Rise, sur Disney+, et Hustle, sur Netflix, témoignent d’un intérêt tout nouveau des stars du basket pour la production audiovisuelle. Les «entertainers» élargissent leurs affaires…
«Quand je vois la liste de tous les films créés par Disney (…) Maintenant, on fait partie de cette liste avec notre propre film ?», s’émerveille Giannis Antetokounmpo.
Le basketteur, qui va entamer à la rentrée basket sa dixième saison chez les Milwaukee Bucks, est incontestablement le grand phénomène sur parquet de la décennie précédente : drafté en 2013 et choisi par les Bucks, l’ailier fort a sorti en moins de trois ans son équipe de plusieurs décennies de vaches maigres pour la transformer en une équipe qui fait aujourd’hui trembler la NBA, s’abrogeant au passage deux titres de MVP «back to back» – 2019 et 2020 – et allant chercher le deuxième titre de champion de l’histoire de la franchise en 2021, grâce à sa performance spectaculaire au Game 6 (50 points, 14 rebonds, 5 contres !) qui a donné la victoire définitive de l’équipe face à Phoenix.
Tout sport est une mine d’or pour les plateformes de streaming, à en croire les dizaines de documentaires autour de figures connues (Michael Schumacher, Steven Gerrard, Tony Parker, Rafael Nadal…) et les plongées dans le monde de la F1, de la boxe, du football américain, voire du rodéo.
Logiquement, les sportifs stars veulent, eux aussi, une part du gâteau… mais plutôt avec la fiction. Le «Greek Freak» de la NBA, lui, a obtenu un crédit de producteur exécutif sur Rise, le film d’Akin Omotoso sorti vendredi dernier sur Disney+, qui raconte l’histoire de la fratrie Antetokounmpo depuis les rues d’Athènes jusqu’aux parquets américains.
C’est Giannis, en fait, qui est allé «pitcher» le film aux pontes de Disney, aux côtés de son agent, Alex Saratsis, et du producteur Bernie Goldmann. Aujourd’hui, donner son nom à une paire de sneakers n’est plus une consécration dans un business aux possibilités infinies.
Giannis rate son tir, LeBron en feu
Dans le monde du basket – un sport qui, comme peu d’autres, exacerbe chez le spectateur les émotions liées au cinéma –, Antetokounmpo est le petit dernier à avoir les yeux rivés sur Hollywood. Non pas qu’il en ait besoin pour vivre – fin 2020, le quadruple All-Star s’est assuré un prolongement de contrat record de 228 millions de dollars pour rester chez les Bucks jusqu’en 2026 –, mais parce que quand tous ses illustres collègues sont aussi devenus des stars du grand écran, Giannis a peut-être senti l’obligation d’immortaliser son histoire.
Après tout, au moment où il réalisait l’exploit en finale NBA l’été dernier, c’est la silhouette de LeBron James qui trustait les devantures des cinémas du monde entier. Cela dit, on ne prend pas trop de risques en avançant que, comme Space Jam : A New Legacy (Malcolm D. Lee, 2021), Rise ne marquera pas l’histoire des films de basket…
Il en est autrement de Hustle, sorti début juin sur Netflix : le film met en scène Adam Sandler en recruteur des Philadelphia 76ers, qui lutte pour imposer le diamant brut qu’il a découvert en Espagne au sein de son équipe.
Le joueur, Bo Cruz, est interprété par Juancho Hernangomez, qui évolue actuellement au poste d’ailier fort aux Utah Jazz. Une vraie plongée dans les coulisses du basket emmenée par un casting presque uniquement composé de vrais joueurs NBA. Il faut dire qu’il est plus facile d’avoir des grands noms du basket – et, de Luka Doncic à Allen Iverson, de Khris Middleton à Tobias Harris, en passant par Shaquille O’Neal, Trae Young ou le coach Doc Rivers, Hustle en a toute une flopée – quand on fait une sincère déclaration d’amour au sport et que, dans l’arrière-boutique, c’est LeBron James qui veille au grain. Car c’est sur le bureau de SpringHill Company, la société de production cofondée par «King James», qu’a atterri le scénario du film.
Côté divertissement, le joueur aux quatre bagues NBA anime depuis 2018 le «talk show» The Shop et a produit, en plus du film dans lequel il fait équipe avec Bugs Bunny, un documentaire sur Mohammed Ali, un remake de House Party, comédie fétiche de la culture hip-hop, et a quelques projets sous le coude, dont un documentaire sur le hockey sur glace, une série de fiction sur le basket pour Disney+… et même un film de vampires! SpringHill Company produit aussi Shooting Stars, film attendu pour 2023 et qui retracera l’enfance de LeBron, comme l’a fait Rise pour les frères Antetokounmpo. Quand on est une star, il y a des pièges dans lesquels on ne peut pas s’empêcher de tomber…
LeBron James et ses émules
Il est toutefois clair que Giannis et LeBron préfèrent capter l’attention des caméras seulement quand ils sont sur le terrain. Pourtant, l’élargissement des centres d’intérêt des basketteurs est en partie dû à l’onde de choc qui a suivi «The Decision», ou l’annonce faite par LeBron, en juillet 2010, de quitter son équipe des Cleveland Cavaliers pour rejoindre le Miami Heat.
Une simple conférence de presse qui s’est transformée en véritable évènement médiatique, et qui a donné aux basketteurs un pouvoir sans précédent. Aujourd’hui, LeBron James et Giannis Antetokounmpo sont de véritables businessmen, doublés de producteurs de cinéma.
Ils ne sont pas seuls : il y a aussi l’actuel champion NBA Stephen Curry, dont la société de production, Unanimous Media, a signé en 2018 un contrat avec la division films de Sony pour des projets incluant du cinéma, de la télévision, des jeux vidéo et des expériences en réalité virtuelle, et dont les premiers projets d’envergure sortiront dans le courant de l’année.
Son ancien compère de Golden State Kevin Durant a lui décroché l’Oscar du meilleur court métrage en 2020 pour Two Distant Strangers, qu’il a produit à travers sa société Thirty Five Media; un exploit que Kobe Bryant avait déjà réussi en 2018 pour Dear Basketball (Oscar du meilleur court métrage d’animation).
Mais c’est surtout LeBron James qui fait tourner la tête d’Hollywood. À Los Angeles, le temple du cinéma, tout le monde est fan de LeBron, à tel point qu’il est impossible de dire si c’est le basketteur qui veut faire affaire avec le monde du cinéma ou l’inverse. Sur les hauteurs de L. A., tout le monde est unanime : le «King» n’est pas seulement une personne adorable, c’est aussi un excellent homme d’affaires, avec une vision et beaucoup de goût. S’il continue à enchaîner les blessures sur le terrain, sa reconversion est toute trouvée.
La série évènement de Netflix The Last Dance, qui retrace la dernière saison de la «dream team» des Chicago Bulls, a joué elle aussi son rôle dans l’intérêt porté par les stars des parquets envers la production audiovisuelle. Et si on est désormais habitué aux photos hors terrain de LeBron ou Steph Curry cigare en bouche, à la Michael Jordan, les basketteurs-businessmen restent très discrets sur leurs projets audiovisuels.
C’est sûrement bon signe. «MJ» a beau s’être illustré en jouant aussi avec un lapin animé, il ne s’est jamais intéressé à la production de films. Le basket a radicalement changé depuis son époque, le divertissement aussi. Maintenant, les prodiges du ballon orange sont de vrais «entertainers». Et pas que devant le panier.
Hustle,
de Jeremiah Zagar. Netflix.
Rise,
d’Akin Omotoso. Disney+.