Accueil | Culture | [L’album de la semaine] Pale Jay : à la cool sous la cagoule

[L’album de la semaine] Pale Jay : à la cool sous la cagoule


(photo DR)

Cette semaine, Le Quotidien a choisi d’écouter le dernier album de Pale Jay, Low End Love Songs, sorti le 6 septembre sur le label Colemine Records.

Parmi les musiciens qui cachent leurs visages, citons d’abord les plus célèbres d’entre eux : Daft Punk. Aux casques rutilants des stars, d’autres, également masqués, préfèrent des attributs moins étincelants : le déguisement façon Halloween (Slipknot), le vieux drap sale découpé main (Stupeflip), des yeux globuleux (The Residents) ou, plus rare encore, la tête lisse du personnage en bois de la publicité pour le dépoussiérant O’Cedar (Jonathan Bree).

À ces extravagances, censées garantir l’anonymat ou protéger d’une certaine timidité ceux qui les portent, s’ajoute celle de Pale Jay qui, derrière sa cagoule à trous façon Pussy Riot ou Kneeecap (sans le militantisme derrière), s’entoure lui aussi de mystère.

Sur les photos ou dans les clips, où il pose souvent au cœur d’une nature verdoyante (quand il ne fait pas du skate, du bateau ou du vélo), on ne voit d’ailleurs que ça : cet énorme point d’un rouge vif, surmonté d’un bob qu’il ne quitte en aucune circonstance.

Peut-être pour cacher sa peau pâle et se protéger du mordant soleil de Californie, comme le suggèrent son nom et ses origines. Ou, plus sûrement, pour ne pas trop en montrer, lui qui est d’une «nature réservée», comme il le confiait à ColorsxStudios, une plateforme musicale branchée artistes «underground». Il préfère ainsi que sa musique soit au centre de l’attention, argument d’ailleurs partagé par l’énigmatique collectif de Londres, Sault. La référence n’est pas anodine : Pale Jay fait aussi de la soul.

 

Appréciez et faites passer le message !

Si les informations sur ce drôle d’oiseau sont plutôt maigres (il ne communique que sur Instagram), on sait toutefois qu’il a débuté par le jazz avant de signer un premier disque autoproduit en 2021 (The Celestial Suite). Il n’en faudra pas plus pour qu’il n’attire l’attention et tombe dans les filets de Colemine Records, au catalogue fourni qui pose un label de qualité (Thee Sinseers, Monophonics, Durand Jones & The Indications).

Sous cette étiquette, il sortira ensuite Bewilderment (2023), puis en cette rentrée Low End Love Songs, donc. Avec cette appellation (que l’on pourrait traduire par «chansons d’amour bas de gamme»), Pale Jay confirme qu’il est quelqu’un de sobre et de tranquille, à l’image de cet album qui se suffit à lui-même, sans tapage ni fioriture.

Coincé entre Aaron Frazer (qui a sorti Into The Blues en juin) et Kelly Finnigan (qui livre A Lover Was Born dans quinze jours), il n’a pourtant pas à rougir. Ce qui frappe d’abord, et qui domine cette réunion de neuf chansons aussi courtes que délicates (27 minutes d’écoute), c’est sa voix de fausset, limpide, puissante, cristalline, qui ramène à celle D’Angelo. Pour l’appuyer, il n’a alors pas besoin d’en faire trop, bien qu’ici, il laisse de côté ses habituelles boucles sonores pour des orchestrations plus complexes, plus luxuriantes.

Mieux, comme il le reconnaît sur Bandcamp, des influences latines s’invitent dans l’affaire, donnant à sa soul une épaisseur jusque-là jamais atteinte. La somptueuse Quadris De Ouro, aux accents charmeurs de bossanova, en est une convaincante illustration.

Dessus, comme il le précise encore, il déroule une sorte de journal intime qu’il offre comme «un fruit mûr» tout juste tombé de l’arbre. Il y parle, entre autres, de l’importance de passer plus de temps avec ses amis (Spend More Time With Your Friends) ou celle de répandre l’amour (Love Around The World). Des messages et autres questionnements existentiels qui glissent sur une musique légère, quasi atmosphérique, faite de piano, de cordes et de synthétiseurs, comme on peut déjà l’entendre chez Helado Negro ou Khruangbin.

De quoi s’enrouler dans une couette, imaginer que l’été n’est pas si loin que ça et, surtout, arrêter de se poser des questions sur qui est vraiment Pale Jay. Terry Cole, fondateur de Colemine, abonde : «Il vaut mieux laisser certaines questions sans réponse.» Son dernier conseil : «S’assoir, se déconnecter et laisser sa musique vous envelopper. Appréciez et faites passer le message !»

PUBLIER UN COMMENTAIRE

*

Votre adresse email ne sera pas publiée. Vos données sont recueillies conformément à la législation en vigueur sur la Protection des données personnelles. Pour en savoir sur notre politique de protection des données personnelles, cliquez-ici.