Elle fait indéniablement partie de cette nouvelle génération d’humoristes à l’humour indéniablement piquant et portant un regard corrosif sur nos sociétés. Du succès de ses vidéos sur le web à celui de son premier spectacle « En grand », Laura Calu est une artiste et une mère sur tous les fronts. Elle est actuellement en tournée. Confidences.
Pourquoi avez-vous appelé ce nouveau spectacle «En Grand» ?
Il y a beaucoup de raisons. Tout d’abord, parce que je suis grande et comme vous pouvez le constater, je fais 1m80. Je savais aussi que sur mon premier spectacle, j’aurais dans le public beaucoup de monde me suivant sur les réseaux et sur un écran de téléphone, on est en petit et surtout, pas complètement soi-même, on se censure. J’assume davantage sur scène celle que je suis.
Comment avez-vous appréhendé ce retour sur scène ?
C’était encore plus galère que d’habitude car je suis remontée sur scène moins de quatre mois après la naissance de mon fils. Deux ans sans pouvoir jouer, sans savoir si on allait pouvoir remonter sur scène ou pas, c’était compliqué. En plus, je suis tombée enceinte en même temps, mais attention, je le voulais. (rires) Mais du coup, j’ai énormément appréhendé le retour sur scène.
En devenant maman, mon corps m’a lâché, j’ai perdu tous mes muscles. Je dois tout retonifier, le périnée en premier. (rires) Plus sérieusement, c’est aussi un exercice que d’arrêter de penser à mon fils pour me reconcentrer sur mon spectacle et aller de nouveau aller attraper le public.
Votre retour sur scène a en effet été assez rapide. Avez-vous pensé à le décaler ?
Je l’ai au contraire avancé car j’en avais vraiment besoin. J’ai toujours voulu être mère et c’était très important pour moi. Les confinements ont fait le moment. Avant, je me disais que j’allais écrire un spectacle, le jouer, que cela allait durer trois ans puis que j’allais faire un enfant.
La Covid et tout ce que cela a engendré a tout bousculé. La scène me manquait énormément car deux ans sans jouer, c’est long. Je voulais aussi que mon fils ait une mère épanouie.
Que retrouve t-ton dans ce nouveau spectacle ?
On retrouve mes personnages que les gens connaissent via les réseaux sociaux, mon éternelle tendance à pousser des coups de gueule sur la condition des femmes, les stéréotypes, les dictats autour de la beauté. Je parle aussi de confiance en soi. Il y a également de l’émotion car celles et ceux qui me connaissent savent que j’aime faire rire mais aussi aller toucher les gens en plein cœur.
C’est donc un spectacle dans lequel les gens rient je l’espère mais pleurent aussi. Je suis très émotive et vue ma couleur de cheveux, j’essaie de ne pas trop pleurer et m’éviter un procès pour plagiat de la part de Mylène Farmer. (rires)
Comment sont nés vos personnages, notamment votre inénarrable cagole ?
Elle est arrivée naturellement car je suis une cagole, je suis du Sud et je pense que si j’étais restée dans le sud, j’en aurais été une. Les gens pensent que quand on parodie un personnage, on s’en moque alors que pour moi, les cagoles sont les femmes qui ont le plus confiance en elle. Quand je joue Mélanie, je joue ce que j’aimerais avoir d’elle, c’est-à-dire une confiance en soi à l’extrême. Elle ose tout dire, elle dit tout ce qu’elle veut et sur scène, elle me permet d’oser beaucoup de choses que je ne pourrais jamais faire moi-même. C’est le personnage qui me permet de me désinhiber.
Vous parlez de confiance en soi et vous faites des vidéos, vous écrivez des spectacles, vous montez sur scène… Vous vous faites violence ?
Je suis une grande timide. J’ai toujours été renfermée, et cela certainement car j’étais trop grande à l’école et que j’avais honte que l’on me voit. La scène m’a véritablement sauvée. La scène m’a véritablement sauvée car je m’y sens à ma place, et c’est un endroit où je me sens bien dans ce monde si cruel. C’est vraiment le seul endroit au monde où j’accepte que l’on me regarde vraiment.
