Lessivés par une crise qui a parfois brisé leur vie, les Grecs sont plus soudés que jamais et misent sur une solidarité conciliant aide aux plus démunis et lutte contre le gaspillage alimentaire.
Derrière le marché central d’Athènes, Xenia Papastavrou vient en aide à cette Grèce déclassée qui fait la queue aux soupes populaires, en aidant à récupérer les invendus des magasins d’alimentation. « En juin, on nous a donné 3 000 kilos de melons, en août on a reçu 7 200 petits packs de lait », se réjouit cette Grecque de 39 ans.
Sur l’écran de son ordinateur défilent des adresses d’associations caritatives dans tout le pays, des flèches et des tableaux de chiffres alambiqués. Son idée est pourtant des plus simples : mettre en relation grands magasins, supérettes, cantines et restaurants qui ont des surplus, avec des bénévoles qui manquent de tout pour distribuer des repas aux victimes de la crise. « Boroume ! » (« Nous pouvons » en français), l’organisation qu’elle a créée il y a trois ans, participe ainsi à la distribution de 2 500 repas par jour aux plus démunis.
Tous les jours, « Boroume ! » centralise les nouvelles offres de produits et trouve une association caritative proche qui a besoin de légumes, de pains ou de ces tourtes au fromage invendues à la boulangerie du coin. « La Grèce est un pays qui jette beaucoup. Dans les tavernes, si on n’a pas une pyramide de Khéops dans son assiette, un repas entre amis n’est pas réussi, ironise Xenia Papastavrou. Il n’y a pas cette mentalité de faire attention. Ici, c’est ‘je paie donc je peux faire n’importe quoi’. »
« En finir avec le chacun pour soi »
Mais la crise a fait changer les esprits dans un pays où un quart des gens sont menacés de pauvreté. Dans son épicerie solidaire du bouillonnant quartier d’Exarchia, Tonia Katerini dresse peu ou prou le même constat. « Il y avait jusqu’ici l’idée que manger des produits de qualité, ça coûte cher et les Grecs étaient peu regardants à la dépense », souligne cette architecte indépendante qui consacre une dizaine d’heures par semaine à cette coopérative.
Sur les étagères en bois, le riz, les lentilles rouges ou l’huile d’olive vendus en vrac sont proposés en moyenne « 10 à 15% moins chers qu’en supermarché ». Pour y arriver, l’épicerie coopérative Sesoula, comme les onze autres qui ont fleuri à Athènes depuis que la Grèce est sous perfusion financière, se passe d’intermédiaires et négocie directement avec les producteurs.
Cette idée est née il y a trois ans avec le « mouvement des patates ». Des producteurs, mécontents des marges encaissées par les intermédiaires, se sont lancés dans la vente directe, jetant les sacs de patates des camions aux clients. A des prix imbattables. « La crise nous oblige à en finir avec le chacun pour soi pour réfléchir à ce que nous pouvons faire ensemble pour nous sortir du pétrin », analyse Tonia Katerini.
La famille a constitué jusqu’ici le garde-fou contre la misère, dans un pays où un quart de la population est au chômage. Mais cela ne suffit plus. Quand la retraite des parents se retrouve encore amputée pour cause de nouveau plan de rigueur, quand le pécule économisé pour les coups durs s’épuise, « le collectif doit prendre le relais », estime Tonia Katerini. Avec cette crise sans fin, les files d’attente aux soupes populaires se sont allongées : des personnes âgées, de plus en plus nombreuses, et beaucoup de mères seules aussi.
AFP/A.P