Ils ont stoppé net leur activité en mars, avançant depuis au radar et n’existant qu’à travers des initiatives ponctuelles. Mais d’ici les prochaines semaines, les centres culturels décentralisés reprennent du service, la fleur au fusil, les doigts croisés et la tête pleine de questions. Le Quotidien s’est tourné vers six d’entre eux, de Niederanven à Marnach, histoire de prendre la température.
En mars, tous ont vécu un coup d’arrêt brutal, rare et soudain, comme jamais la culture n’en a connu jusqu’alors, tant au Luxembourg que plus loin. Il a fallu alors réagir, rapidement : déprogrammer, annuler, reporter, imaginer des solutions numériques, investir les parcs en été… Et, dans cet improbable chaos, dessiner, également, une nouvelle saison, sans savoir si elle pourrait se tenir normalement. En cette rentrée, alors que le virus est toujours actif, six centres culturels décentralisés du pays se sont confiés au Quotidien. De Marnach à Ettelbruck en passant par Mamer, Echternach, Mersch et Niederanven, chacun y va de son optimisme, parle d’entrain retrouvé, de public motivé, d’affiches alléchantes, tout en n’oubliant pas les autres sujets délicats : les mesures sanitaires, la situation des artistes et cet avenir en pointillé, difficilement saisissable. Voilà donc, ici réunies, les observations d’une reprise singulière.
CAPE
Va y avoir du sport (ou pas)!
Du côté d’Ettelbruck, on s’apprête à vivre une saison pleine, même si le centre culturel se tient prêt à faire face à toute éventualité, flexible comme jamais.
Cette année, alors que l’on fête toujours la double décennie du CAPe, Carl Adalsteinsson a décidé de garder la cadence qu’il connaît depuis mars : affûté comme jamais, tel un sportif de haut niveau, il se dit aujourd’hui prêt à encaisser les mauvaises nouvelles, et à y répondre du tac au tac. Pas question, en effet, de laisser un virus pourrir l’ambiance trop longtemps. «On n’a pas d’autre choix que d’être optimiste. Et puis, un peu de normalité et de perspectives, ça fait du bien!»
Et il y a des signes positifs qui ne trompent pas : lors de la présentation de la saison au public, plus d’une cinquantaine de personnes étaient présentes dans la salle, sans oublier ceux qui appellent pour réserver, écoles en tête. «C’est plus qu’inattendu!», souligne le directeur, satisfait que l’élan estival observé d’Echternach à Mamer se poursuive.
Tant mieux, doit-il se dire, après une avancée à l’aveuglette. «D’abord, on devait fermer durant deux semaines, puis jusqu’à Pâques, puis jusqu’à la Pentecôte…» Une danse syncopée qui aboutira à une philosophie commune «aux collègues européens» : «Garder un esprit compétitif et évaluer chaque semaine la situation.» «On s’est fait une raison, précise-t-il. L’idée est de se dire que l’on s’adaptera le moment venu.» Preuve concrète que toute chose «est devenue plus fragile», récemment, les Canadiens de The Fitzgeralds ont dû déclarer forfait : «Le groupe a annulé sa tournée en Europe. Il devait observer une quarantaine s’il passait par la Suisse et parallèlement quelque-uns de ses concerts en Allemagne ont été annulés. Ça ne leur servait à rien de prendre l’avion…» Mais face à ces changements imprévisibles, Carl Adalsteinsson joue la carte de la flexibilité : «On doit réagir vite», soutient-il, lui qui a déjà trouvé un remplaçant pour cette soirée avec un projet de Pol Belardi. Car côté reports et annulations, le directeur a eu sa dose cette année, avec 38 manifestations tombées à l’eau, puis finalement repêchées pour cette nouvelle saison. Malgré les difficultés de l’exercice, «on a réussi à tout caser», explique-t-il, en dehors d’un petit concert. Une nouvelle fois, la diversité est ici déployée comme un étendard autour de cinq axes forts : musique, danse, théâtre, arts visuels et spectacle musical. Une obstination aussi : se mettre, toujours plus, «au service» des jeunes et des écoles.
