Agités par la passion d’astronomes amateurs, les espoirs des scientifiques et l’explosion du prix des chambres d’hôtels, les États-Unis attendent leur première éclipse solaire totale depuis près d’un siècle, qui projettera son ombre sur des millions d’habitants d’Ouest en Est lundi.
Mariages planifiés pour coïncider avec le grand moment, fêtes en terrasses, expéditions en canoés et même le célébrissime tube Total Eclipse of the Heart chanté en direct par la Britannique Bonnie Tyler : les réjouissances prévues pour celle qui est déjà surnommée « la Grande éclipse américaine » sont nombreuses.
Une attente passionnée qui pourrait même faire avancer le débat qui oppose la science aux sceptiques, espère l’astronome James Webb, de l’université internationale de Floride. « Une grande partie de la population pourra facilement voir l’éclipse », explique-t-il. « Alors que beaucoup sont ceux qui nient encore aujourd’hui la science, ça sera l’occasion de montrer ce que l’on sait vraiment du système solaire », souligne-t-il.
Visible jusqu’en France
L’éclipse totale, lorsque la Lune bloque complètement la lumière du Soleil, sera visible sur une trajectoire de 113 kilomètres de large passant par 14 des 50 États américains. Une éclipse partielle débutera sur la côte nord-ouest des États-Unis peu après 16h GMT lundi. Elle deviendra totale en passant au-dessus de la côte de l’Oregon, à 17h16 GMT, puis suivra une trajectoire diagonale jusqu’à se terminer à 18h48 GMT en Caroline du Sud, sur la côte Atlantique dans le sud-est du pays. Si le phénomène complet ne sera visible que sous cette trajectoire, l’éclipse partielle s’étendra bien au-delà. Au Nord, elle pourrait être aperçue jusque dans la province canadienne de l’Alberta, au Canada et au Sud jusqu’au Brésil, si les conditions météorologiques le permettent.
On pourrait même l’observer en partie dans l’ouest de la France et du Royaume-Uni, au coucher du soleil. « Ils verront une très légère éclipse partielle », explique Robert Massey, directeur exécutif par intérim de la Royal Astronomical Society (RAS) à Londres.
Il faut remonter au 8 juin 1918 pour retrouver la dernière éclipse solaire totale à avoir survolé les États-Unis, d’Ouest en Est, depuis l’État de Washington jusqu’en Floride.
Face à l’enthousiasme déjà palpable des astronomes amateurs, les autorités mettent en garde contre les dangers car les rayons solaires peuvent brûler la rétine. Il ne faudra donc pas regarder directement l’éclipse, même avec des lunettes de soleil, et s’équiper de lunettes spéciales. « Quelque 100 millions de gens vont l’observer mais les dangers si l’on regarde directement le Soleil sont réels et sérieux », souligne Vincent Jerome Giovinazzo, directeur d’ophtalmologie à l’hôpital de Staten Island University. « Les séquelles peuvent être permanentes », prévient-il.
Des motels à 2 000 dollars la nuit
Après plusieurs alertes aux fausses lunettes de contrefaçon, les autorités ont mis en garde les consommateurs contre toutes celles qui ne seraient pas aux normes (ISO-12312-2). Ceux qui préfèrent ne pas observer directement le Soleil peuvent fabriquer des projecteurs en papier ou carton permettant de visionner l’image retransmise du phénomène. Allant plus loin, certains tenteront de capturer l’expérience sensorielle provoquée par l’éclipse. Scientifiques et simples citoyens sont ainsi encouragés à enregistrer les sons d’ambiance, avant, pendant et après le phénomène, pour le projet Eclipse Soundscapes, afin de permettre notamment aux aveugles d’ « entendre et de ressentir les qualités physiques de l’éclipse ».
Et pour ceux qui ne seront pas sur la trajectoire, la Nasa prévoit une retransmission en direct toute la journée sur son site, qui sera aussi diffusée sur l’un des écrans de la célèbre place de Times Square, à New York. Entre 1,85 million et 7,4 millions de personnes devraient se déplacer pour se retrouver sous la trajectoire de l’éclipse totale, ce qui fait craindre embouteillages et accidents, selon le site Great American Eclipse.
Une certitude : les prix n’ont pas attendu pour exploser. Des modestes motels de bord d’autoroute, dans l’un des meilleurs lieux pour observer l’éclipse, vers Casper dans le Wyoming (ouest), proposaient jeudi leurs dernières chambres à plus de 2 100 dollars la nuit.
Le Quotidien/AFP