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Laurent Ponsot, vigneron et «agent» du FBI


Laurent Ponsot. (photo AFP)

En 2008, ce viticulteur de Bourgogne est parti en croisade contre les faux grands crus. Dans ce qui reste la plus grande escroquerie de l’histoire du vin, il a même collaboré avec le FBI. Un livre s’en veut témoin.

Je ne pouvais pas le supporter»… En 2008, Laurent Ponsot, un vigneron bourguignon, découvre qu’un escroc fait des millions en vendant de faux grands crus. Commence alors une traque planétaire digne d’Hollywood, le viticulteur détective rejoignant même… le FBI ! «Eh bien voilà, tout a commencé le 23 avril 2008 à 6 h du matin…» : au tribunal de New York, le 12 décembre 2013, Laurent Ponsot entame ainsi un témoignage qui va faire plonger Rudy Kurniawan, le plus grand faussaire du vin jamais arrêté.

Ce jour de 2008, le vigneron lisait le mail d’un vieil ami américain. «Depuis quand produis-tu du Clos Saint-Denis ?», demandait l’amateur de grands bourgognes, prêt à débourser des dizaines de milliers de dollars pour ce fameux grand cru proposé aux enchères à New York, dans les millésimes 1945, 1949, 1959… Mais Laurent Ponsot lui répond : «Nous n’en produisons que depuis 1982.»

«Dr Conti»

Le vigneron de Morey-Saint-Denis (Côte-d’Or), prestigieuse adresse de Bourgogne, s’envole alors pour New York et décroche un déjeuner avec le vendeur : Rudy Kurniawan, un «golden boy» chinois, malaisien, indonésien…. On ne sait pas trop. Soi-disant issu d’une riche famille, le trentenaire est invité par le Tout-New York, auréolé de son surnom de «Dr Conti», en référence à sa passion pour les romanée-conti, les bourgognes les plus chers au monde que, pourtant, il «débouchait comme des bouteilles de soda», se souvient Laurent Ponsot.

Confronté, Rudy Kurniawan donne deux numéros de téléphone : ceux des personnes qui lui auraient cédé les bouteilles controversées, dit-il. Mais l’un est un fax et l’autre le service client d’une compagnie aérienne. Laurent Ponsot décide alors de mener l’enquête. Car, pour cet homme du vin, né «au-dessus d’une cave» il y a 69 ans, «c’était viscéral». «C’était impossible : ce mec souillait l’esprit du vin. Je suis parti en croisade», se souvient le vigneron à l’allure de «gentleman farmer», cheveux gris mi-longs tombant sur un élégant veston.

De planques en «filoches» (pour filatures) comme il dit en reprenant le langage du détective qu’il est devenu, Laurent Ponsot remonte le fil de New York jusqu’à Singapour, Hong Kong, puis l’Indonésie. Le soi-disant Rudy est en réalité Zhen Wang Huang, fils de modestes épiciers chinois d’un village de Malaisie, parti étudier en Indonésie avant de vivre illégalement aux États-Unis. Petit à petit, ses grandes connaissances œnologiques l’avaient fait rentrer dans le cercle des plus grands amateurs.

Une «cave magique»

Comme il le raconte dans un livre intitulé FBI : fausses bouteilles investigation (Michel Lafon), Laurent Ponsot surveille l’appartement californien du faussaire, suit toutes ses allées et venues. Il retrouve alors les fournisseurs où l’escroc achète bouchons, cire, étiquettes… «J’avais bien affaire à un as de la dissimulation», se souvient-il. Mais le vigneron n’a pas le pouvoir de perquisitionner. Il est bloqué. Jusqu’en 2009 en tout cas. Laurent Ponsot est alors contacté par le FBI : lui aussi enquête sur le faussaire et découvre que le Bourguignon est déjà sur ses traces. Le Bureau lui demande donc de partager ses découvertes.

Le 8 mars 2012, le FBI pénètre dans l’appartement du contrefacteur. Dans une sorte de «cave magique», dit-il, s’entassent des centaines de bouteilles, des milliers d’étiquettes falsifiées et de multiples recettes, comme celle, par exemple, pour fabriquer un Château Mouton Rothschild 1945 : «Une demi-bouteille de Pichon Longueville 1988, un quart de bordeaux oxydé et un quart de vin californien». «On n’avait jamais vu autant de bouteilles falsifiées. Il devait y en avoir 20 000, dont 500 de mon domaine».

Après un procès, fin 2013, l’Indonésien est condamné à dix ans de prison et à payer 28,5 millions de dollars aux vignerons lésés. Laurent Ponsot est, quant à lui, fait «agent honoraire du FBI». Rudy Kurniawan est sorti de prison en 2020. Mais, «dix jours après sa libération, j’ai su qu’il était au bar du Mandarin Oriental à Singapour», très célèbre hôtel de luxe, dit Laurent Ponsot, pour qui il «reste à l’affût». En effet, l’Indonésien «posséderait encore des millions à Hong Kong», accuse-t-il. «Il se remet en selle.» La traque n’est apparemment pas finie.

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