Le grand reporter Christophe Boltanski a décroché mercredi le prix Femina pour son premier roman, « La cache », récit sur sa famille d’origine juive durant l’Occupation.
« Extraordinaire, vertigineux ». Christophe Boltanski ne feignait pas son émotion au moment de recevoir l’un des plus prestigieux prix littéraires français. « Je pense aux miens, car mon livre parle de ma famille, je pense aussi à ma grand-mère qui était romancière. J’ai voulu raconter l’histoire d’un enfermement, celui d’une famille qui vit soudée dans un appartement, cimentée par la peur et qui tente de recréer un monde de liberté et de joie », a-t-il confié.
La cache (chez Stock) est un des livres les plus remarqués de la rentrée. Ce roman vrai d’une famille française durant les années noires de l’Occupation était parmi les finalistes du Renaudot, attribué mardi à Delphine de Vigan, et demeure en course pour le Medicis attribué jeudi. « Le livre de Boltanski est un livre finement écrit, émouvant, avec des portraits de membres de sa famille particulièrement touchants et une composition tout à fait originale », a affirmé Christine Jordis, une des douze membres du jury exclusivement féminin.
Fils du sociologue Luc Boltanski et neveu du plasticien Christian Boltanski, Christophe Boltanski, 53 ans, invite le lecteur à suivre sa famille, géniale et névrosée, dans l’hôtel particulier de la rue de Grenelle, à Paris, où tous les membres ont tous vécu. Cette maison est un « kibboutz familial », où il n’y a pas grand-chose à manger et où le luxe côtoie l’indigence. La famille, ce sont d’abord sa grand-mère et son grand-père paternels, Myriam et Étienne. Celui-ci, médecin juif immigré d’Odessa, converti au catholicisme, ne pressent pas le danger après la défaite de 1940. Il a combattu pour la France durant la Grande Guerre. Sa soif d’assimilation est inépuisable.
« Bric-à-brac identitaire »
Durant l’Occupation, pour échapper aux rafles, Étienne devra se cacher dans un entre-deux de la rue de Grenelle, comme un clandestin au sein de sa propre famille. Vingt mois dans une cavité de 1,20 mètre de hauteur. Personne ne sortira indemne de cette histoire terrible. Le grand-père éclate en sanglots à la moindre émotion forte. Myriam « nous a avalés pour nous protéger ». Le traumatisme de l’Occupation ne va jamais cesser de hanter la famille. Les enfants ne vont plus à l’école. « Si on sort, c’est tous ensemble entassés dans la petite Fiat 500. On a peur du pire qui est toujours sûr », se remémore Christophe Boltanski, au travers de ses souvenirs de gosse.
A aucun moment, il ne juge sa famille et préfère montrer ce « bric-à-brac identitaire » pour aider à comprendre cette famille riche de tous les paradoxes, aisée et chiche, bourgeoise et bohème, juive et catholique, qui trouvera finalement dans la création la seule façon de sortir de sa cache.
Le prix Femina du roman étranger a été attribué à la romancière écossaise peu connue Kerry Hudson pour La couleur de l’eau (Philippe Rey) tandis que le Femina Essai a récompensé Emmanuelle Loyer pour sa biographie de Claude Levi-Strauss (Flammarion).
AFP/A.P