En seulement trois ans, le «City Open Air Cinema with Orange», lancé par la Cinémathèque, est devenu un rendez-vous populaire, car brassant large avec ses films de tout genre et «transgénérationnels». Il revient du 24 juillet au 15 août dans la capitale.
Que cela soit dans l’écrin «cosy» du parvis devant le Palais grand-ducal ou dans l’intimité de la cour des Capucins,et même sous la pluie, le public est toujours motivé à se faire une toile sous les étoiles. Et au vu des quinze films au programme dès la semaine prochaine, la tendance ne risque pas de s’inverser.
Gérer une cinémathèque et la rendre un brin glamour n’a vraiment rien d’une sinécure. « Il y a des clichés persistants, pointant du doigt un certain élitisme , explique Claude Bertemes, directeur de celle de Luxembourg. En gros, on ne diffuserait que de vieux films en noir et blanc .» Ainsi, pour combattre cette vision sommaire et susciter l’attrait du public – qui, reconnaissons-le, a plus tendance à aller vers le film simpliste, genre «pop-corn, 3D et boum, t’es mort» que celui d’auteur (ou simplement intelligent) – il convient de trouver « diverses pistes d’attaque pour maintenir en vie et raviver la cinéphilie ».
Une illustre mission qui passe donc par des chemins de traverse, à l’instar de ces séances en plein air (au même titre que d’autres projets intra-muros) qui, depuis trois ans maintenant, ont su trouver le ton juste, réunissant sous la même bannière Marilyn Monroe et Louis de Funès, Orson Welles et Robert Zemeckis, et mixant furieusement les genres (thriller, comédie, romance, blockbuster…) sans que personne n’y trouve à redire. « C’est sûr, on tient quelque chose, même s’il est difficile à définir. » (Rire)
Après une brève réflexion, le conservateur y parvient tout de même : « Le cinéma d’aujourd’hui se caractérise par une fragmentation des marchés et une politique de ciblage précis. Du coup, le public est morcelé, et apparaît alors comme un millefeuille. » Le City Open Air Cinema with Orange serait donc le contraire de cette tendance, à savoir un « grand rassemblement » populaire, une sorte de « communion sociale qui transcende les âges, les langues, les couches sociales »…
Oui, le cinéma en plein air a ce petit quelque chose d’universel, autour d’une métaphore qui dirait que casser les murs de la salle revient à casser ceux dans la tête… « C’est sûr que ce genre de manifestation rassemble, et pas que forcément des gens mordus de cinéma », poursuit-il. Pour lui, tout comme pour Nicole Dahlen, coordinatrice du projet, le succès du rendez-vous, outre, donc, son charme familial et « transgénérationnel », tient aussi à l’écrin « cosy » du parvis devant le Palais grand-ducal. « C’est comme un cocooning à ciel ouvert! », lâche-t-elle. Claude Bertemes enchaîne : « C’est vrai que le public est comme dans une sorte d’écrin », installé devant cet imposant écran (de 14 sur 8 mètres), et « contenu » dans cette étroite rue.
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« Un jour, on m’a dit que c’était un mini-Locarno» , l’un des festivals les plus réputés au monde, notamment pour ses projections en plein air Piazza Grande. « C’est le plus beau compliment que l’on m’a fait .» Et les retours positifs du public sont légion, même si les va-et-vient, avec les nombreux cafés en retrait, peuvent parfois gêner les spectateurs les plus attentifs, et que les 500 places assises suffisent rarement. Mais « ça fait aussi parti du charme ». Au point que même par temps de pluie, comme l’année dernière, grâce au «survival kit» (composé d’une pèlerine et d’un coussin antihumidité), personne ne lâche son siège. « En 2014, durant Breakfast at Tiffany’s , les gens étaient heureux sous cette protection, et la place était remplie », soutient-il. « Et le film dure deux heures! », lâche Nicole Dahlen. Parlons films, donc.
Cette année, de grands classiques ( Gentlemen Prefer Blondes , Vertigo ) côtoient d’autres films plus contemporains ( Guardians of the Galaxy , Cinderella ) et cultes ( Back to the Future , The Big Lebowski ), s’étalant sur sept décennies. Si le directeur de la Cinémathèque conseille Vertigo – « un Hitchcock au suspense énorme réalisé avec des moyens subtils », et, selon lui, simplement « le meilleur film de tous les temps », le coup de cœur de la coordinatrice de cet open air se tourne vers The Third Man dans sa version restaurée, « présenté à Cannes » en mai dernier à l’occasion du 100 e anniversaire d’Orson Welles, et To Be or Not To Be , « une extraordinaire satire sur le III e Reich ».
Mais l’évènement attendu sera sûrement The Rocky Horror Picture Show , dans une version « participative ». « C’est le père du film culte, le premier grand phénomène qui a développé ce concept .» Ainsi, le public aura le droit à un «fan-bag», au contenu encore secret, ou presque. « Il y aura un manuel pour anticiper les moments forts du film. On ne veut pas forcer le public à participer, mais lui donner toutes les clés pour qu’il puisse s’amuser .» Ça sera bien la première fois que l’on entendra un public au Luxembourg crier d’une même voix : « Touch-a touch-a touch-a touch me/I wanna be dirty! » Avec ou sans porte-jarretelles, on en salive d’avance…
Grégory Cimatti
Le programme
Parvis devant le Palais grand-ducal
24 juillet Gentlemen Prefer Blondes, de Howard Hawks (1953)
25 juillet The Rocky Horror Picture Show, de Jim Sharman (1975) Projection participative avec distribution de «fan-bags»
26 juillet Vertigo d’Alfred Hitchcock (1958)
27 juillet Guardians of the Galaxy, de James Gunn (2014)
28 juillet The Third Man, de Carol Reed (1949). Nouvelle copie restaurée à l’occasion du 100 e anniversaire d’Orson Welles
29 juillet Le Gendarme de Saint-Tropez, de Jean Girault (1964)
30 juillet Cinderella, de Kenneth Branagh (2015)
31 juillet Back to the Future, de Robert Zemeckis (1985)
1 er août Indiana Jones and the Raiders of the Lost Ark, de Steven Spielberg (1980).
Cour des Capucins
6 août Terminator, de James Cameron (1984)
7 août To Be or Not to Be, d’Ernst Lubitsch (1942)
8 août The Big Lebowski, de Joel & Ethan Coen (1998)
13 août Taxi Driver, de Martin Scorsese (1976)
14 août Les Demoiselles de Rochefort, de Jacques Demy & Agnès Varda (1967)
15 août The Hitchhiker’s Guide to the Galaxy, de Garth Jennings (2005)
Les séances débutent vers 21 h 30 (au coucher du soleil).
Tous les films sont en VO st. fr., sauf Le Gendarme de Saint-Tropez (VO française) et Les Demoiselles de Rochefort (VO st. ang.)