Avec Le Sixième Sommeil, Bernard Werber propose un voyage dans le temps (21 ans en arrière) et sur Terre, dans la tribu des Senoïs. Pour (tenter de) parvenir à ce sommeil de tous les possibles. De Paris à la Malaisie, voilà un roman audacieux autour d’un thème très passionnant : le sommeil, qui mêle science, ésotérisme, temps, médecine et psychanalyse.
Ah! la belle proposition… «Imaginez que vous puissiez revenir vingt ans en arrière et retrouver, en rêve, la personne que vous avez été plus jeune. Imaginez que vous ayez la possibilité de lui parler. Que lui diriez-vous?» Oui, une belle proposition qui ouvre Le Sixième Sommeil , de Bernard Werber. Donc, tout commence avec l’acte 1 : «Apprenti dormeur». Et nous voilà embarqués dans le monde de Jacques Klein. On le découvre dans un de ses rêves alors qu’il a 28 ans – il rencontre un homme, il a quelques cheveux gris et le visage marqué par quelques rides, il lui ressemble étrangement, dit s’appeler Jacques Klein (comme lui) et avoue son âge : 48 ans.
Le commun des mortels, à ce sujet, évoquera un phénomène paranormal. Pas Jacques Klein parce que, lui, il a créé une façon de se transporter dans le temps, de figurer dans ses rêves de jeunesse. Mais il faut aussi savoir que le jeune homme, en son plein arbitre, peut à tout moment et s’il le veut changer le cours de la vie à venir… Après Les Fourmis et Les Thanatonautes , dans un voyage de Paris à la Malaisie, Bernard Werber plonge dans le monde du sommeil.
Il y a, dans ce Sixième Sommeil , la science, l’ésotérisme, le temps, la psychanalyse et la médecine. « On passe, en moyenne, trente ans de notre vie à dormir et sept à rêver , confie le romancier. Pourtant, le sommeil et les rêves restent très mystérieux. Comme un continent mal exploré. Qu’est-ce qui se passe vraiment lorsque l’on rêve? Et pourquoi rêve-t-on? » Dézingué à la sortie de son film, Nos amis les terriens (2006), Bernard Werber, cinéaste comme écrivain, n’a pas que des amis.
Selon certains, son écriture serait simple pour ne pas dire simpliste, son style inexistant, sa pensée pseudo-philosophique avec une empathie pour les charlatans… Mais le public, lui, est toujours et encore là, 25 ans après la parution du premier roman, Les Fourmis (1991). Alors, plongeons dans le sommeil. Ce sommeil que l’on décompose en six phases : assoupissement, sommeil léger, sommeil lent, sommeil très profond, sommeil paradoxal… et, phase 6, le sixième sommeil. Celui de tous les possibles.
Tous égaux face au sommeil
Celui où arrive le Jacques de 28 ans guidé par le Jacques de 48 ans pour retrouver Caroline Klein, sa mère neurophysiologiste de renom qui a étudié les cinq premiers stades du sommeil, qui affirmait : « C’est un domaine dans lequel nous sommes tous égaux. Face au sommeil, les riches et les pauvres, les gagnants et les perdants, les beaux et les laids, les mariés et les célibataires sont sur le même oreiller récalcitrant » et tentent de découvrir comment atteindre le sixième mais il disparaît mystérieusement en Malaisie.
Chez les Senoïs, tribu qui maîtrise le rêve lucide mais en voie de disparition (conséquence de la déforestation massive), il va apprendre à atteindre ce fameux sixième sommeil. En ancien journaliste scientifique, Bernard Werber rappelle ainsi que le rêve est une activité fondamentale du cerveau et essentielle pour l’équilibre psychique. Alors, il emmène son héros quelque part au pays des rêves, en terra incognita. Départ Paris, arrivée Kuala Lumpur en Malaisie.
Neurophysiologiste de métier, Jacques Klein recherche encore ce sixième sommeil, celui qui mène à l’inconscient et durant lequel on peut envisager régler des conflits personnels. Mieux : chez les Senoïs, il va appréhender le rêve comme un art de se souvenir, comme un outil pour les relations avec autrui. Et il va se transformer en explorateur des songes – on retrouve là un thème proche des Thanatonautes (1994) avec ces personnages qui défiaient les règles de la vie et de la mort pour visiter l’au-delà.
Depuis l’écriture du Sixième Sommeil , Bernard Werber a acheté une application smartphone qui analyse sa nuit en traçant des courbes selon les étapes du sommeil. Et au réveil, « en essayant d’être honnête », assure-t-il, il note ses rêves dans un carnet. Comme pour continuer le voyage dans ce sixième sommeil, celui de tous les possibles…
Serge Bressan
Le Sixième Sommeil, de Bernard Werber. Albin Michel.