À New York, la ville qui a hébergé Edward Hopper pendant soixante ans, le Whitney Museum plonge dans la relation amoureuse et artistique entre la ville et le peintre, à taille humaine et loin des clichés.
Comme si un photographe avait utilisé une toile et des pinceaux, Edward Hopper a passé les six décennies qu’il a vécues à New York à imaginer, explorer et peindre la mégapole comme personne ne l’avait jamais fait auparavant.
Une partie de ce travail prolifique sur la ville qui l’a hébergé de 1908 à 1967 fait partie de l’exposition «Edward Hopper’s New York» au Whitney Museum, qui rassemble la plus grande collection de l’artiste, sur ses 3 100 œuvres répertoriées, et sa relation particulière avec New York.
Des œuvres telles que Automat (1927), Early Sunday Morning (1930), Room in New York (1932), New York Movie (1939) et Morning Sun (1952) sont au cœur de cette exposition, ainsi que des aquarelles de toits et de ponts, des esquisses pour ses créations et des documents qui éclairent la vie de l’artiste américain. Au total, plus de 200 pièces issues du fonds Whitney et de prêts de collections publiques et privées composent cette exposition, ouverte jusqu’en mars 2023 à Manhattan.
Pas «intéressé par la verticale»
Loin des clichés sur la «ville-monde», forêt de gratte-ciel, incroyable mosaïque culturelle et poumon financier mondial, le New York d’Edward Hopper est à taille humaine. «Hopper a passé l’essentiel de sa vie ici, à quelques pâtés de maisons du Whitney Museum», relève Kim Conaty, la commissaire de l’exposition.
«Il a connu les mêmes rues et fut le témoin du cycle permanent des démolitions et reconstructions, comme aujourd’hui, où New York ne cesse de se réinventer», estime l’experte dans un communiqué du musée. «Comme peu l’ont fait de manière aussi poignante, Hopper a capturé une ville à la fois en changement permanent et immuable, un lieu particulier figé dans le temps et clairement façonné par son imagination», conclut-elle.
Hopper préférait les lieux méconnus, voire ignorés, ceux hors des sentiers battus, à la célébrissime «skyline» de Manhattan et aux monuments emblématiques comme le pont de Brooklyn ou l’Empire State Building. «Je n’ai jamais été intéressé par la verticale», a-t-il un jour plaisanté.
Solitude et vide
L’homme aimait s’isoler de la fureur du monde extérieur. De 1913 à sa mort, en 1967, Hopper vécut avec sa femme, Josephine Nivison Hopper, également artiste et modèle pour ses peintures, dans le même appartement de Washington Square, à Greenwich Village, dans le sud de Manhattan. D’illustrateur indépendant, il devint l’un des artistes les plus célèbres du pays.
Sorte de «voyeur», le peintre né en 1882 à Nyack, petite ville au bord de l’Hudson River, au nord de New York, n’a eu de cesse d’explorer les frontières poreuses entre vie publique et vie privée : les fenêtres, élément constant dans son travail, permettent de montrer à la fois l’extérieur et l’intérieur d’un bâtiment. Il a décrit cette expérience comme une «sensation visuelle commune».
Hopper peint des cheminées, des bâtiments vides, des boutiques, des ponts et des scènes du quotidien empreintes de solitude. La lumière si particulière du peintre peut provoquer une sensation «effrayante, très sombre», et même un sentiment «de vide», explique Jennifer Tipton, spécialiste de l’éclairage pour le théâtre, citée par le Whitney Museum.
Certaines des pièces de l’exposition proviennent d’une collection d’œuvres ayant appartenu à un pasteur baptiste, Arthayer Sanborn, qui vivait dans les années 1960 près de la maison d’enfance du peintre, à Nyack. Dans une enquête en octobre, le New York Times s’est demandé comment un pasteur avait pu amasser jusqu’à 300 œuvres du peintre.
Avant sa mort en 2007, Sanborn avait affirmé, sans preuves, qu’il s’agissait de cadeaux du couple Hopper ou de pièces récupérées dans l’appartement de l’artiste après sa mort.
«Edward Hopper’s New York», jusqu’au 5 mars 2023. Whitney Museum – New York.