Est-ce que la scène et la maternité vous ont profondément rassurée ?
C’est vraiment intéressant comme question car quand j’ai accouché, avec toute l’appréhension que j’avais, la douleur et tout ce que l’on m’avait dit, j’ai ressenti beaucoup de confiance en moi. De réussir à faire cela, à le faire bien et à mettre au monde cet être humain que je trouve évidemment magnifique, cela m’a donné beaucoup de force aussi.
Cela peut surprendre mais j’ai trouvé pas mal de similitudes entre la scène et un accouchement. Mon premier spectacle déjà, j’en parlais comme d’un enfant, je le chérissais, j’avais envie de le faire grandir et en plus, on l’avait créé avec mon mari. J’ai deux bébés : mon fils et mon spectacle.
Faire un enfant avec son mari est logique mais c’est moins courant d’écrire aussi ses spectacles avec lui. Est-ce que cela vous a aussi donné des liens plus forts et particuliers ?
Non, on ne peut plus s’encadrer. (rires) En fait, nous sommes tellement soudés de base. Arthur (Chevalier) et moi sommes vraiment des âmes-sœurs. Cela a toujours été une évidence entre nous.
Vous parlez dans vos vidéos et votre spectacle du concours de Miss France. Qu’est-ce-qui vous agace ?
Je le déteste. Pour moi, ce genre de concours devrait s’arrêter partout dans le monde. La notion de concours à la base me dégoûte. On retrouve cela partout, dès l’éducation nationale d’ailleurs, et cela m’a fait beaucoup de mal dans ma vie d’être la meilleure, de devoir l’être. Cela m’a fait passer à côté de plein de choses dans ma vie.
J’aurais pu profiter et prendre les choses avec plus de légèreté et de plaisir. OrelSan a cette phrase très juste : «On t’apprendra toujours à être le meilleur, jamais à être heureux». Je trouve donc aberrant qu’en 2022 on juge encore les femmes sur un critère physique, et tout en nous faisant croire depuis quelques temps, que c’est féministe. Cela m’a donc inspiré un sketch de mon spectacle.
Ceci dit, on peut comprendre que le féminisme est le fait que ces femmes sont libres de participer à ce concours ou non, et que c’est aussi le choix de chacune.
On ne les force pas mais à partir du moment où quand on allume la télé, quand on ouvre un magazine, on voit des nanas en taille 36, cela nous impose à toutes un standard de beauté. Même sans s’en rendre compte, nous sommes forcées de répondre à ces normes, moi la première. Pour parler franchement, je suis maquillée là aussi car je n’assume pas les boutons de ma crise hormonale et si j’allais au bout de mon raisonnement, je n’en aurais rien à faire.
Je dis donc que l’on doit malheureusement faire avec des dictats, mais de là à nous l’imposer dans un concours sur TF1, non. Quand j’étais ado, cela me faisait souffrir de voir ces filles en maillots. Je me marrais parfois en trouvant l’une jolie et l’autre moins, on rentre dans un truc assez malsain et je pense à ces ados aujourd’hui qui se retrouvent toujours confrontées à ça.
Et cela n’est pas l’apanage de la gent féminine car les hommes aussi sont confrontés à ce culte du corps parfait, dans les magazines, sur les réseaux sociaux…
Oui tout à fait. Et j’en parle aussi dans mon spectacle.
Est-ce que les nombreuses vidéos que vous avez faites pendant les confinements ont été un exutoire ?
Clairement. J’étais enfermée dans un appart avec mon mec donc il fallait bien que l’on s’occupe pour ne pas clairement péter les plombs. De plus, j’ai dû annuler toute ma tournée des Palais des Congrès que j’attendais avec une impatience sans nom, avec plus de cent dates de rodage, sept ans de vidéos sur le web…
Tout s’est arrêté d’un coup, et soit je faisais une dépression nerveuse, soit je transformais la négativité de la chose en positivité. On a bien fait de faire ces vidéos car cela m’a ramené encore plus de monde. Les gens me remercient, dans la rue aussi, et c’est vraiment gratifiant d’avoir ces retours.
