La destruction de forêts tropicales s’est poursuivie à un rythme soutenu en 2018 et le monde a perdu une superficie équivalente à celle du Nicaragua, révèle une étude parue jeudi, qui s’inquiète en particulier de la disparition des forêts tropicales primaires essentielles pour le climat et la biodiversité.
Selon les données compilées par Global Forest Watch (GFW), un projet soutenu par le World Resources Institute (WRI) et qui se base notamment sur des données satellitaires, « les régions tropicales ont perdu 12 millions d’hectares de couverture arborée en 2018 ». Il s’agit de la quatrième année la plus mauvaise (après 2016, 2017 et 2014) depuis que GFW a commencé à cartographier le recul de ces forêts en 2001.
« Il est tentant de saluer une deuxième année de baisse après le pic de 2016 », commente Frances Seymour de WRI. « Mais si on regarde sur les 18 dernières années, il est clair que la tendance globale est toujours à la hausse ». « La disparition de 3,6 millions d’hectares de forêt tropicale primaire, une superficie de la taille de la Belgique, est particulièrement préoccupante », souligne GFW dans son rapport.
Ces forêts « constituent un écosystème forestier extrêmement important, contenant des arbres pouvant atteindre des centaines voire des milliers d’années », rappelle GFW. « Elles stockent plus de carbone que les autres forêts et sont irremplaçables pour préserver la biodiversité. »
Brésil et Indonésie concentrent 46% des pertes de forêts tropicales primaires
La destruction de forêt tropicale primaire se concentre dans cinq pays : le Brésil avec la forêt amazonienne, la République démocratique du Congo, l’Indonésie où la forêt tropicale primaire laisse la place à des cultures d’huile de palme ou de bois, la Colombie et la Bolivie, deux pays qui comprennent aussi une partie de la forêt amazonienne, le « poumon de la planète ».
En 2002, le Brésil et l’Indonésie concentraient 71% des pertes de forêts tropicales primaires, contre 46% en 2018. L’an dernier, « la perte de forêt primaire en Indonésie a atteint son taux le plus bas depuis 2003, poursuivant une baisse encourageante amorcée en 2017 », selon le rapport. Cette tendance s’explique par des « politiques gouvernementales récentes », avec par exemple des zones forestières protégées par un moratoire. Le pays a aussi bénéficié d’un temps humide, « empêchant une saison de feux de forêt intense ».
Mais la situation pourrait changer en 2019 avec le phénomène El Niño « qui entraînera généralement des conditions sèches et une saison de feux de forêt prolongée en Indonésie ».
Au Brésil, la perte de forêt primaire reste élevée, s’inquiète GFW. « Une partie de la perte de 2018 peut être attribuée aux feux de forêt, mais elle semble être due en grande partie à des coupes à blanc en Amazonie, mettant en péril la baisse de la déforestation que le pays a connue au début des années 2000 ».
La situation pourrait encore empirer au Brésil car selon l’ONG Imazon, la déforestation en Amazonie brésilienne a augmenté de 54% en janvier 2019 et l’arrivée au pouvoir du président d’extrême droite Jair Bolsonaro par rapport à janvier 2018. « Il est encore trop tôt pour évaluer de quelle façon l’affaiblissement des lois environnementales et leur application sous la nouvelle administration du Brésil affectera la perte de forêt », commente pour sa part GFW. Le président brésilien a fait savoir qu’il ferait passer les intérêts miniers et agricoles en premier avant la protection de l’environnement.
En Colombie, l’accélération de la perte de forêt primaire s’explique par l’accord de paix conclu avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) : « Des zones de l’Amazonie occupées auparavant par les FARC se sont ouvertes au développement », explique GFW.
En Afrique, le rapport s’alarme de la situation à Madagascar, un des pays les plus pauvres au monde. Le pays a perdu « 2% de sa forêt tropicale primaire en 2018, une proportion supérieure à celle de tout autre pays tropical ». Les auteurs pointent aussi du doigt l’accélération de la destruction de forêt tropicale primaire au Ghana et en Côte d’Ivoire entre 2017 et 2018.
AFP