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Les grandes espérances de Rebecca Marder


Élevée au cinéma américain et entrée à 20 ans à la Comédie-Française, Rebecca Marder parle du cinéma comme d'«un honneur magnifique et très plaisant».

Le titre du thriller dont elle est à l’affiche dès aujourd’hui va comme un gant à Rebecca Marder, étoile montante du cinéma français à qui tout semble réussir.

Vingt-sept ans et de grandes espérances : Rebecca Marder a quitté l’an dernier la prestigieuse Comédie-Française, qu’elle avait intégrée à 20 ans. Libérée de ses obligations, celle qui fut l’une des plus jeunes recrues de la troupe de Molière enchaîne désormais au cinéma les rôles d’héroïnes indépendantes aux convictions affirmées. «Après avoir passé sept ans protégée par les murs de ce théâtre en étant au cœur même du jeu, toute la journée, de 9 h à minuit, au travail, j’ai l’impression de découvrir une autre dimension de ce métier», raconte-t-elle.

Le cinéma, «c’est une mise en lumière qui est à la fois un honneur magnifique et très plaisant», ajoute-t-elle, décrivant aussi «une hiérarchie qu’on a moins au théâtre, un système pyramidal, du service après-vente, de la promo».

Les cinéastes qui ont tourné avec elle ne tarissent pas d’éloges : c’est «une Rolls», capable d’apprendre en un instant «les textes les plus imbitables», salue le réalisateur Sylvain Desclous, qui la filme en candidate au grand oral de l’ENA dans De grandes espérances, en salles aujourd’hui. Un personnage «au cœur pur et aux mains sales» qui va devoir composer avec ses idéaux. Elle a «le talent, une inconscience d’être belle, une lumière qui émane d’elle et est intemporelle», expliquait l’an dernier Sandrine Kiberlain, qui venait de lui offrir son premier rôle principal, celui d’une jeune fille juive rêvant de devenir comédienne de théâtre sous l’Occupation, dans son premier film de réalisatrice, Une jeune fille qui va bien (2021).

Si son visage lumineux commence à être connu du grand public et qu’elle se met à recevoir des scénarios, Rebecca Marder explique avoir jusqu’ici été choisie sur casting. «Je me rends compte, à mon insu complet, qu’il y a un gros fil rouge depuis ces deux dernières années, tous ces personnages (sont) des rôles de femmes hyper forts», remarque l’actrice. À commencer par celui d’une icône nationale, Simone Veil, qu’elle interprète jeune, déportée à 16 ans au camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau, dans le biopic Simone, le voyage du siècle (Olivier Dahan, 2022) : un rôle qui l’a profondément marquée, «d’un destin hors du commun et d’une femme qui garde foi en l’humanité».

Le chemin est long et j’espère pouvoir faire ce métier toute ma vie

Chez François Ozon, on l’a vue en mars dans Mon crime, dans lequel elle est une jeune et malicieuse avocate «qui libère la parole et prend son destin en main» dans une France du début du XXe siècle corsetée et marquée par le patriarcat. Elle était aussi Marcia, une chanteuse qui «ne veut pas vendre son âme au diable» dans la comédie Les Goûts et les couleurs (Michel Leclerc, 2022).

Un vaste éventail de rôles auquel l’expérience de la Comédie-Française l’a rodée : le rythme d’enfer et le large répertoire «rendent le cerveau mobile et disponible», affirme-t-elle. Des années exigeantes au cours desquelles elle a aussi rencontré son compagnon, Benjamin Lavernhe, qui s’est également lancé dans le cinéma. C’est ensemble qu’ils ont tourné De grandes espérances, formant à l’écran un jeune couple de gens ambitieux et pressés, qui se retrouvent liés par un drame alors qu’ils intègrent les hautes sphères du pouvoir.

Fin février, Rebecca Marder a vu le César du meilleur espoir féminin lui échapper au profit de sa complice Nadia Tereszkiewicz, avec laquelle elle partage l’écran chez François Ozon. «Le chemin est long et j’espère pouvoir faire ce métier toute ma vie», confie-t-elle.

Elle rêve de tourner aux États-Unis, elle qui a été élevée par des parents lettrés, dont un père américain installé à Paris, Marc Marder, contrebassiste qui a composé pour le cinéma et l’a «soutenue à fond, à l’américaine». «À la maison, il me parlait toujours en anglais et, bêtement, je répondais en français par honte de parler une autre langue! J’ai toujours un accent mais j’aimerais utiliser cette double culture pour travailler à l’étranger et étendre le champ des possibles.» Petite, le cinéma américain l’a fait rêver, ces acteurs américains «qui savent tout faire avec leurs corps», ainsi que le cinéma naturaliste italien.

De grandes espérances, de Sylvain Desclous.