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[L’album de la semaine] Aux anges avec The Black Angels !


L’album choisi cette semaine est celui de The Black Angels , Wilderness of Mirrors, sorti le 16 septembre sur le label Partisan Records

Il y a d’abord cette pochette qu’il faut observer longuement, quitte à avoir la tête qui tourne ou des nausées. Une illusion d’optique qui rappelle que l’on est ici dans le psychédélisme pur, celui «made in» Austin (Texas), épicentre du genre aux sons éthérés et à l’humeur haut perchée avec, en tête de gondole, les légendes locales du 13th Floor Elevators. À coup sûr, question référence, The Black Angels n’arrivent pas loin derrière, bien que les temps soient différents et le LSD moins à la mode. Qu’importe ! Depuis presque vingt ans, la bande d’Alex Maas ravive les fantômes des Doors, des MC5 et, bien sûr, du Velvet Underground dont elle s’est inspirée pour se trouver un nom (avec la chanson The Black Angel’s Death Song).

 

Elle n’est toutefois pas la seule à porter l’héritage. Oui, le psyché-rock a le vent en poupe, comme en témoigne l’usage irraisonné de la guitare «fuzz», depuis le début des années 2000, dans le rock et ses dérivés. Sans oublier quelques signatures remarquées comme Tame Impala, MGMT, Pond, Black Rebel Motorcycle Club et King Gizzard and the Lizard Wizard. En mai dernier, c’est Ghost Woman qui a ajouté son nom à la longue liste avec un magnifique premier album aux mélodies hypnotiques. Au milieu de cette mêlée, où se trouvent exactement The Black Angels? Dans une sorte d’entre-deux entre tradition et innovation, avec des productions, au début, aux sons lourds et implacables (hérités du Brian Jonestown Massacre), avant de clairement calmer le jeu.

Bien que les fans du groupe ne jurent que par les atmosphères ténébreuses d’antan – notamment à travers les incontournables Passover (2006) et Directions To See a Ghost (2008) –, le quintette a brillamment réussi sa transition. D’abord avec Death Song (2017), production qui prouve que les mélodies ne doivent jamais être sacrifiées au profit des multiples couches d’effets. Ou comment alors justifier la présence d’une chanson comme Half Believing, superbe et surtout loin des canons habituels. Wilderness of Mirrors confirme cette orientation plus subtile, avec quinze morceaux d’un équilibre parfait, pour un résultat moins monolithique que certaines offres passées.

En équilibre entre deux époques

D’un côté, The Black Angels restent fidèles à ce son qui a fait leur succès : rutilant, puissant, brut, avec ces guitares grasses et ces riffs distordus qui débouchent les oreilles, enrobées d’éléments kaléidoscopiques pour que le trip soit planant. Mais les Américains, jamais à court d’idées et jamais aussi libres, continuent à expérimenter. À preuve, ces élans acoustiques et apaisés, tout comme l’usage du mellotron, de cordes et autres claviers, rendant l’ensemble vivant. Démonstration supplémentaire de cette délicatesse et originalité, le titre Firefly qui lorgne du côté de la pop française des «sixties».

Un sixième album, finalement, en équilibre entre deux époques. D’une part, les basiques et les précurseurs comme Syd Barrett, Roky Erickson, Arthur Lee et, comme toujours, la bande à Lou Reed, tous cités dans le morceau phare de l’album, The River. «La chanson du Velvet, I’ll Be Your Mirror, c’est le sujet de tous nos disques!», rappelle Alex Maas sur le site de Partisan. De l’autre, un regard inquiet sur la «folie généralisée des dernières années», entre la pandémie, les tumultes politiques et la crise écologique. D’où ces réflexions sur l’aliénation, la domination et l’urgence climatique. «Vous ne pouvez pas travailler sur vos luttes à moins de les mettre en avant et d’y réfléchir, poursuit-il. Si nous pouvons tous y penser, peut-être pourrons-nous aider à nous sauver.» Il faudrait alors vite descendre du nuage : ça urge en bas.