Grâce au prêt original d’un collectionneur, la Villa Vauban replonge dans la peinture hollandaise du XVIIe siècle à travers ces artistes néerlandais partis trouver l’inspiration en Italie.
L’adage qui dit que «tous les chemins mènent à Rome» est connu. Il se vérifie même cet été à la Villa Vauban à travers un graphisme aux flèches qui se croisent et s’entremêlent de toutes parts. Au bout de ce circuit chaotique, elles finissent toutefois par pointer le plus souvent le même endroit : la capitale italienne.
C’est tout l’objet de cette exposition qui s’attache une nouvelle fois à l’art hollandais du XVIIe siècle – une longue habitude pour le musée – mais qui prend pour l’occasion un chemin de traverse jusqu’alors jamais emprunté : le voyage des peintres néerlandais vers l’Italie, en quête de la douceur de son climat et de la beauté de ses paysages. À en croire encore le schéma, ils sont presque une trentaine à avoir tenté l’aventure. Plus loin, près de 50 tableaux s’en veulent le témoin.
Une terre rêvée pour l’inspiration
L’angle est original, voire inattendu, bien que la péninsule italienne, de par son histoire et la qualité de sa formation, a toujours attiré les artistes européens décidés à parfaire leur technique et à trouver l’inspiration sur cette terre rêvée (et idéalisée). Une perspective permise par le prêt d’un Luxembourgeois, décédé depuis, mais qui, de son vivant, avait exprimé le désir de voir sa collection s’afficher sur les murs de la Villa Vauban, qu’il connaissait bien.
Parmi les quelque 200 toiles qui ornaient sa maison, un quart répond ainsi à son désir et dévoile son obsession pour ces italianisants venus des Pays-Bas. Une marotte extravagante? Pas vraiment si l’on en croit une étude du RKD (un centre de documentation spécialisé en histoire de l’art situé à la Haye) : parmi 2 201 peintres et sculpteurs néerlandais nés entre 1575 et 1675, 283 sont passés par l’Italie. Soit plus d’un dixième.
En quête du paradis perdu
Autant dire que ce rite de passage n’était pas si inhabituel que ça pour l’époque, et pourrait se justifier pour différentes raisons : découvrir sur place les vestiges de l’Antiquité et l’héritage encore frais de la Renaissance, parfaire son apprentissage auprès des maîtres locaux de renom et plus platement, partir à l’aventure et s’offrir un bon bol d’air loin d’un climat peu clément et de situations financières parfois complexes.
Surtout qu’une fois rentrés à la maison (après un séjour parfois long de plusieurs années), ces artistes, boudés par les critiques nationales qui considéraient leurs peintures comme pas assez «néerlandaises», allaient alimenter le marché grâce aux esquisses réalisées in situ, et plaire à un public fan de toiles bucoliques au soleil doré, aux rivières paisibles et aux troupeaux broutant dans la campagne romaine.
Ruines antiques et couleurs chatoyantes
C’est d’ailleurs ce que montre la quasi-totalité des toiles réunies pour cette exposition : la lumière chaude du ciel de Méditerranée, d’énormes étendues de verdure, des ponts, des collines et des bêtes, ainsi que toute une galerie de personnages, locaux (bergers, paysans, pêcheurs…) comme de passage.
Loin des habitudes qui s’observaient aux Pays-Bas, obnubilés par les scènes de guerre, les portraits, les marines et les natures mortes, ces peintres exilés avaient aussi cette particularité d’exagérer souvent le trait, en mélangeant une approche naturaliste rigoureuse avec une vision idyllique, fantasmée même, de leur nouvel environnement. D’où ces ciels purs, ces ruines antiques et ces couleurs chatoyantes, doux rappel au mythe de l’«Arcadie», ce paradis terrestre perdu.
Rituel d’intronisation et surnoms
Le plus direct dans le domaine est Cornelis van Poelenburgh qui, après une résidence de huit ans passée entre Rome et Florence, allait depuis Utrecht raconter «son» Italie en ajoutant à ses toiles des scènes mythologiques et bibliques avec un ange, Abraham, Isaac et Moïse. Au point que le paysage, bien qu’aux traits fins et à l’atmosphère intemporelle, passait en arrière-plan. Dans le même ordre d’idées, Pieter Bodding van Laer emporta avec lui dans la «Botte» les traditions paysannes, très présentes dans la peinture hollandaise et flamande, pour mieux les mettre aux couleurs locales. Il ne fut pas d’ailleurs pas le seul à le faire, entraînant dans son sillage toute une équipe de peintres qui finiront par se trouver un petit nom : les «Bamboccianti», en référence à leur mentor, dit «Le Pantin» pour son apparence débraillée.
C’est l’une des autres caractéristiques du mouvement : la création de communautés, comme la plus célèbre d’entre elles, constituée dès 1620 et en activité un siècle durant : les «Bentvueghels» (soit la «bande d’oiseaux colorés»), appellation qui rappelle que derrière le travail, il faut aussi profiter de la vie. Le groupe, aux 400 adhérents dans sa meilleure forme, aimait en effet manger, boire et fêter, imaginant même un rituel d’intronisation d’où l’on sortait avec un surnom plus ou moins faciles à porter («Le Petit Crabe», «Barbe de bouc», «Le Buveur», «Le Bigleux»…).
Une façon de tisser des liens, de partager les frais, de constituer un réseau avec les artistes locaux (organisés au sein de l’Académie de Saint-Luc à Rome), et surtout, de vivre ensemble. Soit partager, apprendre les uns des autres et bien sûr, s’influencer, parfois au-delà du collectif : Nicolaes Berchem et Jan Wijnants ont ainsi adopté le nouveau style… sans avoir jamais mis un seul pied en Italie!
«Sous une lumière dorée» Jusqu’au 13 octobre. Villa Vauban – Luxembourg.