Même en très haute altitude, les glaciers des Alpes connaissent un « réchauffement marqué » qui pourrait à terme provoquer d’énormes avalanches de glace, selon une étude.
Contrairement à ce qui se passe plus bas – où le changement climatique est constatable à l’œil nu, comme pour la Mer de Glace qui a diminué de 80 mètres d’épaisseur dans sa partie basse et reculé de 700 m en 20 ans – rien ne semble bouger au-dessus de 4 000 mètres, explique Christian Vincent, du Laboratoire de glaciologie et géophysique de l’environnement (LGGE) de l’Université Grenoble Alpes.
Pourtant, les mesures de température que le glaciologue et son équipe réalisent depuis 1994 par des forages au col du Dôme du Goûter (4 250 m), dans le massif du Mont-Blanc, révèlent que « le glacier se réchauffe ». Des capteurs installés à différentes profondeurs et jusqu’au lit rocheux attestent que le réchauffement ne se fait « pas de manière uniforme ». « Au fond du glacier, ça ne s’est réchauffé que de trois dixièmes de degré (0,3°C), c’est significatif et au-delà de la marge d’erreur. Vers 50 m de profondeur, le réchauffement est de 1,6 °C et si on fait la moyenne sur tout le glacier, elle est de 1,1 °C. C’est un réchauffement assez marqué », souligne le chercheur du CNRS. « Le réchauffement climatique est bien établi, même à ces altitudes-là », ce qui restait à démontrer vu la rareté des mesures au-dessus de 2 500 m et sur le long terme.
Le scientifique met en garde contre l’impact de ce réchauffement sur les nombreux « glaciers suspendus » qui « ne doivent leur stabilité qu’au fait d’être collés par le froid à la paroi ». Quand la température baissera « à zéro degré, de l’eau va s’écouler, le glacier va déraper sur ces pentes très raides et (…) des glaciers vont provoquer de grosses avalanches de glace », prévient Christian Vincent. Même si les enjeux humains et économiques sont limités, « le glacier de Taconnaz, sur des pentes de plus de 40 degrés, menace des habitations à cheval sur les communes des Houches et de Chamonix ». Il est toutefois impossible de savoir quand ce décrochage pourrait se produire. Études et modélisations mobilisent plusieurs scientifiques mais « il faut absolument continuer à faire des mesures in situ avant qu’il ne soit trop tard et que les glaciers dégringolent », insiste le glaciologue.
Le Quotidien/AFP