«On souhaite les aider à susciter leur créativité», clame-t-il, évoquant une convention signée avec le ministère de l’Education nationale. Bien évidemment, l’idéal est que tout le monde en sorte gagnant : «On fait un pas vers eux, vers l’école, pour qu’ils passent un jour le cap et grimpent les escaliers qui mènent au CAPe.»
La démarche est louable, surtout quand on ne dénombre pas moins de six lycées dans la Nordstad (une dizaine si l’on pousse jusqu’à Junglinster, Redange, Clervaux et Wiltz). «Le potentiel est énorme!», lâche Carl Adalsteinsson, qui s’autorise aussi à se tourner vers d’autres populations (chômeurs, étrangers…). «Il est important d’agrandir notre vision, notre mission.» En se tenant aux mesures sanitaires décrétées au Luxembourg et en se demandant «comment le public va réagir», le CAPe réanime sa «bienveillance naturelle», abordant sa saison avec quelques améliorations (notamment avec un accueil «rafraîchi» et un site internet «modernisé») et en se satisfaisant des détails : «Revoir des gens à la billetterie, ça réchauffe le cœur.» Un regard neuf que Carl Adalsteinsson applique à son quotidien : «Quand on fait venir l’OPL, on regarde comment travailler ensemble, en toute sécurité. Ce sont des questions nouvelles.»
Même chose pour l’opéra, qui devait ouvrir le bal à travers un grand projet participatif et pluridisciplinaire, réalisé pour et par les jeunes. Finalement, les réjouissances démarreront avec un autre spectacle, de cirque celui-ci : Stehfleisch und Sitzvermögen. Un duo de jonglerie qui pose une question, essentielle : «Où s’arrête l’habitude et où commence la folie?» Une énigme qui ne pourrait pas mieux décrire les mois passés… et ceux à venir. «On ne pouvait commencer que par ça!»
Lancement de saison le 3 octobre / Stehfleisch und Sitzvermögen de Spot the Drop (cirque) www.cape.lu
Trifolion
La musique adoucit les mœurs
Pour une entrée en matière, Maxime Bender fait fort : arrivé à la tête du Trifolion le 1er juillet, à la place de Ralf Britten, il est tombé, pour son bizutage, sur une situation sans pareille : «Juste parfait», sourit-il. Malgré tout, bien que le jazzman ait plutôt l’habitude de virevolter derrière son saxophone, là, pas question d’improvisation : «J’ai une feuille de route pour l’année à venir. Je m’y tiens!» Malgré les reports et annulations, le nouveau directeur a pu ainsi, les manches retroussées, «mettre sa patte» sur la nouvelle programmation, aidé, il est vrai, par sa «connaissance des lieux». Et pour cause, depuis 2019, il est le directeur artistique du festival Echterlive (ex-Festival international Echternach), programmé fin février de l’année prochaine. «C’est quand même plus facile : ça permet une transition douce.»
Une transition, «sans révolution majeure» comme il dit, qui se fera grandement en musique, ce qui est loin d’être une surprise… Mais Maxime Bender la conjugue à toutes les sauces, ne se limitant pas à sa passion pour le jazz – bien que le genre ait toujours eu une place de choix à Echternach. Musique classique, rock, pop, world, tout y passe! Mieux, il compte la faire en «reconnectant» le centre culturel avec «sa région et le Luxembourg». Et quoi de mieux qu’un verre pour fédérer le public, comme l’a déjà prouvé durant l’été le projet «Trifo Apéro», pour le coup prolongé cette saison. «On a proposé des concerts gratuits en juillet-août. C’était plein! On a dû aménager le site pour trouver plus de place», se remémore-t-il. Et sur «sa» scène, souvent, il retrouve des compagnons de jeu, qu’il ne faut surtout pas oublier : «J’ai des amis, des collègues qui n’ont plus rien eu du jour au lendemain! Il est primordial de ne pas lâcher l’affaire.» D’autant plus vrai que le Trifolion est un centre culturel «subventionné». «C’est à nous de montrer l’exemple!»
