Toujours motivée à l’idée de montrer la danse sous toutes ses formes, la chorégraphe luxembourgeoise Sylvia Camarda signe une nouvelle émission sur ARTE, «Dance@Home», dans laquelle elle donne la leçon… en toute décontraction !
En 2017, il y a d’abord eu Move!, rendez-vous déjà décliné sur trois saisons (une quatrième est à venir). Puis l’année dernière, le «Beethoven Tag», toujours sur la chaîne ARTE, où Sylvia Camarda assurait en direct la chorégraphie sur une musique de l’OPL.
Enfin, depuis février, on la retrouve dans Dance@Home, émission qui sur neuf épisodes, aborde le tango, le breakdance ou le charleston avec des invités-spécialistes, proposant aux curieux derrière leur écran de transformer leur salon en piste de danse !
En baskets ou patins à roulettes, la Luxembourgeoise fait le premier pas et, entre déhanchés saccadés et pirouettes improvisées, raconte cette nouvelle expérience.
Il y a eu Move!, la journée autour de Beethoven et désormais Dance@Home… Entre vous et la chaîne franco-allemande ARTE, c’est une affaire qui roule, non ?
Sylvia Camarda : Oui, l’entente est si bonne qu’aujourd’hui, on me contacte directement. C’est arrivé le 13 décembre dernier où l’on m’appelle pour me dire : « Sylvia, peux-tu nous écrire une émission de danse pour demain matin ? ». Véridique !
Qu’avez-vous répondu ?
J’ai dit : « O. K., pas de problème, j’en ai une toute prête ! ».
C’est assez spontané comme démarche et franc…
C’est certain. Ce qui est chouette avec cette chaîne, c’est qu’elle nous laisse le droit de rêver. Pour le « Beethoven Tag », il n’était par exemple pas question de jouer à l’intérieur de la Philharmonie. Du coup, j’ai imaginé un parcours qui allait jusqu’au parc des Trois-Glands.
Il a alors fallu dérouler plus de 700 mètres de câble pour que l’on puisse tourner en live ! C’était au départ impossible, mais on l’a quand même fait. Quand on a une idée, on y va à fond. C’est ce qui plaît et fonctionne dans notre coopération.
Revenons à la genèse de Dance@Home. Comment avez-vous fait pour mettre sur pied un concept d’émission en si peu de temps ?
C’était rock ! Je me rappelle ce lundi où je cherchais à me concentrer entre la petite qui courait partout, la chienne qui voulait sortir et la grand-mère qui ne savait plus où donner de la tête (elle rit).
Et ça ne s’est pas arrêté là : une fois l’idée retenue, il a fallu vite trouver une boîte de production, car ARTE voulait que l’émission soit tournée le plus vite possible, début janvier.
Avec mon mari, on est quand même parti quelques jours skier en Suisse. Comme je n’ai pas le permis de conduire, j’ai pu gérer toutes les réunions dans la voiture, depuis la banquette arrière !
Comme son nom l’indique, Dance@Home répond à la fermeture des théâtres et des clubs en Allemagne. Est-ce cela qui vous a motivé ?
Oui, c’était l’idée de départ : inviter les gens qui ne peuvent pas sortir à se lever et à découvrir de nouvelles danses. Parallèlement, entre ma grossesse et la naissance de mon enfant, ces derniers temps, je ne sortais plus trop.
Du coup, de temps en temps, je faisais des soirées thématiques à la maison, du genre « ce soir, c’est musique des années 90, avec du grunge ! ». C’est ça que j’ai proposé à ARTE : explorer ensemble des thèmes sans que ce soit prise de tête. Ça ne devait pas être un tutoriel rigoureux, mais au contraire, quelque chose d’humain et de rigolo.
Que la rencontre avec l’invité se passe sur scène, un peu comme en boîte quand on danse avec quelqu’un que l’on ne connaît pas. Une question de feeling, en somme.
