Vendue à plus de 450 millions d’exemplaires dans 200 pays, la saga Harry Potter passionne toujours, 20 ans après la sortie du premier de ses sept tomes. Un succès d’abord dû à la qualité de l’histoire, selon deux spécialistes.
Si « Harry Potter continue à très bien se vendre et à être très bien lu », c’est avant tout parce que « c’est réussi, c’est une vraie œuvre », tranche Marie Lallouet, rédactrice en chef de « La revue des livres pour enfants » de la Bibliothèque nationale de France.
Un avis partagé par Martin Richardson, professeur en sciences de l’éducation de l’université de Durham (nord de l’Angleterre) où il donne un cours baptisé « Harry Potter et l’époque de l’illusion ». Selon lui, « l’histoire est fondamentalement bonne, la saga incroyablement riche, c’est une superbe aventure, les personnages, un peu unidimensionnels dans le premier tome, sont de plus en plus nuancés » au fil des livres. Et en y plongeant, « les enfants ouvrent les portes du plaisir ».
Retour du merveilleux
Sur le fond, ces livres signe le « retour du merveilleux » dans la littérature jeunesse avec la trilogie du Britannique Philip Pullman, « A la Croisée des Mondes ». Un genre qui ne souffre pas d’obsolescence comme cela peut être le cas pour la science-fiction, note Mme Lallouet. En outre, « les problématiques » du petit sorcier « sont très fondamentales et universelles, elles touchent à la filiation, à son histoire, son destin », ajoute-t-elle. J.K Rowling, forte d’une riche culture littéraire, a su digérer « tous les grands standards de la littérature jeunesse » dans son oeuvre et a eu le culot de faire des « livres très longs ».
Soulignant qu’en France notamment, pendant la vingtaine d’années précédent la sortie de la saga, une « littérature de l’intime » avait éclipsé « une littérature d’aventure », Mme Lallouet estime que « Harry Potter a réconcilié les deux ». « Il est dans des questionnements très intimes (…) et en même temps, l’auteure avait aussi un scénario extrêmement dense, ambitieux, avec des décors, des effets spéciaux pour prendre des métaphores cinématographiques. L’association des deux a fait quelque chose de très puissant ».
Autre facteur qui a contribué au succès, les modes qui ont suivi la publication de la saga « s’adressaient à un public un peu différent, donc ça a laissé sa place dominante à Harry Potter », dit-elle en citant Twilight, destiné à des filles plus âgées, alors que Harry Potter visait un lectorat mixte et jeune. Bienfaits notables: « Harry Potter a revalorisé la littérature jeunesse aux yeux des adultes » et a conduit « toute une génération à apprendre l’anglais pour pouvoir le lire dès sa sortie anglo-saxonne », sans attendre la version française, rappelle-t-elle.
« Un peu comme Noël »
Pour Martin Richardson, dans un monde où les jeux vidéos attiraient de plus en plus, notamment les garçons, cette saga « n’aurait pas dû marcher » mais elle a « sans conteste aidé les garçons à lire ». Ces romans font désormais partie de « l’ADN » du Royaume-Uni et parlent aussi aux adultes qui en les lisant avec leurs enfants y retrouvent « des questions existentielles sur la condition humaine », notamment sur le thème du « devoir », note le professeur, en soulignant « le nombre incroyable de niveaux » de lecture possible.
Et puis, « avec ce personnage, on grandissait, ce qui était très nouveau, très fort et très réussi », souligne Marie Lallouet rappelant le déroulé sur une année scolaire de chaque volume et l’attente entre chaque tome. Le tout est porté par « une écriture extrêmement efficace » et une « mécanique éditoriale soigneusement entretenue » pour faire durer cette manne financière, ajoutent les deux spécialistes.
Quant à savoir si les jeunes générations futures seront toujours séduites par les aventures du petit sorcier, M. Richardson pense que oui. « Dans 20, 30, 40, 60 ans on lira encore Harry Potter ». « C’est un peu comme Noël, ça ne se démodera pas ».
Le Quotidien/AFP