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Le gin fait un retour en force au Royaume-Uni


Avant, on avait le gin tonic siroté par les grands-parents. Aujourd'hui, les plus grands barmen d'Angleterre s'amusent avec cet alcool bon marché. (photo AFP)

Comme au début du XVIIIe siècle, le Royaume-Uni retrouve le goût pour le gin. Des centaines de nouvelles variétés sont ainsi apparues sur le marché.

Alcool typiquement british, le gin vit une renaissance à Londres, où distilleries et bars entièrement dévoués à sa cause tentent de dépoussiérer l’image parfois vieillotte de la boisson du soir préférée de la reine Elizabeth II. « Le gin est le produit du moment, c’est une vraie résurrection. On est passé du gin tonic que sirotent vos grands-parents à une boisson qui mobilise les meilleurs barmen », souligne ainsi William Borrell.

Chaque mardi soir, ce dernier anime un «Gin Club» au Ladies and Gentlemen à Kentish Town, dans le nord de la capitale. Dans ces anciennes toilettes publiques converties en bar branché, on peut venir confectionner son propre gin, en ajoutant les herbes et les épices de son choix aux baies de genévrier qui donnent sa saveur si caractéristique à la boisson. Le temps de siroter un ou deux cocktails, il est prêt.

« On a du mal à satisfaire la demande », souffle William, qui produit lui-même douze bouteilles par jour de sa propre cuvée : le Highwayman Gin, en hommage au Français Claude Duval, un gentleman-cambrioleur de grand chemin qui s’est rendu célèbre au XVII e siècle en volant la bourse de ces messieurs londoniens et le cœur de leurs femmes.

En Écosse, le gin menace le whisky

Des centaines de nouvelles variétés de gin sont ainsi apparues sur le marché récemment. « Depuis 300 ans que la boisson existe, on n’a jamais eu un choix aussi important de gins », souligne Olivia Williams, qui a conceptualisé le terme de «ginaissance» dans son livre Gin, Glorious Gin . Alors que les ventes de «premium gin» ont bondi de 49 % ces deux dernières années, selon le cabinet de consultants CGA, certains évoquent même un deuxième «Gin Craze» (folie du gin), du nom de la célèbre période du début du

XVIII e siècle, où le Royaume-Uni est devenu complètement fou de gin. À l’époque, la décision de Guillaume III d’Orange-Nassau, roi d’Angleterre, d’encourager la production de gin pour concurrencer le cognac français avait dépassé toutes les attentes, entraînant une cuite géante sur plusieurs décennies.

Facile à produire, le gin a tellement plu à la classe ouvrière que le gouvernement a dû voter plusieurs lois pour mettre fin aux scènes de beuveries et de débauche. « Le pays a connu une crise de « binge drinking » qui a duré près de 60 ans, avant que le gouvernement ne siffle la fin de la partie », rappelle Olivia Williams. Si on n’en est pas là aujourd’hui, l’indéniable bonne santé du gin se vérifie à travers tout le Royaume-Uni.

Dans les berceaux historiques de Londres et de Plymouth, évidemment. Mais aussi en Écosse, qui produit pas moins de 70 % de toute la production britannique et où le gin serait, selon certains spécialistes, en train de détrôner le whisky au rang de boisson nationale. À Londres, c’est le distillateur Sipsmiths qui a donné le coup d’envoi en ouvrant, en 2009, le premier alambic en cuivre en près de 200 ans dans la capitale.

Depuis, ils sont plusieurs à avoir suivi son sillage. Jonathan Clark a ouvert en 2012 la City of London Distillery, où on peut siroter un cocktail en admirant «Clarissa» et «Jennifer», deux grands alambics de fabrication allemande. « Les gens sont devenus très curieux. Ils veulent savoir ce qu’il y a dans leur verre. Avant, on se contentait d’un gin tonic avec une tranche de citron moisi et deux glaçons. Aujourd’hui, avec l’explosion du gin, on en veut davantage », souligne Alfie Amayo, un représentant de la City of London Distillery.

« Ça fait trois ans que je viens et j’adore », commente un client, Mark Butler, 50 ans, qui a commencé à s’intéresser à « la tradition du gin britannique » et possède 20 variétés différentes de gin chez lui. Selon la société d’analyse des marchés Nielsen, le marché du gin pèse aujourd’hui 345 millions de livres (480 millions d’euros) au Royaume-Uni et la tendance est à une augmentation de ce chiffre dans les années à venir.

AFP