Il cherche encore à le faire à travers d’autres propositions, tant nationales qu’internationales, qui visent large : théâtre, débats, littérature, pour les adultes comme le jeune public, sans oublier la danse qui, d’ailleurs, a déjà lancé la saison le 9 septembre, certes sans public, avec le bien nommé Invisible Dances – Art after Lockdown d’Elisabeth Schilling (cette dernière sera en résidence au Trifolion jusqu’en 2023). Oui, Maxime Bender n’aime pas traîner ni «trop se prendre la tête» non plus. Comme le montre une programmation «plutôt normale», bien qu’elle tende plus vers le français et le luxembourgeois, affirmation régionale oblige! L’essentiel, au final, est d’y croire : «On ne sait pas ce qui va se passer. Mais il faut jouer le jeu et ne pas avoir peur.»
Vendredi Trifo Apéro : Napoleon Gold & Jerome Klein www.trifolion.lu
Kulturhaus Niederanven
Un cœur gros comme ça
Un rapide tour sur le site du centre culturel confirme sa préoccupation majeure : celle d’un service de proximité qui, concrètement, se met à la hauteur du public (dont les plus jeunes, à partir de la crèche), et ce, à travers de nombreux ateliers. Être ensemble et créer coûte que coûte, telle semble être la philosophie du Kulturhaus qui, après un confinement plombant, n’a pas pris de vacances. «D’habitude, on ferme en été, mais là, on a continué nos activités», confirme sa directrice, Nora Waringo.
Les gens, cherchant l’air frais après trois mois de privation – malgré des propositions en ligne «bien suivies» –, se sont alors rués sur les projets présentés dans un grand parc («la commune a fermé toutes les salles»). Avec de la colle, des feutres et de l’inventivité, la vie retrouvait du sens, et pour les petits, il restait à profiter des belles histoires contées, à la fraîche, par Luisa Bevilacqua et Betsy Dentzer. De quoi redonner le moral pour attaquer une saison où les doutes subsistent : «La culture n’est pas cruciale pour l’économie, poursuit-elle. À un moment, avec l’équipe, j’ai eu l’impression d’être oubliée, de travailler dans le vide.»
On imagine bien, aujourd’hui, ce que peut endurer un centre culturel depuis le mois de mars, obligé, dans une danse de Saint-Guy, de s’adapter aux normes gouvernementales et à un virus qui n’en fait qu’à sa tête : «On a essayé de trouver les solutions alternatives et mettre notre salle aux normes.» Résultat? Près des deux tiers des places sont sacrifiées. «C’est très strict, plus que pour les restaurants!», martèle Nora Waringo, confirmant son ressenti initial sur la politique et la culture. Pas trop motivée à l’idée d’imposer le masque à un public (assis), le Kulturhaus cherche paradoxalement le rapprochement, en se tournant vers les artistes locaux et des spectacles «plus intimistes». En automne-hiver, on retrouvera ainsi la programmation suspendue en raison du Covid-19. Et plus tard, le centre culturel fera notamment la part belle à la littérature, devenu spécialiste du «slam» qu’il décline à l’envi.
Ateliers et contes, comme une habitude, restent un autre axe fort de la saison à venir qui, malgré le brouillard persistant, cherchera à ne pas trop tanguer. Nora Waringo y croit : «Il y a déjà beaucoup de réservations d’enseignants, et les gens s’habituent lentement à revenir. De toute façon, on ne va pas laisser les artistes comme ça! Croisons les doigts et soyons optimistes.» En somme, faire contre mauvaise fortune bon cœur. Un élan positif qui se passe même, pour une fois, de brochure de saison. «Et c’est bon pour l’écologie!»