Il y a une nouvelle génération d’humoristes femmes et je pense notamment à Marina Cars, Laura Domenge… Comment vivez-vous cette émulsion ?
Cela me fait plaisir que vous les citez déjà car ce sont des copines. Je trouve ça super car mine de rien, avec tout ce qu’Internet apporte de mal à l’être humain, il permet aussi aux femmes notamment de sortir du lot. Avant, il y avait moins de places pour les humoristes féminines. Internet nous permet de nous révéler sans attendre un producteur, une émission télé…
On est ensuite programmées dans des théâtres car on a notre public. Il y a aussi un autre point qui me rassure, c’est le principe de l’offre et de la demande : nous existons car il y a aussi une appétence du public pour les humoristes femmes et c’est vraiment chouette.
Quels humoristes vous inspirent ?
Cela me fait d’Élie Kakou à Florence Foresti en passant par Alex Lutz en passant par Benoît Poelvoorde, les Nuls, les Robins des Bois et je pense notamment à Maurice Barthélémy qui me fait mourir de rire. Je n’ai jamais eu qu’une seule personne qui m’ait inspirée. Depuis toute petite, je regarde tout.
Je connais par cœur les spectacles de Franck Dubosc, les petites annonces d’Élie Kakou et il y a également Alain Chabat qui ne serait-ce qu’en parlant, me fait rigoler.
Est-ce que pour des femmes telles que Sylvie Joly, Jacqueline Maillan et plus récemment Muriel Robin, sont des modèles pour la nouvelle génération d’humoristes dont nous parlons ?
Cette question est compliquée. Quand je vois leurs sketchs, je suis admirative bien sûr mais à bien y réfléchir, une humoriste telle que Sylvie Joly, me met la pression. Elle avait un talent monstrueux et je n’arrive pas encore à me dire que nous sommes une génération d’après.
Vous évoquez le fait que vos vidéos sur Internet ont apporté plus de public dans les salles. Est-ce que c’est aussi le cas de votre participation à «Scènes de ménage» sur M6 ?
Non, et c’est d’autant plus le cas que cela a été diffusé en plein confinement. J’ai du mal à me dire que des gens m’ayant vu dans un second rôle à la télé, avec un accent du sud, vont ensuite venir me voir en spectacle.
En préparant cette interview, j’ai été surpris de voir dans plusieurs articles «Laura de Scènes de ménage». Est-ce que cela vous interpelle aussi ?
C’est très énervant en fait. Cela fait des années et des années que je fais des vidéos, que je bosse comme une dingue, sans rien gagner du tout car j’ai des convictions par rapport aux pubs… Et on me rattache à «Scènes de ménage», c’est sympa, c’était une chouette expérience mais me résumer à cela, cela me fait rire mais cela me montre aussi qu’il y a de bons journalistes et moins bons.
Quels sont vos projets et vos envies ?
Je vais encore jouer ce spectacle car avec les confinements, je n’ai pas pu l’emmener là où je voulais. J’aimerais faire quatre ou cinq belles salles, tel qu’un Casino de Paris par exemple. Ce premier spectacle représente beaucoup pour moi et il m’a réellement donné confiance en moi. Je parle aussi du deuxième spectacle avec mon metteur en scène, et mari, et j’ai donc envie d’aller encore plus loin. Je vais encore moins me censurer car je n’ai plus la déformation du web. Quand les gens viennent voir un spectacle, ils ont conscience que c’est un spectacle.
Que pourra-t-on retrouver dans le prochain spectacle ?
Tout ce qui m’énerve et c’est très large. Il y a les réseaux sociaux, la façon dont le Covid nous a déterminés, de la déformation des gens par rapport aux influenceurs et ce culte de la perfection, du paraître, du faux, du fake, du prémâché, de la façon dont on prend le peuple pour des idiots… J’ai déjà pas mal commencé à écrire et cela me fait du bien.