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L’artiste Lauren McCarthy, « follower » en chair et en os, débarque au Luxembourg


À l'aide d'applications et de performances, Lauren McCarthy interroge notre foi aveugle en la technique et la folie ordinaire des réseaux sociaux. (photos Lauren McCarthy)

L’artiste américaine Lauren McCarthy brouille la frontière entre numérique et réalité. Par le biais d’une application, elle se transforme en «follower» en chair et en os, et va suivre la piste, au Luxembourg, de cinq volontaires.

Déjà en 2016, les «fantômes» de Paolo Cirio s’étalaient anonymement sur les murs de la capitale. Étonnante idée, en effet, de cet artiste «hacker» qui a exfiltré certaines sil-houettes tirées de Google Street View pour en réaliser des répliques taille réelle qu’il colle à l’endroit exact où la voiture Google les a saisies… Une invitation de l’association international Kunstverein, dont l’antenne luxembourgeoise a été créée la même année, qui défend un art «innovant» destiné aux «non-initiés».

Moderne, aussi, car elle soulève – en tout cas pour ses deux premières initiatives – des problématiques liées à un monde numérique «compliqué», de plus en plus vampirisant, attirant dans sa toile des millions d’adeptes aveugles et naïfs, qu’il faut donc avertir : oui, nourrir les réseaux sociaux, ou se perdre dans les limbes binaires, n’est pas sans danger, notamment vis-à-vis de cet équilibre précaire entre sphère publique et sphère privée.

Pour le coup, c’est Lauren McCarthy qui brouille la frontière entre numérique et réalité. Cette dernière s’est infiltrée au cœur d’un contresens bien ancré aux États-Unis, d’où elle vient : celui qui veut que l’on craigne la surveillance généralisée, surtout depuis les révélations de Snowden, tout en acceptant, sur le net, la course folle aux «like» et aux «followers», marques d’appréciation digitales nécessitant de se dévoiler, en tout cas, autant que les autres.

«J’ai apprécié toutes les personnes que j’ai suivies»

Un rapport d’observateur-observé repris par la jeune femme, âgée de 30 ans : «Beaucoup de monde pense être observé, sans savoir par qui ni à quel niveau, dit-elle. À l’inverse existe ce désir d’être vu, suivi, de trouver dans les autres une confirmation de notre importance. J’ai donc voulu faire quelque chose qui poserait question sur cette relation paradoxale que l’on a avec les réseaux sociaux.»

Un peu à la manière d’une Sophie Calle (La Filature, 1981), cette diplômée du MIT (Massachusetts Institute of Technology) fait, elle, dans le moderne avec l’application «Follower». Elle propose aux visiteurs qui le souhaitent d’être suivis pendant une journée par un «follower» en chair et en os, qui les observe de loin dans leurs activités quotidiennes. Et sans rencontre ni dialogue prévus, cet «espion» bienveillant modifie notre comportement : nos gestes évoluent, on prend davantage le temps, on fait plus attention… Bref, on montre une facette plus ouverte de notre personnalité… à l’inconnu.

«Quand on rencontre des gens, on a toujours l’impression de devoir jouer un rôle», commente l’artiste. Elle poursuit : «J’ai vraiment apprécié toutes les personnes que j’ai suivies. Mais je ne sais pas si c’est parce que je leur ai donné de mon temps, mon attention – et qu’à la longue, je commençais à m’attacher à eux – ou parce que ces personnes jouaient la meilleure version d’elles-mêmes en sachant qu’elles étaient suivies.» Après plusieurs expériences à New York et Los Angeles, Lauren McCarthy débarque au Luxembourg dans quelques jours avec l’idée de suivre cinq candidats à l’aide des coordonnées GPS délivrées par leur smartphone. Une réflexion bien vue sur la soif de vie sociale connectée, à travers ce rapport ambigu entre vie privée et désir irrépressible de poster des informations personnelles à longueur de journée.

L’App Store, qui craignait que ce programme puisse servir à harceler son prochain, a d’ailleurs hésité avant de l’inscrire à son catalogue. Mais c’est pourtant le contraire qui se produit avec ce programme : «Un harceleur sur la Toile vous suivra sans que vous l’ayez demandé, tandis que là, c’est vous qui demandez que l’on vous suive», argumente l’artiste. Mieux, grâce au succès de sa démarche, et pour ceux qui désirent passer de l’autre côté du miroir, il est aussi possible de devenir suiveur…

Grégory Cimatti

Comment participer ?

INSCRIPTION
Inscrivez-vous pour être suivi sur www.kunstverein.lu Condition nécessaire : avoir plus de 18 ans et disposer d’un iPhone. Vous recevrez alors un mail contenant un lien vers une application. Installez-la et attendez le jour où vous serez suivi(e).

FILATURE
L’expérience se déroulera du 19 au 23 juin au Luxembourg. Cinq candidats seront retenus, suivis chacun durant une journée. – Vous serez avisé lorsque votre suiveur vous aura trouvé et lorsqu’il aura commencé à vous suivre. – Vous serez suivi entre 9h et 17h. Vous en serez conscient sans pour autant voir qui vous suit. La personne ne vous suivra que dans des lieux publics du périmètre urbain. – Vous serez avisé(e) lorsque vous ne serez plus suivi. Votre suiveur vous laissera une photo en souvenir.

COMPTE RENDU
Le 24 juin, aux Rotondes (11h), une rencontre avec l’artiste et les participants qui partageront leur expérience est prévue.

Un commentaire

  1. Je viens de visiter le site mentioné dans l’article. 100 EUR pour participer? C’est possible?