Une ode au journalisme d’investigation et aux victimes d’Harvey Weinstein : She Said, mercredi dans les salles, raconte la longue enquête qui a déclenché le mouvement #MeToo.
À l’écran dans She Said, l’actrice et militante féministe Ashley Judd, l’une des premières à avoir dénoncé le harcèlement sexuel que lui avait fait subir Harvey Weinstein, joue son propre rôle : celui d’une actrice qui a refusé les avances sexuelles du producteur et en a payé le prix, avant de se résoudre des années plus tard à parler à visage découvert.
«C’est tellement important d’être dans notre vérité et d’avoir un droit moral sur notre propre histoire que je n’ai pas eu de mal à le faire», a déclaré l’actrice en octobre à New York, avant de rendre hommage à ses «sœurs» – d’autres victimes de Weinstein – qui étaient également présentes à la projection.
Le 5 octobre 2017, quand l’article de Jodi Kantor et Megan Twohey est publié par le New York Times, après des mois de travail, il va provoquer la chute de l’intouchable producteur hollywoodien et la déferlante #MeToo de libération de la parole des femmes sur les violences sexuelles ou le sexisme, bien au-delà du cinéma.
Déjà condamné à 23 ans de prison pour viol et agressions sexuelles en 2020 à New York, l’ex-influent producteur de cinéma est actuellement rejugé à Los Angeles.
Hommage aux journalistes
Mais She Said, signé de l’actrice et cinéaste allemande Maria Schrader et adapté du livre éponyme des deux journalistes couronnées d’un prix Pulitzer, ne se préoccupe guère des répercussions de leur enquête. À la manière des grands films d’enquête du cinéma américain, le film est avant tout un hommage au travail patient et tenace des journalistes d’investigation.
On pense forcément à All the President’s Men (Alan J. Pakula, 1976), sur le scandale du Watergate, ou à Spotlight (Tom McCarthy, 2015), qui avait mis les projecteurs sur l’enquête du Boston Globe sur la pédocriminalité dans l’église catholique.
Près d’un demi-siècle après le duo du Washington Post incarné à l’écran par Robert Redford et Dustin Hoffman, ce sont deux femmes, journalistes aguerries et jeunes mères, qui font trembler les puissants, avec l’aide d’une éditrice dans l’ombre mais cruciale, Rebecca Corbett, et du soutien indéfectible de leur rédacteur en chef, Dean Baquet.
Le duo est incarné par Zoe Kazan, qui joue Jodi Kantor, tandis que le rôle de Megan Twohey est confié à Carey Mulligan, l’héroïne de la comédie noire post-#MeToo Promising Young Woman (Emerald Fennell, 2020).
Duels et persuasion
«L’une des raisons pour lesquelles nous sommes si honorées par ce film, c’est qu’il incarne vraiment nos convictions en matière de journalisme», a expliqué Jodi Kantor à New York. «Nous avons été longtemps journalistes, mais l’affaire Weinstein souligne en quelque sorte tout ce en quoi nous croyons et met des points d’exclamation dessus», a-t-elle ajouté.
Le film fait ressortir la complémentarité des deux personnages : à la première, le travail de persuasion et d’empathie pour faire témoigner les victimes, actrices ou employées de Miramax – la société de production et de distribution des frères Bob et Harvey Weinstein –, à l’autre les duels face aux lieutenants du producteur.
Avec une mise en scène et une écriture sobre, et la musique grave de Nicholas Britell, She Said monte en intensité jusqu’au face-à-face final entre le New York Times et Harvey Weinstein et ses avocats, au moment de la publication de l’article.
Six ans après le début de l’affaire, la réalisatrice, Maria Schrader, «espère que le film relancera à nouveau les discussions» en «posant la même question : « Où en sommes-nous aujourd’hui, et que s’est-il passé durant les cinq dernières années ? »».
She Said, de Maria Schrader. Sortie mercredi.