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La Vie très privée de Monsieur Sim : une solitude ultramoderne


Dans La Vie très privée de Monsieur Sim, de Michel Leclerc, un colporteur parle au GPS de sa voiture. Jean-Pierre Bacri est parfait en dépressif joyeux!

On lui demande si parler à un GPS avec empathie, c’est facile, et Jean-Pierre Bacri, acteur essentiel du cinéma français, mais rare (onze films en 15 ans), répond : «C’est un peu chiant pour dire la vérité. Il n’y rien de mieux qu’une personne pour vous donner la réplique!» Il dit encore, évoquant son personnage dans La Vie très privée de Monsieur Sim , le nouveau film de Michel Leclerc : « Il ne sort pas de son trou. Plus il parle au GPS, plus il s’enfonce. Son amour n’est pas conscientisé… »

Et Bacri, l’acteur le plus ronchon du ciné d’en France, d’esquisser un sourire. Sa façon à lui de faire comprendre qu’il a éprouvé, face à la caméra de Michel Leclerc, tant et tant de bonheur à tourner ce film. Originellement, il y a le roman éponyme, très original et un peu barré du grand Jonathan Coe –  et le réalisateur Michel Leclerc (entre autres, Le Nom des gens et Télé Gaucho ) de confier  : « J’ai lu ce livre à un moment où je traversais une période difficile de deuil et de remise en question. Il a donc un écho très particulier avec ma propre vie, et découvrir cet homme qui avait tout perdu et qui était en plein questionnement m’a bouleversé. Je me suis totalement identifié à lui à ce moment. Puis j’ai eu la chance de pouvoir rencontrer directement Jonathan Coe et de le convaincre d’accepter cette adaptation .»

À l’écran, ainsi, on découvre Monsieur Sim. Un homme à la petite cinquantaine et dénué de tout intérêt –  du moins, c’est ce qu’il pense de lui-même. On résume : sa femme l’a quitté, il n’a plus de travail, et quand il décide d’aller voir son père dans un coin reculé de l’Italie, celui-ci ne daigne même pas partager un repas avec lui…

Une brosse à dents et plein de découvertes

Sa vie va basculer quand il reçoit un appel téléphonique  : on lui propose un boulot. En colporteur des temps modernes, plongé dans l’ultramoderne solitude, il doit sillonner la France pour vendre des brosses à dent en poils de sanglier –  l’argumentaire  : ces brosses à dent vont «révolutionner l’hygiène bucco-dentaire». Il sillonne, seul dans sa voiture. Ultramoderne solitude puisqu’il converse avec la voix féminine du GPS, tout en profitant des hasards de sa tournée pour revoir des visages croisés durant son enfance, son premier amour ou encore sa fille.

Mieux  : lui le dépressif, il va faire d’étonnantes (et belles) découvertes. De ces découvertes qui révèlent un homme à lui-même. « Ce Monsieur Sim est un dépressif joyeux , explique le réalisateur. Bien sûr, il est dépressif, mais il ressent le désir de s’en sortir. C’est bien le type de personnage qui donne matière à plusieurs scènes de comédie  : Sim annonce à qui veut l’entendre qu’il est en pleine dépression avec un grand sourire comme s’il disait  : « J’ai adoré ce que j’ai mangé ce midi. » Il a une candeur, une franchise qui me bouleversent .»

Aux côtés de Jean-Pierre Bacri brillent Isabelle Gélinas et Mathieu Amalric et, de toute beauté, rayonne Valeria Golino. Mais au-delà de ce casting de très haut niveau, tout comme l’avait fait Jonathan Coe dans son roman, Michel Leclerc se moque avec habileté et intelligence des outils de communication de la société contemporaine. Et propose un parcours initiatique sous la forme d’un road movie pour développer le thème de la nécessité de se perdre pour mieux se retrouver…

Serge Bressan

La Vie très privée de Monsieur Sim , de Michel Leclerc (France, 1h42) avec Jean-Pierre Bacri, Mathieu Amalric, Valeria Golino…

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