Cible de trois attaques en dix semaines, le Royaume-Uni peine, par faute de moyens, à lutter efficacement contre la menace terroriste alors que la plupart des auteurs étaient des Britanniques bien connus des autorités.
Pendant que les attentats jihadistes frappaient l’Europe, l’île britannique avait été relativement épargnée jusque-là avec aucun attentat majeur depuis 2005. Mais les autorités ont toujours dit que la question n’était pas de savoir si mais quand le pays, engagé militairement en Syrie et en Irak, allait être rattrapé par la terreur. Après trois attentats en moins de trois mois, tous revendiqués par Daech, le bilan est très lourd : 34 personnes sont mortes et des centaines ont été blessées dans l’attaque de Westminster le 22 mars, l’explosion à la Manchester Arena le 22 mai et le carnage à Londres samedi.
L’intensité de la vague interpelle les experts et « soulève des questions sérieuses et légitimes » sur l’efficacité de la police et des services de renseignement en amont des attentats, souligne Otso Iho, analyste au Jane’s Terrorism and Insurgency Center. D’autant que Khalid Masood, l’auteur de l’attentat de Westminster, Salman Abedi, le kamikaze de la Manchester Arena, et Khuram Butt, un des assaillants sur London Bridge, étaient non seulement trois ressortissants britanniques connus des autorités mais avaient également fait l’objet de signalements du public.
Les services renseignements limités
Butt, proche du prêcheur radical Anjem Choudary, est même apparu dans un documentaire TV intitulé Mes voisins les jihadistes diffusé l’an dernier. La police, disposant d’outils de surveillance puissants, dit suivre 3 000 individus dans le cadre de la lutte antiterroriste et continuer à évaluer le risque posé par 20 000 autres qui étaient à un moment ou un autre sur ses radars. Le chiffre est colossal. « Il est impossible de surveiller autant de personnes. Suivre un suspect sur 24 heures demande 20 agents », explique Peter Neumann, directeur du Centre international d’étude de la radicalisation au King’s College de Londres.
« C’est une tâche de mammouth et les trois récentes attaques ont montré que les services de renseignement manquaient cruellement de ressources pour le faire de manière efficace », relève Otso Iho. La question des moyens s’est invitée au cœur de la campagne électorale pour les législatives de jeudi et le leader de l’opposition travailliste Jeremy Corbyn a même appelé lundi la Première ministre Theresa May à démissionner après la suppression de 20 000 postes de policiers depuis 2010.
La police londonienne perd ses moyens
Le maire de Londres, Sadiq Khan, a déploré mardi que le budget de la police londonienne avait été amputé de 600 millions de livres en sept ans. « C’est intenable », a-t-il dénoncé, faisant remarquer que « plus de la moitié » des 400 Britanniques revenus de d’Irak ou de Syrie sont soupçonnés de se trouver à Londres et qu’il n’avait « pas les moyens de les surveiller ». Comme d’autres pays, le Royaume-Uni s’inquiète fortement du retour d’extrémistes aguerris au combat après avoir fait la guerre dans des groupes jihadistes au Moyen-Orient.
Dans l’immédiat, c’est la loi des séries qui préoccupe les autorités après avoir déjoué cinq autres attentats depuis mars, un chiffre là aussi en forte augmentation. Décrivant une vague « sans précédent », la cheffe de Scotland Yard, Cressida Dick, a prévenu qu’il y avait « clairement un risque de voir de nouvelles attaques inspirées » par celles de ces dernières semaines. « L’attaque sur Westminster Bridge a très bien pu inspirer celle sur London Bridge. Le ‘succès’ de ces attentats peut encourager certains à les reproduire tout en désignant des cibles potentielles, comme les ponts, les bars ou les restaurants », note Otso Iho. Un sentiment « exacerbé par le fait que l’État islamique cherche à compenser ses pertes de territoire en Irak et en Syrie ». Peter Neumann partage ce pessimisme même s’il pense qu' »à long terme, des pays comme la France ou la Belgique sont davantage menacés ».
Le Quotidien/AFP