Encore assez peu répandue il y a quelques années, la musique country ne compte maintenant plus ses adeptes au Kenya, portée notamment par les danses, comme en témoignait le succès d’un premier festival dédié au genre cet été.
La fête a lieu au Kenya, mais l’ambiance semble tout droit venue du sud de l’Amérique : une mer de chapeaux de cow-boy et de bottes hautes sur une bande-son d’histoires gorgées de whisky, de chagrins d’amour et de bons vieux copains.
Le pays d’Afrique de l’Est est devenu le foyer improbable d’une scène country en plein essor, probablement la plus importante du continent, comme en témoignaient les milliers de personnes qui ont dansé dans un champ de Nairobi à l’occasion de la journée internationale des Cow-boys et Cow-girls, habituellement célébrée à la fin du mois de juillet… et pas seulement aux États-Unis.
Le public du festival s’est déchaîné pour le roi de la scène country locale, «Sir Elvis» Otieno, qui, avec sa voix de baryton grave, a entonné des classiques comme celui de John Denver Take Me Home, Country Roads, mêlés à des tubes plus récents comme Down to the Honkytonk, de Jake Owen.
Les parents de Sir Elvis lui ont donné le prénom d’un autre roi de la musique décédé quelques mois avant sa naissance en 1977, et l’ont ensuite élevé au son de légendes de la country comme Jim Reeves et Alan Jackson. «À mes débuts, c’était un genre musical très peu répandu» au Kenya, a confié ce pionnier kényan du genre, lors du festival. «C’est un rêve devenu réalité de voir un public comme celui-là aujourd’hui.»
Il existe des liens, a-t-il expliqué, avec les traditions locales, notamment la musique narrative de la tribu Kikuyu, connue sous le nom de Mugithi. «La musique folklorique kikuyu utilise le même type de langage, elles s’inspirent beaucoup l’une de l’autre», a déclaré Elvis. «C’est vraiment fou – même à des milliers de kilomètres de distance, le message est le même.»
Anne Anene, 26 ans, se souvient encore de la chanson qui l’a convertie à la musique country : Do I Ever Cross Your Mind?, de Dolly Parton. «Ses chansons me parlent toujours, car elles véhiculent des messages profonds et racontent généralement ce que je suis en train de vivre», explique cette conseillère clientèle pour une compagnie d’assurance maladie.
«J’ai toujours rêvé d’aller au Texas ou à Nashville un jour», confie-t-elle. «J’aimerais visiter les ranchs, j’aime l’équitation, j’aime la vie de ranch – le calme, la sérénité.» Le festival offrait, à sa mesure, un petit goût de l’Ouest sauvage américain, avec, outre la musique, des rodéos sur taureaux mécaniques et des jeux sur le thème des cow-boys.
Les vêtements sont également un élément important de l’attrait du festival. L’évènement avait d’ailleurs été imaginé par Reja Manyeki, qui dirige une entreprise de vêtements et d’évènements appelée Cowboys and Cowgirls.
Son entreprise a connu un démarrage timide lorsqu’il a ouvert en 2018, mais «maintenant, les gens adorent la musique country. Elle touche tous les niveaux» de la société, dit-il. «Nous organisons des évènements sur le thème des cow-boys, des anniversaires, des mariages, des fêtes de fin d’année (… ) Maintenant, tout le monde y vient, même les écoles.»
Les grandes communautés agricoles et chrétiennes font également du Kenya un terreau fertile pour la musique country et gospel. Le premier à se produire sur scène au festival a été Samson Maombe, qui a cumulé des millions d’écoutes grâce à ses interprétations en swahili de chansons country chrétiennes.
Mais pour l’acteur et chanteur «King George» Gustavo, présentateur principal du festival, ce sont les récits de la vie quotidienne qui le captivent et lui font écouter Alan Jackson «tous les jours». «Les paroles (de ses chansons) parlent de la vie, de l’amour, de la haine, du pardon, de la tromperie, de l’alcool…», raconte-t-il. «On s’y identifie, et puis, évidemment, il y a un peu de danse.»
Pour Anne Anene, la fan de Dolly Parton, la musique country est aussi un échappatoire. «Dans ce monde confus, rempli de drames, la country est la seule chose qui a du sens pour moi. Elle m’a permis de trouver la paix.»
Chapeau de cow-boy sur la tête laissant pendre ses longues tresses, Leila Awuor, membre de l’équipe organisatrice, a expliqué à la chaîne d’information américaine CNN que le festival «a un fort potentiel pour ouvrir l’art et la culture à une plus grande plateforme et avec un élan significatif». Elle a ajouté que l’évènement pourrait bien devenir un rendez-vous régulier du calendrier culturel de Nairobi.