En Colombie, deuxième exportateur mondial de fleurs, l’approche de la Saint-Valentin déclenche chaque année une course contre la montre effrénée dans les exploitations horticoles pour conserver un marché lucratif mais fragile.
Les roses seront bien entendu de la fête. (Photo : AFP)
« Si ça ne marche pas bien pour l’un d’entre nous avec la Saint-Valentin, alors son année est fichue », résume Fernando Arenas, le gérant d’une ferme à Nemocon, à la périphérie de Bogota. Dans d’immenses serres remplies de roses de toutes les couleurs, où les ouvrières s’activent munies de gants en cuir, le patron affiche ses objectifs pour la fête des amoureux : au moins « trois millions de fleurs » vont devoir être expédiées par sa société.
La Saint-Valentin, le 14 février, sonne le vrai coup d’envoi de la récolte des fleurs en Colombie, avec des exportations qui représentent environ 12% du total de toute l’année, quelque 500 millions de gerbes. Avec, en toile de fond, une compétition féroce avec les Pays-Bas, premier exportateur mondial, mais aussi le voisin d’Equateur ou encore le Kenya et sa main d’œuvre moins chère. Dans la ferme de Nemocon, à peine coupées, les fleurs sont transférées avec précaution grâce à un système de rails aériens, technique connue dans les bananeraies, autre production phare de Colombie. Dans un pavillon spécial, d’autres employées prennent prestement le relais: elles ôtent les épines des roses, les classent et préparent les bouquets.
Puis, « c’est à la science de jouer », lance Fernando Arenas, en référence à l’indispensable respect de la chaîne du froid. Pour que les fleurs conservent leur fraîcheur à l’arrivée d’un voyage de plusieurs milliers de kilomètres, des camions réfrigérés acheminent les caisses à l’aéroport, à destination de Miami ou Amsterdam, les deux grands centres de distribution mondiaux. « Le dernier envoi, c’est le 9 février », cinq jours avant la date fatidique, avertit le gérant, qui ne confie qu’une inquiétude: les caprices du temps. En 2010, année noire de la profession, le gel a anéanti les récoltes.
> Un millier d’espèces différentes
« Le manque d’eau, de soleil, les chutes de neige qui retardent la production, tout cela affecte le secteur », précise Augusto Solano, du syndicat du secteur Asocolflores, affirmant que la marge de profit a diminué lors des dernières décennies. La Colombie reste toutefois plutôt gâtée par les cieux puisque son climat, dépourvu de saisons, permet de produire des fleurs tout au long de l’année et d’être ainsi au rendez-vous de divers événements dans le monde, comme la fête de la femme en Russie, la Sant Jordi ou fête des amoureux en version catalane, ou encore les festivités religieuses au Japon.
A chacun sa fleur : les roses jaunes sont très populaires auprès des jeunes, les lilas adulés par les Japonais, mais pour la fête des amoureux, la rose rouge continue d’être la reine indiscutable des exportations même si la Colombie propose à la vente jusqu’à un millier d’espèces différentes, dont d’exotiques orchidées. « C’est une question de mode », confie Fernando Arenas, en racontant comment la célèbre présentatrice de télévision américaine Oprah Winfrey assura le succès d’une variété de rose baptisée « Espérance » en l’affichant sur la couverture d’une revue.
Le premier client de la Colombie sont de loin les Etats-Unis, qui absorbent 75% de ses exportations de fleurs, suivi de la Russie, du Japon, du Royaume-Uni et du Canada, selon Asocolflores. Pour le pays latino-américain, le marché des fleurs n’est pas seulement un jackpot de plus d’1,3 milliard de dollars annuels. C’est aussi une industrie qui génère quelque 130.000 emplois directs et indirects, environ 15 par hectare, soit sept fois plus que pour les plantations de café. Ce qui pose un vrai problème car « maintenant, personne ne veut travailler dans les champs », déplore Fernando Arenas, avant de soupirer : « Ah, si seulement la Saint-Valentin durait un mois au lieu d’un jour ! ».
AFP