Lancement de saison le 6 octobre / «Animals, Figures and Spaces», exposition d’Álvaro Marzán. www.khn.lu
Cube 521
Au nom des siens
À Marnach, pour cette rentrée, on sort les formules-choc, comme celle lâchée en 1991 par Richard von Weizsäcker, alors président fédéral de l’Allemagne : «La culture n’est pas un luxe (…), mais le fondement spirituel qui assure notre survie intérieure réelle.» Et bim! Oui, on prend ce retour très au sérieux au Cube 521 qui, sur son site, dit encore représenter «des valeurs démocratiques et humanistes». À sa tête depuis le début, soit treize ans, Odile Simon a conscience de la mission qu’elle porte et qui doit s’articuler autour d’une question toute bête : «Pourquoi on est là?» La directrice ne tarde pas à donner sa réponse : «Pour accueillir du monde!, s’exclame-t-elle. Présenter de l’art, d’accord, mais dans une réelle vision sociale.»
Vu l’isolement de la structure – une trentaine de kilomètres la séparent d’Ettelbruck et de son CAPe, le centre culturel le plus proche – là-haut, tous les mots comptent, comme «convivialité» ou «intimité», surtout après trois mois passés à ronger son frein. «Durant le confinement, on se sentait franchement esseulés, dit-elle. C’est cruel, car ici notre objectif a toujours été de valoriser cette région.» Un crève-cœur, aussi, d’avoir dû annuler au passage pas moins de 31 représentations (dont 15 scolaires), ainsi que deux festivals («Night Light and More» et «Les Dimanches du chant grégorien»). Pour le modeste Cube 521, ce n’est pas rien… «C’était compliqué et triste, même si on a pu en sauver la moitié», rassure-t-elle – spectacles qui s’étaleront sur les deux prochaines saisons.
Reste qu’aujourd’hui il faut rassurer le public. D’abord en «respectant la loi» à travers des procédures qui, aujourd’hui, font sens : désinfection régulière de la salle et masques à gogo. Même sur scène, tout est mesuré : «On cherche à trouver des formations musicales pas trop grandes. Au-delà de huit personnes, on oublie!» Ensuite, en restant à la hauteur des attentes du public, avec un programme culturel de «premier ordre» qui s’ouvre à un maximum de disciplines (jazz, musique classique, chant a cappella, théâtre, cabaret…). «On a toujours essayé de garantir une qualité, sans rogner sur la quantité», appuie Odile Simon, citant notamment deux créations au menu de cette saison. Des propositions attirantes, apparemment, au vu des nombreux coups de téléphone qui agitent le centre culturel : «Les gens sont motivés, ils veulent jouir à nouveau de la culture.» Au mieux de ses possibilités, le Cube 521 se plie aux exigences des siens. «C’est la qualité de vie qui est en jeu!» Encore une formule forte.
Lancement de saison le 27 septembre/Nomad the Group (concert) www.cube521.lu
KINNEKSBOND
Remettre l’humain au cœur du sujet
La saison sera chargée au centre culturel de Mamer : la crise sanitaire a débouché sur un véritable casse-tête de programmation, mais l’établissement multiplie les initiatives.
Si cette saison avait un sous-titre, ce serait « Version 74 », tellement elle a été remaniée.» Heureusement, le casse-tête est fini au Kinneksbond. Pendant des mois, face au brouillard que la crise a amené avec elle, le directeur du lieu, Jérôme Konen, et son équipe ont jonglé avec les reports, les annulations et les nouveaux spectacles pour offrir aux arts de la scène (et au public!) une rentrée digne de ce nom.
