Accueil | Culture | Le génie de Chilly Gonzales à la Philharmonie

Le génie de Chilly Gonzales à la Philharmonie


Chilly Gonzales est une sorte de pédagogue un peu barré, professeur au faciès improbable que l'on aimerait tous avoir eu sur les bancs d'école. (Photo Alfonso Salgueiro)

Il était passé par la Rockhal fin 2012 et, selon sa propre confession, était tombé au hasard d’un détour par le Kirchberg sur la Philharmonie : «J’ai dit ‘je veux jouer là, je veux jouer là’, comme un garçon de cinq ans !» Trois ans plus tard, le caprice de Chilly Gonzales s’est réalisé.

Samedi soir, dans une salle pleine comme un œuf, l’insatiable Canadien, accompagné du Kaiser Quartett (avec lequel il a enregistré son dernier album, le très réussi Chambers), était derrière son piano, robe de chambre et chaussons aux pieds, étrange alliage entre virtuosité et dérision, celui en somme d’un véritable performeur qui peut se vanter d’avoir donné un concert de 27 heures – un record inscrit au Guinness Book.

Là, il a appliqué son talent pianistique à une impressionnante palette de genres : musique classique bien sûr, mais aussi jazz, rock et même (surtout) hip-hop. Une sorte de pédagogue un peu barré, professeur au faciès improbable que l’on aimerait tous avoir eu sur les bancs d’école. C’est dans ces habits que l’homme a déroulé un véritable cours, décortiquant les genres et traversant les époques, selon une philosophie qu’il a rappelée devant un public amusé : «J’ai beau être entouré d’un quatuor à cordes, je suis un homme de mon temps.»

Ainsi, avec ses musiciens et l’appui discret d’un batteur, il a mélangé allègrement les Beatles et Schönberg, rappelé tout le talent de Giorgio Moroder (à travers son célèbre morceau issu de la BO de Midnight Express), expliqué pourquoi l’électronique prenait de plus en plus de place dans les sonorités modernes – demandant même à son quartet d’illustrer ses propos à travers un morceau techno bluffant, devenant pour le coup le «sampler le plus cher du monde»…

Tout un programme, appuyé par des blagues en trois langues (anglais, français et allemand), de petits moments de pause et de grands de musique. Sous le charme de cet étonnant mix electro-rap-pop-classique, la Philharmonie, pliée de rire, s’est même laissée aller à la chansonnette. Comme quoi, le décloisonnement des genres s’applique aussi bien à la musique qu’à un certain public, jugé, à tort ou à raison, sérieux. Deux rappels et trois standing ovations plus tard, tous les clichés et les distinctions étaient enterrés. Chilly Gonzales, dans un dernier pied de nez en rap, s’est autoproclamé «génie». On aurait presque envie de lui donner raison.

Grégory Cimatti