans de «Despacito» contraste avec la pauvreté du quartier, mais n’est qu’une conséquence logique du message mis en avant dans le clip.

Visites guidées

«Les mots-clés étaient culture, sensualité, danse et couleurs. On est allés filmer dans un +barrio+ (quartier, ndlr) où l’on pouvait retrouver tout ça», a expliqué le metteur en scène du clip, Carlos Perez. L’ampleur du succès qu’a rencontré ce morceau a certainement plu aux habitants de La Perla, mais ces derniers n’avaient pas attendu Luis Fonsi et Daddy Yankee pour essayer de redorer l’image de leur quartier.

Avant «Despacito», les résidents de La Perla se battaient bec et ongles pour défendre cette partie du vieux San Juan, nichée sur les hauteurs d’une péninsule, coincée entre les rochers et les murailles de la vieille ville. Quelque 1 600 personnes habitent dans ce qui est l’un des quartiers les plus pauvres de San Juan, à l’économie majoritairement régie par le trafic de drogues, malgré les efforts – vains – du gouvernement. Sur le site Yelp, plusieurs commentaires recommandaient aux touristes de ne pas se rendre dans ce cadre paradisiaque, mais potentiellement dangereux.

Mais depuis la communauté s’est organisée: un boulanger communal et deux potagers ont fait leur apparition, et 80 000 dollars provenant de donateurs particuliers ont été réunis pour rénover les maisons. «Maintenant vous pouvez venir, il ne va rien vous arriver. Il n’y a pas de monstre ici, personne ne va vous tuer ou vous agresser», avance Yashira Gomez, présidente du conseil communautaire local. La suite des opérations? Mettre en place une entreprise pour organiser des visites guidées axées sur l’histoire de la ville.

Despacito ou Zika ?

En mai, cinq mois après la sortie du clip, les réservations d’hôtel ont augmenté de 9% par rapport à la même période l’année dernière. La hausse des fréquentations pourrait également être due à la fin du virus Zika, qui avait contraint les États-Unis à décréter l’état d’urgence sanitaire à Porto Rico l’année dernière, alors que le tourisme comptait pour 6% du PIB du pays en 2015. «Tous les éléments sont maintenant en place pour que Porto Rico devienne la destination la plus prisée des voyageurs voulant se rendre dans les Caraïbes», assure Jose Izquierdo, directeur de la Compagnie de tourisme de Porto Rico, détenue par le gouvernement.

L’homme est sûr que le carton de «Despacito» a permis à l’île d’améliorer son image. Un avis partagé par Marwan Badran, le responsable du site Hotels.com en Amérique centrale, selon qui les recherches en ligne de chambres d’hôtel ont augmenté de 45% cette année. «On voit souvent des destinations devenir plus prisées après le succès de films ou de séries, ou quand des célébrités s’y marient. C’est pareil à Porto Rico maintenant, +Despacito+ est la chanson la plus écoutée de l’histoire du streaming.»

Le Quotidien/AFP