Cela se voit à l’écran. Vous n’avez rien d’une présentatrice, disons, formelle…
Mais je ne suis pas là pour prendre toute la lumière ! Ce sont les invités, des artistes talentueux, qui sont le plus important. On est d’abord là, ensemble, pour donner quelque chose au public.
Il fallait donc que ce soit libre et décontracté. Du coup, j’ai jeté les fiches avec les questions pour devenir, en quelque sorte, un téléspectateur, et non une modératrice qui met une barrière entre le public et le danseur.
C’est vrai, j’ai eu la chance de rencontrer les danseurs-invités en amont des émissions. J’ai eu avec eux un contact privilégié. C’est plus facile pour briser la glace.
Finalement, l’élève la plus assidue, c’est vous ?
(Elle rit) Je suis passionnée… et très sérieuse : je me levais à 6 h du matin et direct, je faisais du yoga pour être en forme. Et pendant les fêtes de Noël, c’était régime et entraînement !
J’avais envie de m’éclater et si on n’arrive pas à suivre, c’est compliqué. Quand on la chance de rencontrer des danseurs d’un tel niveau, il faut en profiter!
Dance@Home, du tango au breakdance en passant par d’autres singularités (voguing, jamskating), propose une sorte leçon de danse. Et vous, avez-vous appris quelque chose ?
Je n’avais pas fait de patins à roulettes depuis 30 ans ! Je me suis un peu entraîné, mais ARTE m’a laissé un technicien au cas où je me casse la figure ! La vraie découverte, ça a été la danse latine : je n’en avais jamais fait et j’avais à mes côtés deux champions du monde. J’avais une de ces trouilles !
Quand j’ai eu ce projet, je me suis dit : « Sylvia, tu vas être la prochaine Thomas Gottschalk ! »
Avez-vous réussi à relativiser ?
Oui. La danseuse, magnifique sur scène, marchait comme un cow-boy en dehors. Comme moi finalement ! Il y a de petits détails qui rassurent et auxquels on s’accroche (elle rit).
L’émission sur le ballet moderne est plus longue. Pourquoi ?
Ahmad Joudeh, le danseur syrien, évolue sur les plus grandes scènes du monde. Et son manager était là, avec des demandes bien spécifiques. Je pensais que ça allait être très compliqué.
Mais il a vite compris que j’étais là pour le soutenir et le mettre en avant. Et son histoire m’a touché aux larmes… Durant l’enregistrement, la symbiose était totale. Du coup, peu de choses ont été coupées au montage.
Vous avez 43 ans. Est-ce qu’à cet âge, la danse devient physiquement compliquée ?
Plus le temps passe, plus la même question revient : « qu’est-ce que j’arrive encore à donner avec mon corps? ». C’est sûr, je ne m’entraîne plus comme avant, même si quand j’en ai l’occasion, je le fais à fond. Et puis, être mère, ça change la vie.
Alors oui, il y a une peur de ne plus être à la hauteur. Mais j’ai peut-être d’autres choses à offrir. Ce n’est plus à moi d’être au centre de la scène et de danser, mais je peux aider d’autres à le faire.
Dans ce sens, cette collaboration avec ARTE, c’est finalement une belle opportunité, non ?
Quand j’ai eu ce projet, je me suis dit : « Sylvia, tu vas être la prochaine Thomas Gottschalk! » (NDLR : il a présenté l’émission Wetten, dass..?). C’est une star énorme, mais il ne fait rien en dehors de laisser les autres briller à ses côtés. Ça me va bien !
Actuellement, la crise sanitaire est moins sensible. Dance@Home fonctionne-t-il alors sans le confinement ?
(Elle rit) J’ai même le slogan : « maintenant qu’on peut sortir, apprenez de nouveaux mouvements de danse, comme ça, vous allez briller sur la piste ! ».
Dance@Home, actuellement disponible sur le site d’ARTE.