Pour attirer les recrues, même l’US Navy a fini par les autoriser l’an dernier: le tatouage a plus que jamais le vent en poupe, loin de l’image rebelle de ses origines. En France, 25% des moins de 35 ans sont tatoués et 9 % envisagent de le faire tous âges confondus.
Le tatouage, autrefois marginal, est considéré comme un art à part entière par 55% des Français dont 13% se déclarent tatoués, selon une étude réalisée par l’Ifop auprès de 1 002 personnes pour le Syndicat national des Artistes tatoueurs, à l’occasion du Mondial du tatouage de Paris.
Du 3 au 5 mars, aficionados et curieux se retrouveront à la Grande Halle de la Villette pour la plus grande convention au monde qui a accueilli 35.000 visiteurs l’an dernier, loin devant Londres et Los Angeles. Mot d’ordre de cette 7e édition: célébrer le « 10e art » et le faire reconnaître. « De plus en plus populaire, le tatouage est un véritable art comme le dessin, la peinture, la sculpture, le cinéma… Le dernier sondage remonte à 2010. Le nombre de tatoués en France a progressé de 4 points. Les femmes sont même plus nombreuses que les hommes (16% contre 10%) », souligne Tin-Tin, star de l’aiguille et président des tatoueurs.
« Le plus paradoxal, c’est que l’État nous refuse toujours le statut d’artiste. Rien n’avance alors que des musées nationaux célèbrent l’art du tatouage avec l’argent du contribuable… », dit le tatoueur attitré de Jean Paul Gaultier, JoeyStarr et Pascal Obispo, conseiller artistique de l’exposition « Tatoueurs, Tatoués » au musée du Quai Branly, en 2015. « La jurisprudence reconnaît l’oeuvre de l’esprit des tatoueurs avec droits d’auteurs à la clé, tandis que les ministères nous considèrent toujours comme de simples prestataires de services avec le même code APE que les toiletteurs pour chiens et les cartomanciennes! », fulmine Tin-Tin.
« Aujourd’hui, on choisit un artiste, un style »
420 tatoueurs représentant une cinquantaine de pays sont attendus au Mondial avec expositions, défilés, conférences et concerts autour de l’art du tatouage et des « couennes encrées ».
« L’heure est de moins en moins aux tendances et aux tatouages à messages. Aujourd’hui, on choisit un artiste ou un style. L’art ne s’accroche plus au dessus du canapé, mais sur la peau. C’est désormais l’ère du body art. André Malraux disait que l’art est le plus court chemin de l’homme à l’homme. C’est la définition même du tatouage! », estime Tin-Tin, réputé pour ses œuvres japonisantes de dragons, serpents ou pivoines.
Parmi les nouvelles stars du tatouage qui officieront à la Grande Halle sur rendez-vous pris des mois à l’avance, le Russe Sergey Murdoc célèbre pour ses calligraphies gothiques, l’Australienne de Berlin Wendy Pham pour ses dessins japonisants, le Néo-Zélandais Steve Butcher et sa culture pop. Sans oublier les Français El Patman, roi des mandalas, Michaël Taguet, spécialiste des tatouages hyperréalistes et la Parisienne Laura Santana, reine du style gangsta.
« Les techniques du +10e art+ s’enrichissant à la vitesse des réseaux en ligne. De nouveaux courants artistiques foisonnent partout dans le monde », observe Tin-Tin, rappelant que la France compte quelque 4 500 tatoueurs ayant pignon sur rue, tous signataires d’une charte de bonnes pratiques validées par l’Etat et les autorités sanitaires. Invité de la dernière livraison de « Tatouage Magazine » (mars/avril), le chanteur Renaud, dont les tatoos sont presque aussi connus que les chansons, estime que sa peau est « (son) dernier espace de liberté ». « Le tatouage a toujours été symbole de liberté, de refus de la société, de rejet des êtres malsains », confie-t-il. Après le visage du Christ dans le dos l’an dernier, son prochain tatouage est déjà programmé: une silhouette de Peter Pan. « Ne grandissez pas, c’est une arnaque! ».
Le Quotidien/AFP