La mode doit tourner la page – en papier glacé – des mannequins aux membres décharnés et aux os saillants : les modèles devront désormais fournir un certificat médical pour prouver qu’ils ne sont pas trop maigres et les photos retouchées devront le mentionner.
Ces dispositions sont rendues possibles par deux textes publiés vendredi au Journal officiel, à deux jours du second tour de l’élection présidentielle. Elles avaient été votées dans la loi Santé de janvier 2016, mais les textes d’application tardaient à être publiés.
Ces mesures «visent à agir sur l’image du corps dans la société pour éviter la promotion d’idéaux de beauté inaccessibles et prévenir l’anorexie chez les jeunes», ainsi qu’à «protéger la santé d’une catégorie de la population particulièrement touchée par ce risque : les mannequins», explique le ministère de la Santé dans un communiqué. L’obligation du certificat médical entre en vigueur dès samedi. Ce certificat sera délivré par la médecine du travail, détaille l’arrêté publié vendredi.
Valable deux ans maximum, il attestera «que l’état de santé global de la personne (…), évalué notamment au regard de son indice de masse corporelle (IMC, qui correspond au rapport entre poids et taille, ndlr), lui permet l’exercice de l’activité de mannequin». Les employeurs – magazines ou agences – qui ne respecteront pas la loi risqueront jusqu’à six mois d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. Cette mesure s’applique aussi aux mannequins d’un autre pays de l’Espace économique européen lorsqu’ils exercent en France.
Le Syndicat national des agences de mannequins (Synam) a déploré dans un communiqué que cette disposition «stigmatise les seules agences de mannequins en omettant délibérément d’impliquer les donneurs d’ordre» (marques de luxe et créateurs). «La profession a été associée à la rédaction de ces textes et donc informée en amont», a pour sa part indiqué le ministère de la Santé.
« Anorexie chic »
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), une personne est considérée comme maigre lorsque son IMC est inférieur à 18,5. Outre l’arrêté imposant un certificat médical, un décret oblige à mentionner «photographie retouchée» sur les images de mannequins dont la silhouette a été affinée ou épaissie par un logiciel informatique. Cette mention sera obligatoire à partir du 1er octobre.
Elle concerne les photographies «insérées dans des messages publicitaires» dans la presse, sur des affiches, sur internet ou encore dans les catalogues et prospectus, précise le décret.
«La lutte contre l’anorexie chic progresse (…). Un combat qui se concrétise enfin», a tweeté l’ex-député PS Olivier Véran (PS), rapporteur du projet de loi Santé. Il avait présenté l’amendement visant à interdire de recourir à des mannequins en état de dénutrition manifeste et est aujourd’hui référent santé d’En Marche! auprès d’Emmanuel Macron.
Initialement, le projet de loi prévoyait un IMC minimal pour pouvoir exercer la profession de mannequin, mais il avait ensuite été modifié pour redonner sa place au médecin du travail et élargir l’examen à d’autres paramètres. Les troubles du comportement alimentaire touchent environ 600 000 jeunes en France (dont 40 000 anorexiques) et sont la deuxième cause de mortalité chez les 15-24 ans, après les accidents de la route.
A l’étranger, Madrid a été la première capitale européenne à prendre des mesures, interdisant en septembre 2006 les mannequins en dessous d’un IMC de 18 au Pasarela Cibeles, grand rendez-vous de la mode madrilène. Il ne s’agit toutefois pas d’une législation nationale. En Israël, la loi «Photoshop» de 2012 interdit de présenter une publicité avec un mannequin qui semble trop maigre, d’engager comme mannequin une personne trop maigre (avec un IMC inférieur à 18,5) et d’utiliser un logiciel de retouche pour amincir sans le préciser. L’Italie ne s’est pas dotée d’une loi, mais les grandes agences de mannequins interdisent aux mannequins de défiler si leur IMC est inférieur à 18,5.
Le Quotidien/AFP