Bien sûr, les incertitudes qu’a connues le monde du spectacle vivant ont eu des conséquences lorsque le voile a été levé. «Par exemple, développe-t-il, il n’y aura pas de collaboration cette saison avec le Ballet de Metz, qui est un partenaire régulier.» Mais le directeur s’est abandonné à son mot d’ordre, véritable marche à suivre dans la construction de la nouvelle saison : «Tirer le meilleur de cette période et jeter un regard positif sur l’avenir.» Et le faire en s’axant sur trois aspects, «la proximité, l’échange et la chaleur humaine», ce qui a notamment mené au grand projet collaboratif et solidaire «Connection» entre le centre culturel de Mamer, les Théâtres de la Ville de Luxembourg, les Casemates, le Centaure et le TOL.
«Sur les quatorze annulations de la saison précédente, on a réussi à en reporter six cette saison. Il nous tenait à cœur de réinviter les artistes qu’on avait invités pour notre prochaine saison ou la suivante.» Mais Jérôme Konen a, depuis, connu une autre mauvaise nouvelle: We Wear Our Wheels With Pride…, de la chorégraphe Robyn Orlin (qui était passée par le Kinneksbond en février avec sa première pièce de théâtre, Les Bonnes de Jean Genet), a déjà été retiré du programme, les huit danseurs de la pièce étant dans l’incapacité de quitter l’Afrique du Sud en raison de la pandémie. «On y croyait, affirme-t-il, déçu. Quand on a vu l’avancée de la crise, on s’est dit qu’il fallait quand même tenter de le faire. On va peut-être présenter cette saison un autre spectacle de Robyn Orlin plus adapté à la situation actuelle.»
Le Kinneksbond laisse une place importante à la danse, et Jérôme Konen confirme la «volonté de remettre en avant le corps, même si, par rapport aux saisons précédentes et pour des raisons pratiques, notre saison chorégraphique est moins développée». On compte deux spectacles de danse, mais le corps sera la question centrale de bien des pièces jouées cette saison à Mamer. Jérôme Konen poursuit: «On voulait aussi mettre en avant le lien social. Beaucoup de spectacles posent les questions, ébranlées ces derniers mois, du rapport à l’autre, à soi-même… Le corps sera mis en avant, mais surtout, c’est l’humain que l’on veut remettre au centre de la discussion.» Si «l’actualité est le miroir de la société», le théâtre en est le salon, où tous peuvent exprimer leurs idées avec une liberté de ton totale, où l’on peut interpeller le public sur telle ou telle question de société ou politique, «en essayant d’être visionnaire».
«Cette crise nous a dominés, c’est une situation inédite, et elle a mis en exergue beaucoup de problèmes qui étaient déjà existants», souligne le directeur. Car parler d’autres sujets, cela revient inévitablement à mettre ceux-ci en lien avec la crise. Cette saison au Kinneksbond seront par exemple abordés les thèmes du suicide (Toutes les choses géniales, de Duncan MacMillan), des violences conjugales ((Can’t) Stay at Home, de Frédérique Colling, Catherine Elsen et Sally Merres), de la solitude… Plus qu’un hommage à ces oubliés de la crise, le Kinneksbond souhaite orienter le débat sur ces «sujets qui ont été balayés du discours global ou de la presse».
Jérôme Konen ne cache d’ailleurs pas son influence dans le choix de ces pièces: «Les saisons ici sont comme un regard sur ce qui se passe dans ma tête et dans mon cœur: il y a des choix très personnels, qui me touchent, avec des thématiques dont je sens qu’elles sont ou peuvent devenir importantes.» Tout ne sera pas si noir à Mamer, cependant. Car du rire, il y en aura aussi, beaucoup. Avec Pink Boys and Old Ladies, de Marie Henry, qui questionne le genre et le besoin de la société de coller des étiquettes aux individus. Avec Bells and Spells, de Victoria Thierrée Chaplin et Aurélia Thierrée, respectivement fille et petite-fille de Charlie Chaplin, qui remettent au goût du jour l’univers onirique et muet de «Charlot». Avec Hen de Johanny Bert et sa marionnette transformiste sans pudeur ni tabou. Ou encore avec Rabudôru d’Olivier Lopez, fable contemporaine autour d’une poupée érotique plus vraie que nature.
