Le meurtre présumé d’un élu pro-migrant par un sympathisant néonazi constitue un « signal d’alarme » pour toute l’Allemagne, a averti mardi le ministre de l’Intérieur alors que le pays redoute une montée d’un terrorisme d’extrême droite.
« Un attentat d’extrême droite contre un représentant de haut rang de notre pays constitue un signal d’alarme et nous vise tous autant que nous sommes », a déclaré Horst Seehofer lors d’une conférence de presse à Berlin. Ce meurtre marque « une nouvelle dimension » dans les actes commis ces dernières années par des membres de la droite ultra dans le pays et vise « le système démocratique » dans son ensemble, a ajouté le ministre conservateur bavarois avant de parler d’un « danger croissant » venant des extrémistes de droite violents.
Le parquet antiterroriste avait annoncé la veille l’arrestation d’un homme de 45 ans lié à la mouvance néonazie. Il est soupçonné d’avoir abattu début juin à bout portant Walter Lübcke, un élu de Kassel (ouest du pays) membre du parti conservateur d’Angela Merkel. Les procureurs parlent « d’un attentat politique ». La chancelière avait jugé la nouvelle « déprimante ». Le ministre de l’Intérieur a souligné que ce suspect -qui refuse de répondre aux questions de la police- ne s’était plus fait remarquer depuis 2009 par son activisme et avait disparu du coup des radars de la police.
Dans ces conditions, la justice continue d’enquêter « dans toutes les directions ». « Le plus surprenant dans cette histoire est à quel point, à chaque fois, on s’étonne que les extrémistes de droite commettent les délits les plus graves dans le pays », juge pour sa part le quotidien Süddeutsche Zeitung dans un éditorial mardi. Comme si rien ne s’était passé avant : un attentat au couteau contre la maire de Cologne Henriette Reker en 2015, et deux ans plus tard contre le maire d’Altena Andreas Hollstein. Tous deux en réchappent de justesse. Tous deux défendaient une politique d’accueil généreuse des migrants, comme Walter Lübcke. Ou encore les meurtres perpétrés par le groupuscule néonazi allemand NSU, responsable du meurtre d’une dizaine d’immigrés en Allemagne au début des années 2000. L’Allemagne est confrontée à « une nouvelle RAF », une « RAF brune », s’inquiète le journal, en référence au groupe terroriste d’extrême gauche Fraction armée rouge, actif entre 1968 et 1998.
« Une digue fondamentale a sauté «
Plus de 12 700 extrémistes de droite jugés dangereux sont recensés par les autorités. Markus Nierth, ancien maire de Tröglitz, une localité de l’ex-RDA où l’extrême droite politique réalise ses meilleurs scores, fut lui-même menacé dans le passé. Et il dit avoir encore « très peur ». Avec le meurtre de Walter Lübcke, « une digue fondamentale a sauté, des terroristes d’extrême droite ont probablement réalisé ce sont ils rêvaient », a-t-il dit au Berliner Zeitung.
Pour de nombreux responsables politiques, la percée du parti d’extrême droite « Alternative pour l’Allemagne » aux législatives de 2017 et les dérapages verbaux anti-migrants de plusieurs de ses responsables ont libéré certaines inhibitions et contribué à l’augmentation constatée des délits xénophobes ou antisémites. Michael Brand, député conservateur, a fait mardi directement le lien, jugeant que « la haine et les dénigrements de ces dernières années ont rendu possible » le meurtre de Walter Lübcke.
Le chef de l’Etat Frank-Walter Steinmeier a pointé à cet égard le lien entre les commentaires vindicatifs sur internet et la violence. « Quand le langage devient brutal, le délit n’est pas loin », a-t-il réagi, rappelant les nombreux commentaires sur les réseaux sociaux dans lesquels leurs auteurs se réjouissaient de la mort de Walter Lübcke. L’AfD est sortie mardi de son silence pour « condamner au plus haut point toute violence d’extrême droite » et dénoncer ce « meurtre odieux ». Cet assassinat « doit être un tournant » dans la lutte contre les groupes néo-nazis, estime le journal de Berlin TAZ mardi. Plusieurs partis ont réclamé la tenue d’une réunion extraordinaire sur le sujet au Bundestag.
LQ / AFP