Le nouveau volume de la saga Millénium, sorti vendredi dans les librairies suédoises, est aussi le premier sous la plume de Karin Smirnoff, deuxième écrivaine à poursuivre la série imaginée par Stieg Larsson.
Ancienne journaliste devenue entrepreneuse dans le secteur du bois avant de se reconvertir dans l’écriture la cinquantaine passée, Karin Smirnoff n’a pas hésité un instant quand sa maison d’édition lui a proposé d’écrire une suite à Millénium, l’étalon du «Nordic Noir», créé au début des années 2000 par Stieg Larsson. «C’était plutôt facile d’accepter le projet», indique la romancière, qui ne cache pas sa sympathie pour la hackeuse Lisbeth Salander, l’un des personnages principaux de la saga. Elle dit aussi partager avec l’auteur initial une appétence pour certains sujets. «Nous avons des sujets en commun, par exemple la violence, celle qui court à travers la société, entre les hommes, à l’échelle internationale», dit-elle.
Écoulée à plus de 100 millions d’exemplaires, publiée dans plus de 50 pays dans le monde et adaptée à plusieurs reprises au cinéma, la saga Millénium est l’un des plus grands cartons d’édition du XXIe siècle, conjugué à un destin tragique. Journaliste d’investigation spécialiste des mouvements d’extrême droite, Stieg Larsson est décédé d’une crise cardiaque en 2004, juste après avoir rendu ses trois premiers manuscrits. Il n’aura donc jamais connu la fortune ni vu le succès de son œuvre, tout comme sa compagne Eva Gabrielsson, exclue de la succession car le couple n’était pas marié.
Ajouter son point de vue
La controverse de l’héritage s’est réveillée des années plus tard lors de la décision d’une première suite, de trois romans, confiée à l’auteur à succès David Lagercrantz, avec l’accord du frère et du père de Stieg Larsson, légataires de son œuvre. Pour cette troisième trilogie, Karin Smirnoff entend «continuer en respectant ce qui a déjà été fait», tout en ajoutant son «propre point de vue dans les trois livres», dont elle déplace l’intrigue plus au nord, déjà décrit dans ses précédents romans.
Selon elle, une œuvre dépasse forcément son créateur. «Je ne pense pas que l’art appartienne à qui que ce soit, si c’était le cas, l’art ne progresserait pas du tout», avance la quinquagénaire, qui défend une aventure exclusivement artistique. «Je sais que beaucoup de gens pense que c’est seulement une question d’argent. Ce n’est pas le cas», dit-elle. «Pour moi, il s’agit de continuer un projet énorme et mondialement célèbre, et c’est toute une tâche de le poursuivre.»
Injustices subies par le Grand Nord
Dans ce septième opus – dont le titre, Havsörnens Skrik, peut se traduire par «le cri de l’aigle» –, c’est dans le Grand Nord suédois que Mikael Blomkvist et Lisbeth Salander vont poursuivre leurs aventures. «Je vis dans le nord de la Suède et je voulais que ça se passe ici», indique Karin Smirnoff, qui ne se définit pas comme une auteure de polars mais comme une écrivaine exploratrice des relations humaines.
Placer l’intrigue à plus d’un millier de kilomètres de Stockholm, où les volumes précédents se déroulent majoritairement, c’est l’occasion aussi de pointer les injustices subies par la région. Cette terre ancestrale des peuples autochtones Samis connaît depuis quelques années un bouillonnement industriel, notamment pour l’exploitation de ses ressources naturelles. «Historiquement, des personnes venaient du sud du pays pour exploiter le nord, et envoyer les bénéfices à l’étranger ou dans le sud. Je pense que d’une certaine façon, la même chose est en train d’arriver avec les nouvelles sources d’énergie et les mines», dénonce-t-elle. «Des milliards sont injectés dans la région et avec les milliards viennent aussi les problèmes», estime l’écrivaine.
La quinquagénaire attend désormais le verdict des lecteurs. «J’ai écrit le dernier mot il y a trois semaines. Pour moi, c’est trop près, je ne peux pas décider si c’est bien», hésite-t-elle. «Ça va être excitant, quand il sortira, de voir ce que les autres en pensent.»
Havsörnens Skrik (Millénium 7), de Karin Smirnoff.