La Villa Vauban, avec «Plakeg!», s’intéresse à la représentation du corps nu autour des années 1900, période féconde durant laquelle les artistes proposent de nouvelles perceptions, rompant audacieusement avec les traditions académiques.
Dans l’histoire de l’art, la représentation du nu a toujours suscité des scandales et polémiques. Lutter contre les traditions académiques et le poids de longs siècles de christianisme – célébrant l’âme au détriment du corps, avilissant – n’a rien d’une sinécure, comme l’ont appris à leurs dépens Manet, Renoir, Schiele, Degas, sans oublier Courbet et son Origine du monde, toujours irritant pour certains moralistes.
D’ailleurs, en préparant «Plakeg!» (en allemand, le mot «Akt» signifie la représentation du corps nu dans l’art), la Villa Vauban s’est elle-même heurtée à la logique bien-pensante de Facebook qui a refusé la campagne promotionnelle du musée sous prétexte qu’elle s’appuyait sur une toile d’Albert Weisgerber – jolie, au demeurant – et sa Miss Robinson dans son plus simple appareil… «Aujourd’hui encore, on n’est pas décontracté au niveau du nu!», souligne, malicieux, Boris Fuge, l’un des représentants de la Villa Vauban.
Imaginez donc les réactions, un siècle auparavant, alors que le nu était surtout associé à des thèmes picturaux mythologiques ou religieux, devant la hardiesse de certains artistes, désirant sortir le corps de sa sclérose «vertueuse» et de sa représentation, fidèlement ancrée dans un idéal de beauté classique.
Les artistes pénètrent dans l’intimité des femmes
Une mutation esthétique va alors s’imposer à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, notamment sous la palette des impressionnistes qui placent leur modèle où bon leur chante, associé à des scènes de la vie quotidienne. Les travaux de Lovis Corinth (1858-1925) illustrent bien cette révolution avec ces nouvelles perceptions, dénuées de tout embellissement. Ses peintures, dessins et œuvres graphiques sont ici affichés dans toute leur largeur, à l’instar de Bacchanale (1896) sur laquelle les figures mythologiques apparaissent dans des positions volontairement peu flatteuses… Libérés du répertoire pictural classique, les artistes pénètrent dans l’intimité des femmes (au lit, au bain, au boudoir, en plein air…), célébrant ainsi un art «voyeur» qui prend même le contre-pied de l’image du modèle, en le dépeignant dans des postures artificielles, désinvoltes.
En complément, l’exposition propose des photographies anciennes qui, à l’époque, ont influencé l’étude du nu, comme certaines d’Edward Steichen, sans oublier une sélection d’œuvres d’artistes luxembourgeois (Kutter, Schaack… ). Mieux, dans son approche pédagogique sensible, la Villa Vauban laisse traîner, çà et là, du papier et des crayons pour des esquisses sur le pouce. Que dire alors de ces rigolos panneaux «passe tête», permettant au public de s’«approprier» un corps nu. En toute décontraction.
Grégory Cimatti