Le groupe de reggae thionvillois Roots Intention Crew est de retour, toujours aussi coloré et remuant.
On se souvient d’eux, un soir d’août 2013, sur la scène du festival de reggae d’Audun-le-Tiche, le Summer Valley. Les trois musiciens du Roots Intention Crew (RIC), originaires de Thionville, avaient alors évoqué un drôle de compagnon de tournée : un oiseau qui les avait accompagnés tout l’été. L’animal y avait laissé les plumes. «La vie d’artiste, ce n’est pas fait pour des êtres fragiles.» Une anecdote qui résume l’ardeur du groupe : des musiciens de terrain, à faire danser jusqu’à la transe, trois «masques africains» aussi vigoureux que ceux du poète Sanghor.
Le RIC est une formation de scène, d’intermittents du spectacle à plein temps, un groupe qui séduit instinctivement. On retrouve leurs albums dans toutes les soirées étudiantes, de Nancy jusqu’à Toulouse. Mais comment franchir un cap ? Celui d’une renommée nationale, voire internationale, vu que la Belgique et le Luxembourg sont aussi sur la carte des concerts.
Blah blah, leur quatrième album sorti vendredi, devrait mettre tout le monde d’accord. Quinze titres d’un métissage absolu, une pure création musicale qui dépasse largement les frontières du reggae. «On rencontre souvent cette difficulté, lâche Kolia, le chanteur du groupe. Des gens qui nous cataloguent et qui viennent nous voir à la fin des concerts pour dire : Je ne pensais pas que j’aimerais votre musique ! Nous sommes certes dans le reggae, mais nous sommes aussi le fruit de toutes nos rencontres. Comment pourrait-il en être autrement ?» Le nouvel album est la plus belle réponse que l’on puisse donner face à un public parfois englué dans ses certitudes.
«Un son plus épuré»
Ici, tout est question de tolérance, d’énergie, d’une jeunesse qui a confiance, de poésie, d’ouverture d’esprit. D’esprit tout court, pourrait-on dire. «Nous avons bossé deux ans sur les chansons, nous avons invité tous les musiciens que nous aimons écouter, poursuit Kolia. On retrouve des accents flamenco, du saxo, de la rumba, de la fanfare, de la guitare manouche sur le nouvel album. Ce sont quinze titres de joueurs d’instruments.» Et quel plaisir ! Rien n’est à jeter, tout s’écoute dix fois de suite. La majorité de l’album assume un côté dansant et festif.
«C’est important d’offrir ça aux gens en ce moment», estime Kolia. Les paroles touchent toujours un public large. Qui n’a jamais connu cette voisine, qui passe ses meilleurs vinyles, «qui transforme la cuisine en piste de danse et le balcon en mezzanine» par exemple. La basse est monstrueuse sur ce titre, intitulé sobrement Ma voisine, qui va faire l’objet d’un clip professionnel. «Nous enregistrons plus d’instruments qu’avant et en même temps, nous proposons un son plus épuré», analyse Kolia.
Le RIC a récupéré l’ancien guitariste de Baobab, groupe phare des années 90. Le résultat, probablement aussi, de la patte magique de Serge Guelon au mastering, l’homme qui a révélé la plupart des grands noms du reggae français (et qui bosse avec Horace Andy et d’autres piliers jamaïcains). Sur d’autres titres, le RIC revient à des thèmes plus sociaux, transmettant son énergie pour avancer dans la vie et continuer à provoquer le changement d’une société à ses yeux trop égoïste.
«On chante pour les loulous, les chacals, les gueules cassées, les gens qui crèvent la dalle», haranguent-ils dans Rêv’olution. Tous les sentiments sont dans cet album, toujours avec un juste ton. Sur Bassin houiller enfin, les Lorrains racontent leur région qu’ils aiment «malgré les usines fermées», révoltés que les voleurs de métal, qui rime avec Lakshmi Mittal dans le texte, l’aient emporté. Heureusement, l’âme «italienne, portugaise, maghrébine, polonaise, africaine» (ouf !) reste dressée avec fierté comme une croix de Lorraine sur un maillot de foot. Et il reste le reggae !
Hubert Gamelon
RIC sera en concert, dans le cadre de la sortie de son album, samedi (20h) à l’espace culturel de Rombas (France).
Plus d’infos sur le site ric-music