En attendant, la saison du Kinneksbond commence dès ce soir, avec un hommage au journaliste, acteur et auteur Jay Schiltz, décédé le 20mai dernier, à 62ans. Äddi Jay sera une lecture par Claude Mangen d’une sélection de textes, où l’on retrouvera une dernière fois le ton caustique et dénonciateur de ce dernier, qui avait élu domicile à Mamer.
«Une peur persiste, conclut Jérôme Konen, mais ce n’est pas une peur qui me paralyse. Nous avons tout fait, au niveau de la structuration de la saison et des mesures mises en place pour accueillir le public pour que l’on puisse présenter les spectacles que l’on a programmés. Cependant, on n’est jamais à l’abri d’avoir des soucis. Il faut être prudent, mais dans notre métier, il faut surtout être réactif et faire preuve de capacité d’adaptation. En ce moment, on n’est pas maître de notre destin, mais on peut contribuer à la solution.»
Lancement de saison ce vendredi soir, à 20h. Äddi Jay, du waars net keen!. Textes de Jay Schiltz lus par Claude Mangen. www.kinneksbond.lu
Kulturhaus Mersch
Le live plus que jamais
Claude Mangen ne mâche pas ses mots quand il repense à la période qui vient de s’écouler: «Le spectacle vivant sur internet a-t-il vraiment marché? C’était la seule solution, d’accord, mais on doit encore apprendre à utiliser internet comme medium. Il ne suffit pas de mettre sa caméra devant son canapé ou dans son studio…» Pour le directeur du Kulturhaus, aussi président de la Theater Federatioun, «rien ne vaut le live». Pourtant, l’établissement choisit d’y retourner prudemment : son programme couvre la moitié de la saison, de septembre à janvier. «Même si le reste de la saison est déjà décidé, on reste flexible pour la seconde moitié du programme, qui sortira en décembre. Peut-être que l’on pourra placer d’autres reports.» Avec, comme thématiques, les 125ans du cinéma, un cycle autour de Beethoven et, surtout, tout un volet autour des auteurs luxembourgeois, qui ont parfois, comme Georges Hausemer, traversé les disciplines artistiques, le public aura de quoi se satisfaire.
D’ailleurs, à Mersch, le retour aux affaires culturelles se fait dans tous les arts, mais pas seulement. L’établissement n’oubliant pas sa mission pédagogique, il proposera des ateliers et des tables rondes, notamment autour de l’intersexualité. Mais Claude Mangen ne cache pas ses déceptions quant à la longue et difficile mise en place du programme: «Le théâtre est vulnérable. C’est un secteur sous-subventionné: même en temps normal, on teste nos limites.» Et ajoute que son plus grand regret est de ne pas avoir pu mettre en place un atelier avec le projet blanContact, «un atelier avec des danseurs professionnels et handicapés qui devait avoir lieu en avril» et initialement «reporté à octobre». «Nous ne pouvons pas le faire, car il s’agit de personnes vulnérables qu’il faut protéger et, de ce fait, elles ne peuvent pas venir répéter. Je le regrette beaucoup, mais on les fera venir la saison prochaine.»
Le Kulturhaus annonce une belle et riche saison, et si son directeur tient à rassurer le public en prenant les mesures nécessaires pour l’accueillir en toute sécurité, il n’en exprime pas moins ses craintes: «Garantir la sécurité et le plaisir de venir au théâtre n’empêchent pas que le public ne réponde pas à notre invitation.» Conscient que la pandémie a définitivement changé le secteur en mettant plus que jamais en avant ses faiblesses, Claude Mangen conclut: «On doit aussi apprendre à vivre avec cela, personne ne sait dans quel sens ça va évoluer. On met tout en place pour démarrer une nouvelle saison et on s’adaptera au fur et à mesure.»
Lancement de saison le 1er octobre / «Behescht», exposition sur Georges Hausemer. www.kulturhaus.lu
Grégory Cimatti et Valentin Maniglia